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27 déc. 24
Côte d’Ivoire

Iliona, volontaire au sein de l’association Moi Jeu Tri

En Côte d'Ivoire, les questions liées à l'écologie et au développement durable gagnent peu à peu en importance

Iliona, 24 ans, vient de terminer une mission de service civique de dix mois en Côte d’Ivoire. Envoyée par La Guilde, elle a contribué à sensibiliser la population aux gestes de tri des déchets et à développer des modules de formation en collaboration avec l’association Moi Jeu Tri, basée à Abidjan.

Avant son retour en France, Iliona a eu l’occasion de partager son témoignage avec nous.

Quelles étaient tes principales missions ?

Au sein de Moi Jeu Tri, j’avais plusieurs missions variées, dont certaines étaient quotidiennes. Ma principale responsabilité consistait à créer des modules de formation et de sensibilisation utilisés sur le terrain avec les enseignants et les élèves. Pour faciliter le travail des chargés de zone sur le terrain, je concevais également des supports et des fichiers pratiques, en leur apportant des outils concrets et structurés pour leurs interventions.

Il m’arrivait aussi de me rendre directement sur place pour mener des actions de sensibilisation en plein air, en classe ou encore pour animer des formations destinées aux enseignants.

Dans le cadre du programme 3W lancé par Moi Jeu Tri en 2020, visant à former des femmes éloignées de l’emploi aux métiers de l’économie circulaire, j’ai collaboré avec le responsable de formation et d’animation pour concevoir des modules adaptés. Ensemble, nous avons animé trois sessions de formation auprès des femmes 3W dans la commune de Grand-Bassam.

Enfin, je supervisais l’organisation de certains projets, de leur conception jusqu’à leur réalisation finale.

 

Comment as-tu ressenti ton adaptation à la culture locale, ton lien avec la Côte d’Ivoire et quelles ont été tes principales difficultés ?

Étant d’origine franco-ivoirienne, la Côte d’Ivoire est un pays que je connais bien et où j’ai déjà vécu longtemps. Mon adaptation culturelle s’est donc globalement bien passée. Cependant, certains aspects restent parfois un peu complexes, notamment la différence dans les méthodes de travail et les habitudes de communication au quotidien. Par exemple, le fameux « nouchi » – argot local – peut être un défi pour quelqu’un qui ne le maîtrise pas complètement, mais c’est aussi un élément qui enrichit mes échanges et mon immersion.

 

Quels sont les aspects de ton travail qui te motivaient le plus au quotidien ?

Ce qui m’a motivé le plus au quotidien, c’était d’être en contact avec les élèves, les enseignants et les bénéficiaires du programme 3W. J’apprécie de voir comment le développement durable est perçu par les citoyens locaux, d’en discuter avec eux et de leur transmettre de nouvelles connaissances. Cela me donne encore plus envie d’apprendre et de partager ces valeurs.

J’ai aussi aimé concevoir de nouveaux modules de formation. Même si je m’interroge parfois sur ma légitimité, j’apprécie le défi de transmettre un message à travers quelques slides, en adaptant le contenu au contexte local et aux différents publics, que ce soit par âge ou par culture.

Enfin, ce service civique avec Moi Jeu Tri m’a permis de rencontrer d’autres structures et des entrepreneurs engagés dans l’économie circulaire. Découvrir ce qui se développe en Côte d’Ivoire dans ce domaine est inspirant et me motive à continuer, en voyant que les efforts ne sont pas vains.

Quel est ta vision sur ton expérience de service civique ?

Cela a été une expérience enrichissante à plusieurs niveaux. J’ai apprécié la diversité des sujets abordés et le sentiment d’utilité lié à la contribution à l’évolution des Ivoiriens en matière de gestion des déchets et de tri sélectif. Si c’était à refaire, j’affinerais certains aspects de ma feuille de route et souhaiterais être davantage sur le terrain pour renforcer ce lien direct avec la communauté.

 

Sur le plan personnel : qu’as-tu découvert ou redécouvert, qu’est-ce que tu as aimé ou qui a pu te gêner ? 

Comme je l’ai déjà mentionné, la Côte d’Ivoire est un pays que je connaissais auparavant, mais revenir pour une expérience de longue durée, en tant qu’adulte, a vraiment changé mon regard. Je suis fascinée par la richesse de la culture et la beauté des lieux à découvrir. Les gens ici sont naturellement bienveillants et prêts à aider, ce qui crée une atmosphère agréable au quotidien et me fait me sentir bien la plupart du temps.

Étant métissé, il arrive qu’on me perçoive ici comme “une blanche”, ce qui peut parfois compliquer les choses, notamment au marché ou en prenant un taxi, où les prix peuvent être majorés. La circulation est aussi un défi, avec des embouteillages quasi constants. Malgré ces aspects, la vie en Côte d’Ivoire reste une expérience incroyablement enrichissante et positive.

Quels apprentissages penses-tu avoir développés avec cette mission ?

Adapter mon discours et ma façon de m’exprimer a souvent été un défi. Parler devant un groupe reste parfois difficile, mais j’ai réussi à sortir de ma zone de confort, ce qui est très positif. J’ai également renforcé ma capacité à gérer plusieurs projets simultanément, chacun ayant une importance plus ou moins similaire, ce qui demande une grande organisation. Enfin, je pense avoir développé mes capacités d’adaptation.

Ta mission porte sur l’écologie et le développement durable, que pourrais-tu nous dire sur cette différence entre la France et la Côte d’Ivoire ?

En Côte d’Ivoire, les questions liées à l’écologie et au développement durable gagnent peu à peu en importance, ce qui est très encourageant. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, car la sensibilisation de la population sur ces sujets est encore limitée. En France, les pratiques sont bien plus avancées : le tri des déchets est obligatoire, les poubelles sont omniprésentes dans les rues, et les entreprises doivent respecter des réglementations strictes. Ici, en Côte d’Ivoire, les déchets finissent souvent dans les rues, mais aussi sur les plages, dans l’océan et dans la lagune, polluant les espaces naturels et menaçant la biodiversité. La gestion des déchets est donc un véritable défi environnemental, et beaucoup de déchets sont brûlés sans tri préalable, ce qui a des impacts écologiques et sanitaires majeurs.

Les réalités sont très différentes, mais plusieurs acteurs, dont Moi Jeu Tri, œuvrent pour améliorer la situation, ce qui est porteur d’espoir. Adapter les activités au contexte local n’est pas toujours simple, surtout sans une bonne compréhension des modes de pensée. L’environnement n’est pas forcément un sujet prioritaire pour de nombreux Ivoiriens. En revanche, lorsque l’on aborde les conséquences des déchets sur la santé, l’intérêt est plus marqué. Par exemple, lorsque j’explique que les plastiques jetés dans la lagune et l’océan se décomposent en microplastiques, ingérés par les poissons que nous consommons ensuite, cela interpelle fortement. Les effets du plastique sur la santé, comme l’accumulation dans l’organisme et la libération de substances toxiques, sont des préoccupations qui suscitent des réactions.

J’ai aussi remarqué que l’impact de chiffres concrets est puissant. Expliquer qu’Abidjan produit 280 tonnes de déchets plastiques par jour, dont 270 tonnes finissent dans la lagune (soit l’équivalent de 55 éléphants), ou que nous consommons indirectement jusqu’à 5 grammes de plastique par semaine, crée un véritable choc.

Voir ces réactions montre l’importance d’adapter notre discours en fonction de la culture locale, en prenant soin de trouver le bon angle pour faire passer le message efficacement.

Quel conseil donnerais-tu à une personne souhaitant s’engager en tant que volontaire en Côte d’Ivoire ?

Pour une personne souhaitant s’engager comme volontaire en Côte d’Ivoire, je conseillerais d’aborder cette expérience avec ouverture d’esprit, curiosité, et patience. Travailler ici demande une grande capacité d’adaptation : les méthodes de travail, les attentes, et les rythmes peuvent différer de ce que l’on connaît, surtout si l’on vient d’un contexte occidental. Il est essentiel de prendre le temps de comprendre les dynamiques locales.

Je recommande également d’être prêt à sortir de sa zone de confort, tant sur le plan personnel que professionnel. Il peut y avoir des défis, comme la barrière linguistique avec le “nouchi” (l’argot local) ou le contexte urbain d’Abidjan, marqué par des embouteillages et un rythme de vie unique. Mais avec de l’adaptabilité, on peut en tirer une expérience humaine très enrichissante.

La Côte d’Ivoire est un pays riche en diversité culturelle et en initiatives locales, et s’engager ici offre une belle opportunité de découvrir d’autres perspectives et de participer à des projets porteurs de sens.