Louise et Hugo, volontaires engagés dans l’environnement et l’agriculture en Côte d’Ivoire
Même avec peu de moyens, on peut construire quelque chose tant que l’on est unis.
Louise et Hugo sont les premiers volontaires en Service Civique à avoir été envoyés par le Lycée agricole français Lycée Nature au sein de l’Institut National de Formation Professionnel Agricole (INFPA) à Abidjan. Durant 7 mois, ils se sont investis dans de nombreux projets afin de sensibiliser les jeunes à la protection de l’environnement et aux nouvelles techniques d’agriculture.
- Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel est votre parcours ?
Hugo : Bonjour, je m’appelle Hugo, j’ai 23 ans et je viens d’Orléans. J’ai toujours aimé voyager et j’ai d’ailleurs profité de mes études pour partir le plus possible à l’étranger. À la suite d’un Master 2 spécialisé dans l’aide au développement, j’ai souhaité partir en service civique.
Louise : Je m’appelle Louise, je suis une jeune femme de 20 ans passionnée par la nature depuis toute petite. J’ai grandi avec des valeurs humaines fortes, au sein du scoutisme français et suis soucieuse d’autrui. Je suis pleine de vie, envieuse d’initier de nouveaux projets et j’ai une soif de voyage qui n’en finit pas. J’ai fait un BAC Scientifique option Science de la Vie et de la Terre. Ensuite, j’ai poursuivi sur un Brevet de Technicien Supérieur Agricole option Gestion et Protection de la Nature. Suite à cela, je devais aller en Licence Professionnelle, mais aucune ne m’intéressait.
- Pour quelle(s) raison(s) ce projet d’engagement ?
Hugo : Je souhaitais réaliser un service civique puisqu’il s’agit d’un contrat qui vise essentiellement les jeunes, je voulais donc profiter de cette opportunité. Aussi, je ne me sentais pas encore prêt à entrer dans la vie active et travailler derrière un bureau 8h par jour.
Partir en Côte d’Ivoire pour effectuer un service civique, c’était à la fois une manière de se former et d’apprendre mais aussi de découvrir une nouvelle culture et un mode de vie qui n’a rien à voir avec ce que je connaissais. Évidemment, c’était aussi l’occasion pour moi de m’engager pour une cause qui m’est chère : celle de l’environnement.
Louise : J’ai décidé de m’engager dans cette mission car elle s’est présentée à moi sans que je le demande ! Présentée en classe par des ivoiriens en stage dans mon lycée, j’ai trouvé que l’occasion était trop belle pour passer à coté. Je m’imaginais déjà dans un nouveau pays, à découvrir une faune et une flore luxuriante, ainsi qu’à mettre en pratique les théories apprises en cours du BTS ! J’avoue que cette mission m’est tombée dessus, je me suis alors engagée à partir en laissant derrière moi les études de licence professionnelle.
- Quelle était votre structure d’accueil et vos différentes missions ?
Hugo et Louise : Nous sommes partis dans le cadre d’un échange de volontaires entre un lycée agricole français et un lycée agricole ivoirien. Les deux établissements forment des élèves en BTS. La structure qui nous a accueillis est le lycée agricole de Bingerville nommée l’Ecole Régionale d’Agriculture SUD (ERA-SUD) de l’Institut National de Formation Professionnelle Agricole (INFPA).
Ici, nous sommes chargés de sensibiliser les jeunes à l’environnement, au développement durable et à l’alimentation.
Pour remplir cette mission, nous avons créé diverses activités et animations sur l’environnement, la pollution ou la biodiversité afin de sensibiliser les élèves (que ce soient des BTS ou des élèves de primaire) sur ces différentes thématiques.
Nous sommes également en charge de la création et l’entretien d’une parcelle pédagogique qui met en valeur des techniques agricoles innovantes (agriculture verticale, utilisation du bio, permaculture, …) ainsi que l’aménagement d’une forêt vierge (espace vert ouvert avec un potager pluriculturel et un sentier d’interprétation en sous-bois) afin de pouvoir y accueillir du public et le sensibiliser sur le fonctionnement de cet écosystème.
D’autres activités nous ont mobilisés telles que la création d’un réseau de partenaires pour épauler les jeunes diplômés et l’établissement scolaire, la création d’un potager avec un projet de visite de la ferme du lycée agricole afin d’éduquer à l’alimentation, un projet d’action de lutte contre les déchets et la création d’un guide du volontaire pour amener la deuxième génération de service civique français à continuer les activités.
- Quelles ont été vos premières impressions à votre arrivée ?
Hugo : À mon arrivée, j’ai été déboussolé. Passer de 3°C à l’aéroport Charles de Gaulle par une nuit de janvier à +30° en plein après-midi ici à Abidjan c’était déroutant ! Et puis on m’a présenté à énormément de directeurs et personnels administratifs différents.
Pendant les 10 premiers jours, mes seules interactions sociales étaient avec Louise, ma collègue française, des directeurs de la structure, des inconnus dans la rue et des élèves que je ne connaissais pas, c’était assez dur.
Louise : À mon arrivée, je ne me suis pas sentie à ma place, j’étais ébahie devant la beauté de la nature, le climat, la culture et le rythme de vie et j’ai eu du mal à m’y faire au début. Nous étions deux pour la même mission et j’ai senti tout de suite que j’étais en arrière plan par rapport à Hugo. Mon intégration s’est faite tardivement car je n’arrivais pas à être autonome par rapport à lui.
En vivant petit à petit un quotidien rythmé par le travail, j’ai fini par rencontrer d’autres personnes, aller de plus en plus loin et avoir moins peur de cette immersion en pays inconnu. J’ai bien grandi en 6 mois, j’ai pris confiance en moi, je suis devenue plus sociable, j’ai appris à faire abstraction du regard des autres et j’ai développé mon avenir professionnel.
- Est-ce que vous avez connu des difficultés ?
Hugo : En dehors de mon intégration un peu difficile, j’ai surtout rencontré des problèmes de moyens et de logistique. Par exemple, nous n’avions aucune ligne de budget prévue pour notre accueil et l’aménagement de notre parcelle. Cela a compliqué notre travail puisque nous n’avions pas suffisamment de semences et de matériel agricole. De même pour l’organisation d’activités où nous n’avions aucun moyen.
Sur le plan logistique j’ai trouvé la communication entre les instances françaises et ivoiriennes compliquées, nous n’avions pas tous les mêmes attentes et les mêmes objectifs au sein de ce partenariat.
Louise : Nous vivons tous des moments difficiles, avons tous des doutes et avons tous envie parfois de baisser les bras. Durant chacune des missions que j’ai menée, j’ai rencontré des obstacles :
- le temps : le temps est toujours très subjectif en Côte d’Ivoire, que ce soit pour un rendez-vous, pour des transports en communs, pour la signature d’un papier, pour une réunion, … Bref, il faut savoir être patient. Cela a fait que certains des projets que j’ai menés n’ont pas abouti (ex: école à la ferme, lutte contre les déchets).
- le manque de fonds et de mains d’oeuvre ont fait que le projet d’aménagement stagnait. Ces manques ont aussi été une difficulté pour d’autres projets comme l’école à la ferme ou parfois même les animations.
- le manque de connaissances sur l’agriculture m’a fait défaut pour l’aménagement du potager, des connaissances naturalistes auraient été un plus, ainsi que sur le climat du pays afin de programmer au mieux certaines activités.
- la météo : elle a été ravageur pour les cultures sur la parcelle aménageable et a empêché des animations et des déplacements.
- Quel est le meilleur moment que vous retenez dans votre mission ?
Hugo : Malgré tout, je trouve que cette mission s’est plutôt bien déroulée. Je retiens avant tout le sourire et les échanges que nous avons fait naître à la suite de certaines activités comme des ciné-débats ou d’autres activités basées sur le jeu. Ce type d’animation était une première pour ce public et ils étaient pleinement reconnaissant.
Aussi, je dois avouer que me lever à 5h30 du matin pour aller cultiver ma parcelle m’a particulièrement plus (au début ahahah …) !
Louise : Mes moments préférés étaient les temps d’animation avec les élèves car c’était riche en échanges de connaissances et de cultures. J’ai trouvé très beau cette complicité que nous avions mon collègue et moi avec eux lorsqu’une animation marchait parfaitement. En réalité, il est difficile d’avoir un moment préféré car même les temps passés les mains dans la terre sous la pluie sur notre parcelle étaient des moments formidables !
- Et l’accomplissement dont vous êtes les plus fiers durant votre mission ?
Hugo : Le fait d’avoir créé un sentier pédagogique avec des élèves au milieu d’une forêt vierge tout en essayant de la préserver au maximum.
Louise : Je suis fière d’avoir pu créer un espace d’accueil de public qui a plusieurs fonctions. Je sais pertinemment que cet espace vert peut servir aux élèves, à notre partenaire l’association “Moi Jeu Tri” et à l’école primaire, s’il est considéré par nos supérieurs et pris en charge à la suite de notre départ. Je suis également fière d’avoir simplement été la première à initier ce genre de projet et de renforcer un partenariat qui sera repris par d’autres jeunes après moi.
- Quel bilan retirez-vous de cette mission ?
Hugo : Sur le plan personnel, cette mission m’a permis de découvrir un environnement et une culture aux antipodes de ce que je connaissais et de rencontrer énormément de personnes incroyables, parfois avec un quotidien totalement différent de ce que j’ai toujours connu.
Sur le plan professionnel, cette expérience m’a appris à mieux gérer l’altérité et la diversité des interlocuteurs et à gagner en autonomie, même si cela s’est parfois fait à mes dépends !
Louise : Que même avec peu de moyens, on peut construire quelque chose tant que l’on est unis. J’ai aussi appris qu’il ne fallait pas compter que sur les autres pour avancer, parfois il faut prendre les reines d’un projet pour qu’il puisse avancer. De même, j’ai développé de fort liens avec des ivoiriens et ivoiriennes, mes valeurs humaines se sont encore plus développées et je suis tombée amoureuse d’un pays d’Afrique et de sa biodiversité. Ainsi, je dirais que j’ai gagné en autonomie, en prise de décision, en maturité, que je suis prête aujourd’hui à me lancer dans n’importe quel projet professionnel qui me plaira, je n’ai pas peur d’y aller à fond ! Pour finir, j’ai appris qu’il fallait toujours saisir l’opportunité qui se présente à soi.
- Quels sont vos projets après cette expérience ?
Hugo : Après cette mission je souhaite prolonger mon expérience dans la coopération internationale, peut-être en VIA (Volontariat International en Administration) qui sait ?
Louise : Suite à cette expérience, j’aimerais en apprendre davantage sur l’agriculture. Moi, qui ai un parcours entièrement basé sur l’environnement, je pense que produire dans le respect de la nature est un domaine qui me plaira. Ainsi, en attendant la rentrée de septembre 2024 pour rattraper sur une licence d’agronomie, je compte partir en Woofing en solitaire et continuer à voyager un peu en faisant des formations qualifiantes de quelques semaines ou mois. Je vais faire mon insertion professionnelle en postulant dans des Conservatoires d’Espaces Naturelles pour mettre en pratique mes connaissances.
- Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut faire du volontariat à l’international ?
Hugo : Je lui conseillerais de rapidement s’intégrer et se constituer un cercle d’amis afin de mieux gérer les périodes difficiles que peuvent occasionner un volontariat international et je lui dirais surtout de ne pas avoir peur d’être curieux et de découvrir de nouvelles choses.
Louise : De choisir un volontariat qui a du sens pour lui (dans la vie professionnelle ou personnelle) comme une passion ou une poursuite d’étude. Surtout, de ne pas hésiter à en faire car c’est une expérience de vie très riche !