La protection des oasis au coeur de la mission de Noura, VSI en Tunisie
Découvrez le témoignage de Noura, VSI en Tunisie.
Bonjour Noura. Peux-tu te présenter en quelques mots ? Quel est ton parcours ?
Je suis née de parents marocains. Ma mère n’a pas eu la chance d’aller à l’école, mon père, lui, avait cette chance mais ça ne l’intéressait pas donc son cursus scolaire s’est arrêté très tôt. Il a fini par être recruté par des français pour travailler dans les mines de charbons dans tout le nord de la France.
Mes parents sont originaires d’une petite oasis à Agdz au Maroc aux portes du désert. C’est magique là-bas, je m’y sens bien et j’ai toujours voulu faire quelque chose pour ce petit coin relaxant.
J’ai donc bataillé pour réussir la Fac, suivre une licence en langue étrangères qui allait m’ouvrir les portes des relations internationales. J’ai grandi dans un quartier populaire et mes expériences à l’international m’ont appris une chose qui a beaucoup changé ma vie : l’interculturalité dans laquelle j’ai vécu est une richesse !
Lorsque j’ai pris conscience de ça je n’avais plus honte de vivre dans le quartier de Bourtzwiller à Mulhouse, c’est cette mixité qui a fait en partie ce que je suis.
Pour quelle raison ce projet d’engagement ?
J’ai toujours eu envie d’aventure, de voyager, je me suis très vite intéressée à la mobilité jeunesse, puis à la Fac aux dispositifs d’envoi de jeunes pour de longues périodes. Le VSI me faisait rêver ! Un jour je suis tombée sur une offre de mission touchant les oasis : ça m’a de suite attirée et parlé. Je me suis lancée, envahie de mon ambition d’en apprendre plus sur ce milieu qui a bercé mes étés durant toute mon enfance. J’ai envie d’apprendre, j’ai envie d’agir pour les oasis.
Quelle est ta mission en tant que volontaire ?
Ma mission est de faire de l’animation de réseau : ça consiste à collaborer et faire collaborer les associations membres du RADDO. J’aide les associations qui ont besoin de conseil, d’appui au montage de projet… En même temps je mets en place des activités destinées à développer le réseau en Tunisie : des rencontres, des ateliers d’échanges d’expériences, de capitalisation de projet… J’interviens aussi lors d’événements nationaux ou internationaux pour parler des oasis et des problèmes auxquels elles font face. Enfin, j’appuie l’ASOC dans le développement de ses projets.
En début de missions, quelles ont été tes premières impressions ?
Je me suis dit au début que cela sera facile pour moi, la Tunisie et le Maroc se ressemblent… Mais à mon arrivée la différence du dialecte marocain et tunisien a été plutôt violente. Les gens ne comprenaient pas ce que je disais, ils me demandaient même en quelle langue je parlais ! Je n’osais plus parler l’arabe, je ne m’exprimais qu’en français.
Ce qui a été difficile au travail, c’est d’arriver dans une association aussi vivante que l’ASOC, porteuse de multitude de projets, très active. C’est difficile de s’y retrouver et de faire sa place même avec une mission bien précise.
Au bout de 5 mois j’ai commencé à mieux me sentir dans l’équipe, à devenir indépendante et je commençais à mieux maîtriser ma mission. Maintenant mon problème c’est que quand je pars au Maroc et que je parle on me dit « tu es tunisienne ? » ! J’en perds l’arabe marocain !
Quelles sont les différences qui t’ont le plus marquée entre la France et ton pays d’accueil ?
Pas grand-chose en fait, pour moi c’est comme si je séjournais au Maroc. En revanche entre ici et le Maroc je suis épatée par le niveau d’instruction en Tunisie, un état des routes plutôt correcte et Chenini est un village bien loti comme tant d’autre dans le sud.
Ici pas de femme qui va chercher l’eau au puits, pas de femme qui descend chercher de la luzerne pour nourrir les bêtes… Les femmes sont modernes !
Mais j’ai toujours eu l’impression qu’ici les gens ne réalisent pas la chance qu’ils ont. Au Maroc il y a encore des villages aujourd’hui où l’eau et l’électricité ne sont pas encore arrivées.
Mais ce qui me marque profondément c’est la perte de beaucoup de tradition locale : je suis surprise de trouver les mêmes choses à manger dans toute la Tunisie, moi qui suis habituée à la cuisine marocaine !
Qu’est-ce que t’apporte ta mission sur le plan personnel et professionnel ?
Sur le plan professionnel : j’ai renforcé ma confiance en moi. Je suis sûre maintenant que dans les relations internationales, c’est mettre la main à la pâte qui m’excite le plus. J’aime observer, réfléchir et trouver des solutions adaptées à une situation donnée. Monter des projets derrière un écran ne m’attire pas du tout. Je me suis découvert une certaine aisance dans la gestion de projet et dans la mise en place d’activités. J’ai eu 4 ans d’expérience avant de venir ici et en France on ne m’a jamais donné l’occasion de gérer à ma manière, d’exprimer ma créativité, d’innover. Ici l’ASOC me fait confiance, ils aiment ce que je fais et ça c’est très important pour moi.
Sur le plan personnel : je voulais fuir la France lorsque je me suis rendue compte à quel point je commençais sérieusement à être dévorée par cette spirale du consumérisme, le monde de la publicité et des apparences. J’étais mal dans ma peau et à mon travail. J’ai voulu partir loin dans un endroit où j’apprendrai à me recentrer sur l’essentiel. Chenini n’est peut-être pas le lieu idéal pour cela, car pas assez rural pour moi, mais j’ai changé, je me suis rendue compte de pas mal de choses que j’aurais pu éviter pour ne pas tomber dans la spirale du monde de la pub. Je me sens donc plus en accord avec moi-même, libérée en quelque sorte. Puis j’ai fait de très belles rencontres ici qui ont favorisé l’ouverture d’esprit que tout voyage apporte.
Quels sont tes projets post-volontariat ?
J’aimerais rentrer en France et continuer dans le domaine agricole. Mon truc c’est la nature, faire découvrir un terroir et l’aider à se maintenir.
La question insolite : quels objets as-tu apportés avec toi dans tes valises et pourquoi ?
J’ai apporté avec moi des photos de ma famille et du Maroc mais aussi des tonnes de flacons d’huile, de beurres végétaux, d’huiles essentielles… car j’aime me fabriquer des petits soins bio et naturels.
Un conseil aux futurs volontaires ?
Vivez l’expérience à fond et ne cherchez pas trop la simplicité car des difficultés on ressort meilleur et grandi même quand on échoue. Toujours persévérer et ne jamais oublier ce qui nous a poussé à faire nos valises !