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24 sep. 20
Cameroun

Anne-Sophie et Mathilde, engagées pour les droits de l’enfant en Côte d’Ivoire

Anne-Sophie et Mathilde se sont engagées en service civique en Côte d’Ivoire auprès d’associations œuvrant pour la protection des enfants. Elles nous partagent leurs expériences.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quels sont vos parcours ?

Anne-Sophie : Je m’appelle Anne-Sophie, j’ai 23 ans. Je suis originaire de la Guadeloupe et actuellement en service civique pour une durée de 4 mois. Après mes 2 années de classes préparatoires aux grandes écoles en Guadeloupe, j’ai intégré une école de commerce en France hexagonale. J’ai eu quelques expériences dans le secteur de la santé. Mes années d’études m’ont permis de voyager sur tous les continents à l’exception de l’Afrique. Je tenais sincèrement à ne pas l’invisibiliser de mon parcours d’une part en raison de son histoire riche, ses cultures diverses et d’autre part pour l’entrepreneuriat grandissant et les projets d’autonomisation des femmes exponentiels. Je suis la petite fille d’une femme et d’un homme extraordinaires qui ne savent ni lire, ni écrire. C’est l’une des raisons pour lesquelles cette mission a attiré mon attention. Petite, il m’est arrivé de faire la lecture de leur courrier et d’être le témoin de leur détermination sans faille pour écrire leur prénom. Par ailleurs, je considère l’éducation comme un élément clé participant à l’émancipation intellectuelle et la remise en question de son environnement. Savoir lire permet de se cultiver, d’acquérir des connaissances. Cela rentre en jeu dans la construction personnelle d’un individu.

Mathilde : Bonjour à tous ! Alors pour commencer je me présente, Mathilde Pichot, 25 ans. Après des études en communication et développement de la coopération internationale, je suis entrée à l’Agence française de développement à Paris où j’effectuais des missions de vulgarisation des procédures de l’Union européenne pour les chargés de projets AFD sur le terrain.

Pour quelle(s) raison ce projet d’engagement ? Pourquoi avez-vous voulu faire un service civique à l’international ?

Anne-Sophie : Le service civique de type volontariat n’était pas ce à quoi j’aspirais dans un premier temps. En revanche, ce qui est sûr c’est que j’étais à la recherche d’une mission qui faisait sens à mes yeux et qui me permettait de me mettre au service d’autrui. J’étais à la recherche du challenge aussi. J’aime à dire que la routine est un bon moyen pour ne pas regarder « trop profond » en soi. Je me suis posé certaines questions, j’ai remis en question certains choix mais il est important de souligner qu’il s’agit surtout d’un choix du cœur. Après mes études, j’ai eu envie d’un engagement réfléchi, d’investissement personnel. C’est une belle opportunité que j’ai eue. Je ne la regrette pas une seule seconde.

Mathilde : Depuis très jeune, le continent africain et sa culture m’attire fortement, après avoir voyagé sur tous les continents, j’ai souhaité mettre un premier pas en Afrique et plus précisément en Côte d’Ivoire dans une ONG qui a pour mission essentielle la défense du bien-être et des droits de l’enfant et plus particulièrement celui des jeunes filles. J’ai souhaité réaliser ce service civique afin d’être au plus proche des populations vulnérables sur le terrain. Je vois cette expérience comme un tremplin dans mon projet professionnel et un premier pas en Afrique, non pas comme une « pause » ou un projet personnel.

Pouvez-vous nous présenter vos différentes missions ainsi que l’association partenaire ?

Anne-Sophie : Je suis volontaire au sein de l’ONG Act for Children qui œuvre pour l’alphabétisation des enfants non-scolarisés ou déscolarisés, des femmes ainsi que l’autonomisation de ces dernières dans le quartier d’Adjouffou à Port-Bouët. Act for Children est une structure très récente qui apporte un soutien de taille aux populations des quartiers défavorisés et zones rurales en favorisant l’insertion ou la réinsertion des enfants dans le circuit de l’éducation formelle. L’ONG a récemment déployé son projet ASEC, les ateliers de sport, d’éveil et de culture, pour permettre à l’enfant de développer sa confiance en lui, participer au développement de sa créativité, la concentration et favoriser des rapports sains entre camarades. Ce projet s’inscrit dans la continuité du volet un enfant, une identité, un avenir du projet ESPOIR. Pour soutenir l’ambition de l’ONG et répondre aux problématiques auxquelles elle doit faire face, je suis actuellement chargée de développement de partenariats, de la communication et également un appui à l’alphabétisation des enfants et des femmes de l’ONG.

Mathilde : J’ai été recrutée sur des missions stratégiques comme la définition d’une stratégie de communication et la recherche de partenariats. En réalité, les dirigeants m’ont fait confiance pour la réalisation de mes missions. J’ai donc décidé de procéder par étapes. Pendant une semaine, j’ai observé le fonctionnement des activités de l’ONG : communication, partenariats, implication de l’équipe, matériel disponible, organisation des activités des enfants, recherches familiales etc. Puis j’ai réalisé un tableau de missions pour lesquelles je souhaitais intervenir par ordre de priorités. Au début, j’ai recherché un maximum de bénévoles pour faire des ateliers avec les enfants (chant, yoga, théâtre etc.), noué des partenariats pour emmener les enfants faire du sport et trouver des médecins bénévoles pour intervenir sur le plan psychologique des enfants.

Quand tout cela fut mis en place, j’ai pu réaliser l’état des lieux de la communication et proposé une nouvelle stratégie à mettre en place, avec des actions claires et spécifiques. Mon but est de mettre en place une stratégie pérenne qui comprend donc : la mise en place des bonnes conditions de travail pour l’équipe, la formation des équipes permanentes et la réalisation de documents (plan de communication, charte graphique, bases de données etc.).

Lorsque les actions de communication seront mises en place, je passerai au volet partenariats et recherche de nouvelles sources de financement afin de gagner de l’indépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds et des ONG internationales.

L’ONG Cavoequiva a pour mission essentielle d’assurer le bien-être et la défense des droits de l’enfant. Le Centre de transit communautaire accueille environ cinquante jeunes filles de 0 à 17 ans victimes de traite, d’exploitation économique et sexuelle, de maltraitance et de violences basées sur le genre (VBH).

L’objectif de ce centre est de sécuriser et protéger les enfants et jeunes filles victimes d’abus afin d’éviter que celles-ci ne soient encore victimes de viol et autres abus dans les marchés, gares routières et quartiers précaires, d’effectuer des recherches, des médiations et des réunifications familiales au profit de ces enfants.

Quelles ont été vos premières impressions à votre arrivée ?

Anne-Sophie : Je suis totalement admirative de la débrouillardise des personnes que j’ai pues rencontrer ou voir dans la rue. La vie est bien présente et l’on croise toujours de belles personnes sur notre chemin lorsque l’on est un peu perdu.e ou que l’on a besoin d’aide. C’est l’expérience que je vis en tout cas. Je n’ai pas eu le mal du pays. J’avais tellement soif de découverte. Je souhaite sincèrement comprendre la vie locale et vivre également une vie au plus près des locaux. À quoi bon rester dans sa zone de confort ? Toutefois, j’ai bien réalisé que les codes et les préoccupations existentielles étaient profondément différents : une société très protocolaire, des mots en nouchi (l’argot ivoirien) introduits dans les phrases etc.. Selon moi, il est primordial de se les approprier et d’interagir avec des locaux pour alimenter nos réflexions et s’adapter au mieux.

Mathilde : La première semaine en Afrique fut intense. Tout d’abord, la chaleur humide du pays m’a frappé et j’ai été très fatiguée durant cette semaine. De plus, la pollution de l’air et les déchets dans les rues m’ont paru impressionnants et assez inquiétants.

A part ces aspects, je trouve que mon intégration s’est réalisée rapidement. En effet, je ne me suis jamais sentie en insécurité, je trouve que les gens ici sont vraiment gentils et prévenants avec les expatriés. J’aime beaucoup la culture locale : la musique, le style de vie, la cuisine, le style vestimentaire etc. Je suis vraiment comme un poisson dans l’eau ici, je m’épanouis tous les jours un peu plus et plus je découvre, plus j’aime le pays.

Émotionnellement, je dois dire que l’arrivée dans l’ONG est difficile car nous sommes confrontés à des choses pour lesquelles nous ne pouvons pas nous préparer en amont (même avec toute la bonne volonté du monde), il faut donc rester accroché et transformer cela en motivation pour ne pas craquer.

Pour vous, qu’est-ce que l’Espace Volontariats de Côte d’Ivoire ?

Anne-Sophie : L’Espace Volontariats est un vrai lieu de rencontres, d’échanges mais aussi un lieu où l’on peut travailler sur les sujets relatifs à l’ONG. L’équipe est très à l’écoute et soucieuse des conditions de vie et de l’acclimatation de ses volontaires.

Mathilde : L’Espace Volontariats est pour moi, un lieu calme, loin de l’agitation de l’ONG. Dans ce lieu, je viens lorsque j’ai besoin de réfléchir et d’effectuer des missions de fond, essentielles à l’ONG. Néanmoins, mon but est d’y aller de moins en moins et de mettre en place des conditions de travail similaires à l’ONG pour le reste de l’équipe permanente (mise en place de la WIFI, ventilateur, création d’un bureau communication etc.), afin de rendre la communication pérenne dans l’ONG.

Qu’est-ce que t’as apporté/t’apporte ta mission sur le plan personnel et professionnel ?

Anne-Sophie : Sur le plan personnel, je dirais que la mission me permet d’aiguiser mon esprit critique. C’est un enrichissement culturel, une découverte du regard ivoirien, la manière de pensée ivoirienne. Sur le plan professionnel, je mets mes connaissances au service de mon engagement. Travailler au sein d’une ONG requiert de développer des qualités de force de proposition et de persévérance. La communication en interne et la gestion des imprévus sont tout aussi importantes. C’est un environnement hyper challengeant qui permet de se créer un nouveau réseau, d’explorer de nouvelles méthodes de travail, tout en apportant sa touche personnelle et en participant à la viabilité de l’ONG sur le long terme.

Mathilde : Cette mission m’apporte énormément, notamment en termes de confiance en moi et mes capacités. De plus, sur le plan humain, je n’aurai pas pu rêver mieux. J’ai créé un très fort lien avec les filles de l’ONG, connaitre leurs histoires me donne une force intérieure et une motivation maximale.

Sur le plan professionnel, je vais acquérir des compétences sur le terrain en gestion de projet et recherche de partenariats qui seront valorisables sur le marché de l’emploi. De plus, ceci m’a ouvert la porte du continent africain, car beaucoup d’employeur demande une première expérience en Afrique pour un poste sur le continent. 

Quels sont vos projets post-volontariat ?

Anne-Sophie : J’aimerais poursuivre mon engagement associatif au sein de l’Etablissement français du sang (EFS) en raison de mon intérêt certain pour la maladie de la drépanocytose. Aussi, je souhaiterais réaliser d’autres missions de volontariat (VIE, VSI) mais dans le secteur de la santé/e-santé cette fois-ci.

Mathilde : Post volontariat, je souhaite réaliser un VIA ou un VSI dans une ONG ou une administration en gestion de projet en faveur des personnes vulnérables, idéalement en Afrique ou en Amérique du sud.

Un conseil aux futurs volontaires ?

Anne-Sophie : Comme on dit ici : Babi, c’est doux ooh. Vous avez envie de faire quelque chose, faites-le ! N’ayez pas peur de vivre la vie locale tout en prenant en compte les conseils que l’on vous prodiguera. Cette expérience est aussi un grand moyen de comprendre ce qui nous fait vibrer. Profitez de chaque instant. Alors, je ne parle pas de débauche. Il s’agit selon moi d’observation, de prise de recul, de découverte et d’amusement.

Mathilde : Je conseille aux futurs volontaires de définir leurs motivations en amont, je pense que pour en tirer le plus de positif il faut savoir pourquoi on part réellement. Il faut également essayer de se préparer psychologiquement à être confronté à des choses difficiles et même inimaginables. Pour finir, oubliez tous les codes français, ici c’est la Côte d’Ivoire !