Angèle, volontaire en service civique à La Roldos en Equateur
Angèle Corman est volontaire en service civique à La Roldos, quartier situé au nord de Quito pour une durée d’un an au sein de la Fondation Ecuasol dans laquelle elle a pour mission première d'assurer le suivi psychologique des enfants de la fondation et organise des ateliers avec leurs parents. Elle nous raconte comment sa mission a changé. Elle est envoyée par International Impact.
Quelques mots sur vous et sur vos motivations à venir en Equateur pour faire un volontariat ?
En dernière année de master de psychologie, et notamment grâce à une spécialisation en clinique transculturelle, une intuition commença à pointer le bout de son nez : et si on allait découvrir les récits d’ailleurs ? D’une nature assez curieuse, je désirais découvrir une nouvelle terre, inconnue mais, surtout, une culture différente de la mienne. L’Amérique du Sud, dans mon imaginaire, répondait bien à cet idéal. Mais l’idée d’un voyage seule ne me satisfaisait pas. Je ne souhaitais pas seulement contempler, mais davantage m’immerger, y prendre part, avoir ma part d’action, être utile et pouvoir aiguiser mes compétences. En ce sens, j’ai, de suite, imaginé faire un volontariat, celui-ci me permettant d’allier ainsi parfaitement mon désir de l’ailleurs et l’envie de m’y inscrire, d’être utile, mais également de grandir.
Que signifie pour vous faire un volontariat ?
Le volontariat me ramène premièrement à l’idée d’une inscription dans le collectif. Comment moi, avec ce que je suis, avec mes bagages et mon parcours, avec mes désirs et mes idées, puis-je participer et contribuer au monde dans lequel je vis ? Et en même temps, on le fait toujours aussi pour soi, ça va dans les deux sens. On vient y chercher quelque chose. Comment le volontariat, dans ce qu’il contient et l’expérience qu’il apporte, va pouvoir me transformer ?
Aussi, je le vis comme un travail à part entière. Objectivement, si je n’ai pas les mêmes responsabilités ou rémunérations qu’un salariat, subjectivement, l’engagement est total.
Quelles sont vos missions et votre quotidien en tant que volontaire ?
Je travaille à la Fondation Ecuasol, qui accompagne des enfants et des adolescents vivant dans les quartiers défavorisés du nord de Quito, où j’y ai une fonction de psychologue. Habituellement, mon quotidien était partagé entre la participation ou l’animation d’activités (comme le théâtre), l’accompagnement de certains jeunes à l’extérieur de la fondation et des suivis psychologiques. Depuis la crise sanitaire, toute ma mission se centre sur les suivis psychologiques. Je tente d’accompagner individuellement les jeunes dans cette période, et essaye de m’adapter à chacun, selon leurs demandes, ou leurs besoins. Avant tout, je chercher à établir un lien de confiance, et à leur offrir un espace de liberté où ils pourront s’exprimer par la parole ou par l’art.
Comment la crise sanitaire actuelle a t-elle impacté votre mission ?
Au début, avec un couvre-feu à 14h et tous les lieux publics fermés, c’était super difficile de poursuivre la mission. J’ai essayé d’accompagner les familles par téléphone mais la distance, la mauvaise connexion… Je me sentais très impuissante. Puis, comme on travaille avec des familles sans ressources économiques et qui ne pouvaient plus travailler, on a commencé à rechercher des donations alimentaires, essayant d’en distribuer régulièrement. Depuis la « distanciation sociale », tout mon travail se centre sur des suivis psychologiques individuels. C’est très riche et très précieux, parce que ça me permet de vraiment rencontrer des enfants ou des adolescents que je connaissais peu avant. Selon leur demande ou leur histoire, je les vois avec plus ou moins de régularité et on essaie de construire ensemble un terrain où peuvent s’exprimer les peurs, les incompréhensions mais aussi les rêves, les moments heureux, et un lien qui tient, un lien de confiance.
Qu’est-ce qui vous a surpris le plus en arrivant en Equateur ?
Au niveau visuel, tout d’abord, j’étais époustouflée par les reliefs des paysages. Des montagnes magnifiques et des espèces de gouffres très profonds. Des couleurs à chaque ruelle. Une espèce d’ambiance chaleureuse, comme ça, hyper agréable et super accueillante. Une alternance entre un monde très vivant, habité par les hommes et les chiens, et des grands espaces naturels. Puis, j’ai été surprise par le lien aux autres. On est loin du contact un peu froid et distant des Français. Ici, les accolades sont vites offertes. Les enfants, également, sans trop vous connaître, se jettent vite dans vos bras, ont beaucoup d’affection à donner et ils sont d’une gentillesse incroyable.
Quel est votre regard sur votre pays d’accueil, sur la région dans laquelle vous vivez et sur ses habitants ?
Au début, j’avais surtout peur de ces quartiers. Vivant dans les quartiers pauvres, on n’avait pas cessé de me dire de me méfier, de faire attention. Je craignais d’être perçue comme « l’étrangère » et donc rejetée. Finalement, dans les petites épiceries d’ici, les commerçants sont très chaleureux et vous surnomme toujours « veci » (voisin). Aussi, on a beaucoup sympathisé avec les voisins de notre immeuble, partageant des repas et des danses. Ce qui m’impressionne, chez eux, chez les familles qu’on accompagne, chez les jeunes que j’ai rencontrés, c’est leur force de vie. Ils traînent derrière eux de sacrées histoires, grandissent dans un contexte général lourd où ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes, se retrouvant, parfois, dans le foyer familial même, témoins ou victimes de violences. Mais, face à cela, ils déploient cette espèce de force incroyable. Ils se plaignent peu mais se battent, retombant toujours sur leurs pieds. J’ai énormément d’admiration pour eux.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent vivre une expérience de volontariat ?
Il faut y aller ! Peu importe les raisons pour lesquelles tu y vas, vis l’expérience pour elle-même et laisse-toi porter. Sans attendre des résultats spécifiques ou sans trop se projeter, peu importe la direction que cela prendra, tant qu’il y a du nouveau, il y a du mouvement donc de la vie. N’écoute pas les mauvaises voix/énergies qui viendront souffler des peurs et introduire des doutes, si le désir d’expérience est présent, il faut s’aventurer, et le reste suivra. Pour moi, en tout cas, ce reste-là a été bouleversant, tant sur le plan de mes émotions que de mes représentations.