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26 oct. 23
Togo

Franck, volontaire psychologue dans la protection de l’enfance au Togo

“L’échange humain que nous opérons lors de ces missions est un espace propice aux rencontres inoubliables.”

 

Franck DE LUCA a réalisé une mission de bénévolat de 4 mois en tant que psychologue dans la protection de l’enfance à Lomé.

Peux-tu te présenter en quelques mots et nous raconter ton parcours ?

Hello ! Moi c’est Franck, j’ai 26 ans et je viens de Suisse. Je me suis formé à l’Université de Lausanne et bénéficie d’un master en psychologie de l’enfant et l’adolescent, je suis donc psychologue diplômé depuis février 2023, avec un profil hybride entre la psychologie clinique et la recherche. J’ai un intérêt tout particulier pour les questions de protection de l’enfance, ainsi que les dynamiques relationnelles et comportements violents à l’adolescence.

Pourquoi avoir choisi de t’engager comme volontaire ?

Je n’ai jamais été un grand aventurier ni même un grand voyageur. Globalement, je suis même très critique envers le tourisme et la manière dont nous, Occidentaux, considérons le voyage, le banalisons et le pratiquons. Il en va de même pour notre mode de vie plus globalement, qui est largement déconnecté de la réalité du monde dans sa globalité. D’un autre côté, mon parcours m’a contraint à tracer, et ne jamais effectuer de pause dans mes études. C’est pourquoi, avant toute chose, j’ai été déterminé à opérer une coupure avec mon environnement, et découvrir d’autres modes de vie, d’autres réalités autrement plus frappantes lorsque l’on est habitué à notre confort occidental. J’ai pensé que, quitte à prendre l’avion et partir voyager, autant le faire sur une certaine période, de façon constructive, et proposer modestement mes compétences acquises durant mon parcours au service de nobles causes.

Peux-tu nous décrire ta mission ?

J’ai été pris en charge par l’association DECA-Togo (Développer par l’Education, la Culture et l’Artisanat), petite association de quartier d’Adidogomé, Lomé, tenue par 4 amis de longue date, qui œuvre pour le bon développement de la jeunesse et des populations défavorisées à travers des missions de volontariat et des chantiers. Une fois le contact établi avec le secrétaire et mes velléités exprimées, l’association s’est décarcassée pour trouver deux centres où je puisse pratiquer mon métier de psychologue.

  1. Le premier, le CORSJD-C à Cacavéli, Lomé, est un internat qui accueille jour et nuit des adolescents en déboires avec la justice togolaise pour diverses infractions, ou vivant dans des conditions trop précaires pour qu’ils puissent bien grandir. Ma présence consistait notamment à mettre en place un espace de suivi psychologique et thérapeutique pour ces jeunes qui, quel que soit leur parcours, se trouvent dans une situation de souffrance et ont besoin d’aide et de bienveillance pour avancer. J’ai de ce fait pu travailler de manière relativement autonome et indépendante.
  2. Mon deuxième mandat a été de travailler au Centre Kekeli à Hanoukopé, Lomé, qui propose des prises en charges globales (juridiques, sociales, éducatives, psychologiques, …) pour des enfants victimes de violences et abus sexuels, ainsi que de traite et de travail forcé, en proie à de sévères traumatismes. J’ai alors pratiqué des suivis thérapeutiques avec les victimes, sous différentes configurations, accompagner les victimes vers une rémission optimale et une décision de justice appropriée.

Durant mon temps libre, j’ai également pu participer à la mise en place d’un projet d’acheminement d’eau potable dans un village reculé, Atsakpo, Noëpë.

Quel est ton meilleur souvenir ?

Le grand sens de l’accueil, d’hospitalité et de solidarité des Togolais.e.s, tant au travail qu’à l’extérieur. L’échange humain que nous opérons lors de ces missions est un espace propice aux rencontres inoubliables. Je pense que la culture togolaise comprend certaines valeurs sur lesquels nous ferions bien de prendre exemple. Les gens ici sont vraiment vivant.e.s et plein.e.s d’espoir, ce qui donne sérieusement à réfléchir !

Je peux également penser aux sorties effectuées durant les weekends pour se ressourcer. A cette occasion, les randonnées dans les montagnes, les Evala dans la région de Kara, ainsi que la rencontre fortuite du Président Faure Gnassingbé lors d’une balade au Château Viale durant un weekend sont probablement les premiers souvenirs qui me restent en tête.

Ta plus grande difficulté ?

Le sentiment d’impuissance parfois ressenti face à certaines situations extrêmement compliquées. Parfois, nous préconisons certaines prises en charge pour les jeunes et leurs familles, mais nous confrontons de plein fouet au manque de ressources et d’espaces dont dispose le Togo pour y répondre. La difficulté était donc de s’adapter et travailler avec les moyens et ressources à disposition, ce qui peut s’avérer parfois compliqué lorsque le principe de réalité s’impose à nous.

Une autre difficulté pour moi réside dans une différence culturelle : lors d’interactions avec les Togolais.e.s, il faut s’imposer et ne jamais hésiter. Naturellement indécis et toujours hésitant, cela a pu me poser des soucis dans certaines situations, et m’a demandé de prendre sur moi pour me faire correctement comprendre. Mais j’y travaille, encore aujourd’hui !

Qu’as-tu appris et transmis durant ton expérience ?

Les valeurs que je mentionne au-dessus sont des bagages que je compte bien ramener avec moi en Suisse et partout où je serai amené à me trouver dans mon parcours. Je pense vraiment important dans nos sociétés occidentales de renouer avec le dialogue, la chaleur humaine, et la spontanéité. J’ai également appris à m’adapter fortement, et ce sur tous les plans. Porter un pantalon même dans un climat humide et dans une forte chaleur n’était pas envisageable à la base pour moi !

Je pense également avoir transmis un esprit de bienveillance, notamment dans le premier internat où j’ai exercé mon métier à Lomé. Les jeunes ont semblé très réceptifs à l’espace d’écoute que j’ai mis en place, et les rapports que nous avons entretenus n’en ont été que plus positifs pour eux comme pour moi. Désormais, le Directeur va assurer lui-même la pérennité de cet espace en mettant en place une unité de suivi psychologique pour ces adolescents.

Quels sont tes projets pour la suite ?

J’ai eu la chance d’être embauché dès début octobre pour un poste de psychologue en milieu scolaire dans la région de Vaud, en Suisse, à mi-temps, et je souhaite également poursuivre avec un doctorat en psychologie et me former aux droits et à la protection de l’enfance, de manière à combiner mes engagements pour la jeunesse à différents niveaux, et de rester Franck, citoyen engagé, avant d’être Franck, psychologue et chercheur.

Au niveau des séjours à l’étranger, je souhaite mêler l’utile à l’agréable en allant en Italie pour faire de la permaculture durant plusieurs mois dans un écovillage, me permettant à la fois de prendre confiance en moi dans le travail manuel, et me reconnecter à mes origines italiennes. L’Afrique de l’Ouest reste dans un coin de ma tête, car mon expérience au Togo fut véritablement révélatrice et confirmatoire de la fascination que j’éprouve pour cette partie du globe.

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui envisage de faire du volontariat international ?

  1. Premièrement, assure-toi que tes besoins soient entendus et écoutés. Les associations qui t’encadrent doivent être au courant des différences culturelles et des besoins des volontaires (en tout cas, pour DECA-Togo, ce fut le cas me concernant), tu peux donc aisément t’exprimer et t’imposer sur ces besoins. Les membres savent que les volontaires sacrifient beaucoup et doivent faire face à un monde différent du leur, ce qui demande une certaine adaptation. Ils et elles doivent donc être à l’écoute, et prêt.e.s à ce que les volontaires passent leur séjour le plus sereinement possible.
  2. Deuxième conseil : fais le maximum pour t’intégrer ! Effectivement, tu arrives dans un pays où tout est différent du tien, des choses les plus élémentaires comme la cuisine aux choses les plus profondes comme les valeurs les plus saillantes dans la vie en société. Mais tu verras, cela vaut le coup de sortir de ton carcan, découvrir d’autres manières d’habiter notre monde, cela va te faciliter la tâche pour interagir avec autrui, et cela forge également ta personnalité !
  3. Enfin, si tu hésites à partir en Afrique, n’hésite pas un instant. Ce genre d’expériences, ça change une vie, assurément. De mon côté, il y a un avant- et un après-Togo. Tu seras amené.e à te dépasser, à te confronter à des difficultés parfois mais surtout à des expériences humaines d’une richesse que nous ne pouvons pas soupçonner. Sortir des sentiers battus est une démarche de développement personnel qui fait un bien fou, et qui permet de prendre du temps pour ralentir de notre quotidien, et juste prendre le temps de penser. On en ressort grandi.e, y compris en cas de difficultés !