#8mars, épisode 4 : L’éducation des jeunes filles au Cambodge avec l’association Toutes à l’école
Fondée en 2005 par la journaliste Tina Kieffer au Cambodge, l’association Toutes à l’école prend aujourd’hui en charge plus de 1 300 jeunes filles qui seront accompagnées tout au long de leur scolarité et de leur formation universitaire et professionnelle, jusqu’à leur premier emploi.
La prise en charge des élèves est globale : éducation, alimentation et suivi médical. Un soutien est également apporté aux familles. Le rôle de Happy Chandara est donc déterminant pour l’avenir des petites filles de cette région pauvre, où les habitants vivent pour la plupart de l’agriculture, de la pêche et de la cueillette de jasmin.
Happy Chandara est aujourd’hui un véritable campus avec une école primaire, un collège, un lycée, un internat, un centre de formation professionnelle et un centre médico-social. En septembre 2018, un foyer a ouvert dans Phnom Penh afin d’accueillir les élèves qui poursuivent leurs études supérieures.
Chandara Students Home, un nouveau lieu de vie pour les étudiantes de Happy Chandara
En septembre 2018, la première promotion des jeunes filles bénéficiaires du projet de Tina Kieffer a eu le baccalauréat après 12 années passées à Happy Chandara, l’école de l’association Toutes à l’écoles, située à Prek Thmey, un village à une vingtaine de kilomètres de Phnom Penh.
Ces jeunes filles sont toutes issues d’un milieu défavorisé, et avoir pu bénéficier d’une scolarité de qualité et ouverte sur le monde est une réussite et une fierté pour leurs parents dont la plupart ne savent pas lire. Elles sont aussi un exemple et représente de l’espoir pour toutes les autres jeunes filles d’Happy Chandara.
Avec un taux de réussite de 100% au baccalauréat, cette première promotion de bachelières ne pouvait mieux faire. L’ONG Toutes à l’école souhaitait les accompagner jusqu’à l’obtention de leur diplôme et l’acquisition de réelles compétences professionnelles.
Si la situation évolue au Cambodge, les chiffres montrent toujours que plus on avance dans le système éducatif et universitaire et plus le pourcentage de femmes diminue, avec la pauvreté, directement ou indirectement, en toile de fond.
Connaissant les risques d’abandon d’études, de mariage, de manque d’argent pour payer les études, de la compréhensible tentation de rester auprès des familles pour rapporter quelques dollars, ce fut une évidence pour Toutes à l’école d’offrir à ces jeunes femmes l’opportunité de poursuivre leurs études si elles le souhaitaient.
Depuis la rentrée universitaire qui s’étale entre septembre et décembre au Cambodge, les jeunes femmes d’Happy Chandara ont rejoint Chandara Students Home. Cette structure mise en place par Toutes à l’école se situe à Phnom Penh près des grandes universités. Là, elles y apprennent la vie en communauté ainsi que l’autonomie : tenir un budget, entretenir les choses, s’assumer, découvrir et se découvrir.C’est une grande maison où y apprend la vie… et pour certaines, le foyer est un véritable refuge tant les conditions familiales sont difficiles.
Toutes les conditions sont réunies pour qu’elles bénéficient d’un cadre de vie et de travail favorable aux études et à leur épanouissement personnel. Les jeunes femmes doivent cependant s’acquitter du paiement de l’eau et de l’électricité de leur chambre, faire le ménage et la cuisine. Chandara Students Home est aussi un lieu de responsabilisation. Elles font tout et sont libres de gérer leur temps dans le respect des règles internes au foyer. Une grande cuisine avec une grande pièce de vie ainsi qu’une bibliothèque avec quelques ordinateurs sont également à leur disposition.
Pour les aider, Toutes à l’école leur donne une allocation mensuelle leur permettant de couvrir les dépenses de première nécessité, les dépenses de transport et celles liées aux études.
Les étudiantes suivent des chemins différents, allant des études d’archéologie à celles du français en passant par l’économie, le droit ou la médecine, elles ont donc toutes des emplois du temps différents et le foyer vit ainsi en journée avec les vas et viens des étudiantes. Certaines ont également un petit emploi si leurs études leur en laissent le temps.
Rencontre avec Juliette, volontaire de solidarité internationale et responsable du foyer
A propos de Chandara Students Home
Je connais bien ces jeunes femmes pour avoir été leur professeur d’”Ouverture sur le monde’’ pendant deux ans à la bibliothèque du lycée. Ce programme vise à développer l’esprit critique, d’analyse, la culture générale et le partage de valeurs universelles auprès des lycéennes. J’ai souhaité poursuivre ma mission avec Happy Chandara et auprès de ces jeunes filles comme si j’avais eu un sentiment d’inaccompli, mais aussi par le défi d’un nouveau projet que je trouve passionnant d’un point vue social, intellectuel, humain et interculturel. Je me sens également très bien avec l’ONG Toutes à l’Ecole avec laquelle je partage la même vision et pour laquelle j’ai plaisir à continuer mon volontariat.
Le projet se construit et beaucoup de choses sont encore à mettre en place, mais les premiers mois ont montré des points de satisfaction pour toutes les personnes impliquées, mais également pour les étudiantes qui ont mûri, qui prennent les devants, leur vie en mains et s’assument.
La vie au foyer a pu être un peu difficile pour certaines au début, avec un nouvel espace de vie, l’éloignement familial, l’exigence demandée quant au respect du règlement et des règles de vie en communauté, mais je remarque surtout des sourires lorsqu’elles passent le portail du foyer, et cela me rassure.
Je partage leur quotidien, avec les hauts et bas de n’importe quelle famille, mais avec aussi les surprises et joie de la rencontre interculturelle. C’est passionnant…et j’apprends à leurs côtés autant que je cherche à leur transmettre des clés pour qu’elles soient heureuses et qu’elles soient en mesure de faire des choix librement.
C’est un travail quotidien qui demande beaucoup de patience, un peu d’humour, mais dont les résultats se font rapidement sentir, et cela est très valorisant.
Je sais bien que je fais des erreurs, mais le soutien des équipes cambodgiennes de l’école m’aide beaucoup, en particulier celles du service social avec la venue une fois par semaine d’une sage-femme, tout comme le service de l’orientation, de la vie scolaire ou pédagogique.
Ces jeunes femmes, au nombre de 64 dans le foyer, ont déjà fait un beau parcours : elles ont le bac, savent parler une ou deux langues étrangères, peuvent utiliser un ordinateur, elles sont ouvertes d’esprit et veulent plus que tout réaliser leur rêve : celui d’avoir le métier de leur choix et de contribuer au développement de leur pays ou de l’école qui les a formées.
Pour la journée du 8 mars, un groupe s’est constitué pour courir à Phnom Penh…. Ce sont elles qui en ont eu l’initiative, preuve qu’elles ont conscience et qu’elles ‘’revendiquent’’ un droit à l’égalité hommes-femmes.
Mon parcours
Mon prénom est Juliette et j’ai 38 ans. Je suis dans ma 5e année en tant que volontaire de solidarité internationale (VSI).
J’ai suivi des études de droit, mais j’ai travaillé principalement dans le domaine de la presse/édition et communication avant de m’engager avec pendant deux ans avec La Délégation Catholique en Turquie pour une mission d’éducation à la différence de l’autre. L’objectif était de créer un ‘’pont’’ aussi entre une ancienne école de jeunes filles et un hôpital psychiatrique dont les résidents sont essentiellement des femmes.
J’ai poursuivi mon engagement pendant un an au Ghana, toujours avec la DCC, pour un travail de coordination d’un nouveau centre en électricité et énergie solaire pour jeunes femmes de la région de la Volta.
Je suis maintenant au Cambodge avec Toutes à l’école où je suis toujours en VSI et toujours dans le cadre d’une mission auprès des jeunes femmes. Il s’agit d’une coïncidence mais parmi toutes les causes qui me touchent, les inégalités hommes-femmes en font partie, et je sais pourquoi je me lève et m’investis. Pour finir de me présenter, je m’approprie les mots de Madame Simone Veil : « Je ne suis pas une militante dans l’âme, mais je me sens féministe, très solidaire des femmes quelles qu’elles soient. »