Christophe, un maraicher à la découverte de l’agriculture tropicale au Cameroun !
Christophe, 26 ans, Volontaire de Solidarité Internationale (VSI) de la Délégation Catholique pour la Coopération auprès du Centre de Formation des Agriculteurs du Noun (CEFAN) nous raconte son expérience d'agronome et de formateur au Cameroun ainsi que l'adaptation de sa mission en période de crise sanitaire.
Peux-tu te présenter en quelques mots ? Quel est ton parcours ?
Je suis un citadin. J’ai toujours vécu proche des grandes villes, et pourtant, je me suis peu à peu orienté vers l’agriculture, domaine dont j’ignorais tout. J’ai suivi des études d’ingénieur à l’Institut Supérieur d’Agriculture de Lille pendant 4 ans, et j’ai été attiré par le maraîchage. Alors en sortant de l’école, j’ai commencé à travailler comme ouvrier agricole pendant 7 mois dans une ferme qui faisait du maraîchage et de l’arboriculture (pommiers) à grande échelle. Puis j’ai démissionné pour commencer ce volontariat dans un centre de formation agricole pour les jeunes camerounais.
Pour quelle(s) raison(s) ce projet d’engagement ?
Depuis la fin de mon lycée, j’avais envie de partir ailleurs et de voir autre chose, de faire une coupure. Mais comme l’idée était encore floue, je ne l’ai pas poursuivie. En terminant mes études, ce désir revenait, et cette fois bien concret : je voulais découvrir l’agriculture en Afrique, plus particulièrement en milieu aride. Ayant entendu parler de la DCC, j’avais confiance en l’association et je me suis fié à eux. Ils m’ont proposé cette mission, à laquelle je n’aurais pas pensé tout de suite, mais qui m’a finalement convaincu. J’allais découvrir la formation des jeunes, et l’agriculture en milieu tropical et non pas aride.
Quelle est ta mission en tant que volontaire ?
En tant que volontaire, je suis là pour soutenir les effectifs de formateurs présents sur le centre. Comme mes autres collègues, j’anime donc des ateliers de formation théoriques sur l’agriculture (plus particulièrement pour moi, la vie du sol et la lutte intégrée contre les maladies et les ravageurs). Il faut savoir que ce centre de formation agricole, le CEFAN, a plusieurs particularités en comparaison des autres centres au Cameroun : Il est pratique, c’est-à-dire que chaque jeune s’occupe d’une parcelle agricole de 500 m², et est responsable d’une unité d’élevage (lapins, moutons, bœufs, poules, porcs). Et il est en agriculture durable. Cette appellation n’a pas de label comme l’agriculture biologique, alors nous nous efforçons de suivre ces 5 piliers : paillage, fertilisation organique, pesticides naturels, zéro labour et rotation culturale.
C’est donc la deuxième partie de mon travail actuellement, et que j’apprécie particulièrement : accompagner les jeunes dans leurs parcelles pendant qu’ils cultivent, leur donner des conseils, les aider, mettre en place les connaissances apprises pendant les ateliers de formation. Et c’est un réel plaisir de pouvoir mettre la main à la pâte, défricher à la machette, labourer à la houe, aller couper sa paille puis l’assembler en fagot et l’apporter au pied des cultures… Pour avoir travaillé un peu en ferme, c’est fantastique de pouvoir constater les profondes différences entre agriculture française et camerounaise !
Qu’as-tu appris/transmis ?
Forcément, j’ai été déstabilisé au départ, et j’ai dû tout apprendre ou presque. Non seulement beaucoup de cultures m’étaient inconnues, mais quand tu es agriculteur, tu dois faire attention également au climat du pays (la saison sèche qui dure 4 mois était une nouveauté pour moi) ; au fonctionnement du marché pour aller vendre ; aux outils que tu possèdes, pas de tracteur, pas de paillage plastique, pas de motoculteur…
Alors le volontariat permet l’échange, et c’est formidable de pouvoir parler des systèmes qui sont différents. Évidemment je parle de mon ancien travail et de notre manière de fonctionner, mais également je découvre avec les jeunes et leur transmet la découverte de leur sol, sa texture, sa structure, leur environnement, la biodiversité qui y vit… Je veux leur transmettre l’importance de choisir soigneusement ses pratiques agricoles. Et comme j’apprends encore beaucoup, cela va dans les deux sens. Je sors quand même d’un pays qui a fait des choix en termes d’agriculture qui ont des conséquences néfastes, et si les jeunes qui passent par ce centre apprennent de nos erreurs ce serait une belle avancée !
Une anecdote à nous raconter ?
Le plus beau signe auquel j’ai assisté dans ce centre, c’est sa transition au tout-durable. En septembre 2019, à mon arrivée, le centre était encore en comparaison entre une agriculture comme pratiquée majoritairement dans le pays et une agriculture durable. Je pense que la mesure qui était la plus néfaste était l’utilisation des pesticides synthétiques, qui ont des normes de dosage autrement plus permissives dans ce pays qu’en France. Sans parler de la protection de l’opérateur qui est nulle. Et aucune recherche/expérimentation n’était menée en pesticides naturels pour inciter les jeunes à se tourner vers le durable.
Et en janvier, plusieurs des formateurs ont exprimé leur volonté d’arrêter les pratiques non-durables. Depuis le centre a changé radicalement sa pédagogie, et plutôt que de distribuer aux jeunes des pesticides synthétiques, nous fabriquons désormais nous-mêmes nos fongicides à l’ail, au jus de feuille de papayer, nos insecticides au piment, à l’huile de neem…C’est un moment convivial, on a le sentiment de faire de la cuisine, et dans le même temps un grand défi car nous devons trouver les dosages adaptés, les fréquences de traitement, les mesures préventives à privilégier etc…
Comment as-tu adapté ta mission de volontariat en cette période ? (Confinement, télétravail, mission spécifique…)
Le Cameroun n’était pas en confinement total comme cela a pu être le cas dans d’autres pays, mais les centres de formations ont fermé. Tous les jeunes sont repartis chez eux entre le 18 mars et le 1er juin, à l’exception de quelques courageux volontaires, restés pour s’occuper des élevages et des cultures. A cette occasion, je suis devenu temporairement ouvrier agricole et je m’occupais des parcelles des élèves, car nous devions profiter du début de la saison des pluies. Et nous avons la joie aujourd’hui d’avoir de magnifiques pieds de maïs partout dans le centre.
La crise sanitaire change-t-elle ta vision de l’engagement ?
La pandémie a montré pour beaucoup l’importance du sacrifice de l’individuel pour le bien du collectif. Heureusement pour moi je n’ai pas eu à me poser de questions, mais j’ai pu assister chez d’autres volontaires un vrai dilemme pour ceux qui étaient pressés par leur famille ou leurs proches de rentrer au pays. Leur engagement est parfois un vrai défi entre suivre leur mission, ou retrouver leurs proches.
Une chose positive sur ce confinement ?
Oui, le confinement me montre que rien n’est immuable. Ce mouvement mondial, 4 milliards d’êtres humains en confinement au même moment, je pense que peu auraient pu le prédire. Mais si on est capable de privilégier la santé au détriment de l’économie, alors on peut collectivement prendre le temps de réfléchir à ce qui nous tient à cœur. Étant donné mon travail, je pense forcément à l’écologie, mais d’autres sujets existent. Sommes-nous fiers de la distribution des ressources entre les êtres humains ? De l’accès à la santé ? De l’éducation de nos jeunes ? En nous confinant, seuls ou à plusieurs, nous avons tous créé de mini-sociétés qui ont leurs règles, sont capables d’agir, et de changer à leur niveau. Je ressors de cette période avec l’idée que nous avons pu redécouvrir de ce quoi nous étions capables.
Autres partages d’informations concernant la situation actuelle… ?
Ayant accès à internet, je pouvais suivre le confinement pour mes proches en France, et ici au Cameroun. Et l’inégalité est frappante : Comment confiner totalement un pays dont beaucoup vivent au jour-le-jour, et travaillent dans la rue (vendeurs, mototaxis, opérateurs téléphoniques, soudeurs…) ? Leur paie est journalière, le télétravail est impossible. Même si malheureusement il y a eu des morts, je suis juste heureux que le nouveau coronavirus ne se soit pas propagé aussi rapidement que je ne le craignais.
Quelles ont été tes premières impressions à ton arrivée (mal du pays, intégration) ?
A mon arrivée, je sortais pour la première d’Europe, et j’ai juste été chamboulé. Tout me paraissait irréel, et très différent. Heureusement pour moi, le CEFAN a l’habitude d’accueillir des volontaires, et l’intégration s’est très bien faite car leur accueil était très chaleureux.
Quelles ont été les plus grandes difficultés rencontrées ?
Les tensions qui existent entre nous au CEFAN parfois, et nos manques d’organisation.
Pour toi, qu’est-ce que l’Espace Volontariats ?
C’est un lieu d’accueil, mais comme je n’habite pas dans la capitale, je n’en profite pas.
Un conseil aux futurs volontaires ?
Chaque volontariat est différent parce que cette expérience transcende notre identité profonde, du moins j’en suis convaincu. Donc je pense que c’est important de faire ce qu’on aime, de ne surtout pas se comparer aux autres, et d’accepter ne pas comprendre parfois.