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22 avr. 24
Guinée

Benoît, enseignant volontaire dans un collège guinéen

J'ai toujours pensé que, sur toute mes années de vie professionnelle, je pouvais au moins en «donner» une à un projet de volontariat.

A 54 ans, Benoît a décidé de donner de son temps et de partir enseigner les sciences dans un collègue de Guinée, par l’intermédiaire de la Délégation catholique pour la coopération (DCC). Après huit mois de mission en tant que volontaire de solidarité internationale (VSI) auprès du collège de Saint-Gabriel, il nous raconte son parcours, son engagement et les premières anecdotes vécues lors de son expérience.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?
J’ai 54 ans, je suis papa de quatre grands enfants que j’ai laissés du côté de la Haute-Savoie d’où je viens, pour passer une année d’enseignement dans un petit collège rurale de Guinée.

Peux-tu nous présenter ta structure d’accueil ?
Le collège où je travaille est tenu par les frères de Saint-Gabriel. Ils sont deux ici : l’un est le directeur du collège et l’autre est le directeur de l’internat. Le collège est une petite structure, il y a 112 élèves (une classe par niveau sur les quatre niveaux) et une cinquantaine d’internes. Ils ne sont pas tous collégiens, certains sont élèves à l’école primaire au village. Devant la difficulté à trouver des enseignants guinéens, les frères font appel à des «coopérants» sénégalais. Donc je travaille et vis surtout avec mes trois collègues sénégalais.

Quelles sont les motivations qui t’ont poussé à t’engager dans la solidarité internationale, et ici en Guinée ?
J’ai toujours pensé que, sur toute mes années de vie professionnelle, je pouvais au moins en «donner» une à un projet de volontariat. J’ai attendu que mes enfants soient autonomes et me voilà. Je n’ai pas choisi la Guinée, j’étais prêt à partir n’importe où et ce sont les conditions de la mission proposée ici qui ont fait que j’ai choisi ce lieu. Principalement le fait qu’il y avait un réel besoin d’un enseignant de sciences. Le fait d’être dans un lieu rural et isolé me plaisait également.

Quels sont les principaux défis auxquels tu es confronté dans ton travail quotidien?
En première année, il y a 48 élèves dont certains ne parlent pas français. C’est un défi de tous les jours que de faire travailler et progresser un maximum d’élèves de cette classe.
Un autre défi est de donner aux élèves des notions concrètes sachant qu’il n’y a aucun matériel et que de nombreux thèmes que l’on aborde dans les programmes demandent d’avoir de bonne représentation des phénomènes physiques. C’est difficile de comprendre comment on utilise un ordinateur quand on n’a jamais vu une souris ou un clavier.

Quels sont les projets spécifiques sur lesquels tu travailles et quelles sont leurs impacts sur la communauté ?
Lorsque je suis arrivé, le directeur m’a proposé de prendre les cours de morale dans les quatre classes. Il s’agit d’un cours d’une heure par semaine qui s’adresse aux musulmans (une majorité des élèves) pendant que les chrétiens ont une heure de catéchisme. Je n’ai pas voulu, comme c’est un peu l’habitude, leur faire copier de longues pages d’un cours de «morale». Alors je me suis donné comme objectif de faire réfléchir les élèves et leur apprendre à exprimer leur pensée tout en argumentant. Je me suis très vite rendu compte que c’était un vrai défi parce qu’ils n’ont jamais fait cela. Ils reçoivent beaucoup de cours à apprendre par cœur et sont déstabilisés par la demande de réflexion. Cela a donné lieu à quelques cours très riches, en particulier sur le mariage polygame ou le fait qu’ici, il peut paraître “normal” qu’un mari batte sa ou ses femmes.

Comment tu t’adaptes à la culture et au mode de vie en Guinée pour mieux intégrer et comprendre les besoins locaux ?
J’ai déjà donné l’exemple de l’informatique mais en physique, c’est pareil. J’ai dû m’adapter très vite à la différence de référentiel entre des enfants européens et les élèves guinéens. Quand on enseigne en Europe, il y a énormément de références culturelles que l’on n’a pas besoin d’expliquer. Au collège, les enfants savent tous ce qu’est un ordinateur ou une poutre en chêne. Ils ont tous déjà regardé un journal télévisé et connaissent tous les mêmes publicités. Ici, le terrain est souvent vierge et j’ai rapidement compris que parmi les besoins, il y en avait un très fort d’explicitation des contextes.

Quelles compétences ou expériences apportes tu dans le cadre de ton engagement ?
Comme j’enseigne depuis vingt ans, je suis à l’aise avec le contenu des cours et je peux me concentrer sur les besoins des élèves. Je pense que j’apporte une certaine adaptation en fonctions du type et du niveau de chaque classe. On demande beaucoup aux élèves d’apprendre par cœur et du coup, ils oublient aussi beaucoup. Je m’efforce donc de travailler très régulièrement des notions aussi simples que les unités de distance, de temps, de vitesse avec des exemples proches de leur vie. Dans les deux premières années par exemple, on a passé une heure de cours à mesurer les élèves. Avant cela, je leur avais demandé s’ils avaient une idée de leur taille. Aucune réponse n’était correcte. J’ai obtenu entre 3 mètres et 400 mètres… Maintenant, ces élèves connaissent leur taille et l’intervalle de taille d’un adulte humain. On a fait la même chose avec la température, la vitesse d’un vélo, la distance du collège au village…

Quels sont les enseignements que tire de ton expérience en solidarité internationale en Guinée ?
Lors du stage de préparation au départ, j’ai beaucoup entendu parler d’interculturalité. Et j’avoue que je n’avais pas saisi toute l’importance de ce concept. Cette interculturalité m’a fait grandir en tant qu’être humain. Apprendre à accepter la culture du pays d’accueil, m’adapter aux manières de faire et d’apprendre des élèves, accueillir leur parole en cours de morale sur des sujets comme les violences faites aux femmes ou le traitement à réserver aux voleurs  (pour beaucoup, il faut les tuer sinon c’est eux qui risquent de vous tuer) m’ont permis de développer l’accueil de la parole de l’autre sans jugement. J’ai également appris des élèves qui sont en difficulté et progressé dans la manière d’aborder des concepts nouveaux.

Parmi les choses qui me resteront, j’ai également envie de citer d’incroyable gentillesse et la joie de vivre de tous les élèves. La relation avec eux est facile, joyeuse, riche. J’écris ces quelques lignes alors que ce sont les vacances et j’ai hâte de retrouver ces élèves dans quelques jours.

Peux-tu nous partager un moment fort de ton expérience ?