Marion, ex Service Civique en Inde pour la Fondation Credit At People avec Intercordia
"J’ai compris qu’il n’y avait pas de schématisation et de vérité unique [...] J’ai aimé voir ces vérités, aller au delà de tout ce qu’on nous raconte, des schémas de pensée simplifiés et bien souvent raccourcis." Marion, 21 ans, est partie 6 mois avec l'association Intercordia en Service Civique au sein de la Fondation Credit At People en Inde. Une expérience qui aura laissé sa trace.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Marion et j’ai 21 ans. Je suis engagée. Citoyenne du monde aussi. C’est une expression qu’on avait employé lors de la formation au départ avec Intercordia (l’association qui m’a permise de trouver ma mission de Service Civique et donc de partir en Inde) et que j’aime beaucoup. Je pense que le proverbe « les voyages forment la jeunesse » est très vrai. Mes expériences à l’étranger m’ont permises de grandir et ont participées à construire la personne que je suis aujourd’hui.
Quel est ton parcours ?
Après un baccalauréat scientifique, j’ai suivi une licence de droit et sciences politiques à l’Institut Catholique de Paris (ICP). J’ai eu l’occasion d’intégrer divers associations au cours de ce parcours universitaire et notamment Mad’Amiko. C’est l’association de solidarité internationale de l’ICP qui vise chaque année, avec une nouvelle équipe, à monter un projet d’animation pour des enfants à Madagascar.
Après avoir obtenu ma licence, j’ai choisi de faire une année de césure avant de poursuivre mes études. Dans ce cadre, je prépare actuellement un diplôme universitaire de solidarité internationale (DUSI) – action solidaire et dialogue interculturel – avec Intercordia et l’ICP. A l’issue de mes 6 mois de Service Civique en Inde, je travaille à la rédaction d’un mémoire universitaire basé sur cette expérience. Je soutiendrai ce mémoire en septembre prochain afin de valider le diplôme.
Quelle était ta mission en tant que volontaire ?
Contexte de la mission :
Pendant 6 mois j’ai réalisé ma mission au sein de la Fondation Credit At People (CAP) en Inde du Sud (Pondichéry). La fondation met en place des programmes de microcrédit (notamment par le biais de vaches laitières) pour des groupes de femmes de basses castes en milieu rural. Concrètement CAP fait un prêt à un groupe de femmes en début de projet afin qu’elles achètent chacune une vache. Grâce à cet animal, elles obtiennent une production quotidienne de lait, qu’elles revendent ensuite à des compagnies laitières locales. Cela leur permet d’assurer des revenus complémentaires et d’améliorer un peu leurs conditions de vie.
Ma mission :
En tant que volontaire, j’ai été « assistante chef de projet ». Concrètement j’assistais le manager des projets sur la partie opérationnelle des programmes (suivi des projets en cours, collecte hebdomadaire des données de production laitière, réunion mensuelle avec le groupe de femmes, participation à la sélection des futurs groupes bénéficiaires).
J’ai par ailleurs conduit l’évaluation d’impact économique et social des programmes auprès des bénéficiaires. Cela revient à se demander quels ont été les impacts du prêt de microcrédit sur le quotidien de ces femmes ? Qu’a-t-il permis d’accomplir ?
J’ai également réalisé diverses tâches de communication (rédaction de newsletters, posts Facebook, et rapports pour les donateurs).
Ma mission était ainsi équitablement répartie entre le bureau (à Pondichéry) et le terrain (visite 1 à 2 fois par semaine aux femmes dans les villages aux alentours de Pondichéry).
Parles-nous de ce que t’a apporté ta mission en Service Civique
Humainement j’ai beaucoup appris et grandi. Je n’ai jamais rencontré des gens aussi chaleureux et hospitaliers que mes collègues indiens/indiennes. J’ai beaucoup aimé la vie en Inde du Sud, l’extrême beauté des femmes, les contrastes permanents dans la vie de tous les jours. L’importance de la famille, de la religion. Pour moi l’Inde ce n’est pas les castes, ce n’est pas la violence ni le danger. Pour moi l’Inde c’est un retour aux sources, une grande spiritualité, une grande richesse. Également une tradition tamoule et une identité indienne dont les gens sont profondément fiers. La question qu’on pose en premier lieu aux gens que l’on rencontre c’est « quelle est ta religion ? », « comment est ta famille ? » Et non pas « que fais-tu dans la vie ? », « quelles études as-tu fais ? » Cela m’a beaucoup touchée. En Inde on se définit par sa spiritualité et par le groupe primaire qui nous définit et qui nous relie à la vie : la famille. Et il y a beaucoup de sagesse dans cette philosophie de vie je trouve.
Parles-nous un peu plus de ta mission
La mission à CAP m’a enchantée. Tout d’abord parce qu’elle m’a permise de rencontrer et de côtoyer chaque jour mes collègues indiens (Lakshmi, George, Jayanthi, Elizabeth) qui sont des personnes incroyables.
Ensuite pour le contact, la rencontre avec les femmes des villages. Malgré la barrière de la langue, nous avons échangé des sourires, des rires des tentatives de discussions sur les bindis et sur la couleur de nos saris. Parfois il n’y a besoin de mots pour se comprendre. Les femmes des villages m’ont impressionnée par leur fierté, leur beauté, leur courage, leur dévouement pour leur famille.
J’ai compris qu’il n’y avait pas de schématisation et de vérité unique. La violence faite aux femmes existe certainement mais ce n’est pas ce que j’en ai ressenti durant mes 6 mois sur le terrain. Les maris étaient présents, participaient à l’entretien de la vache, aidaient pour la construction des plans d’azolla (une nourriture riche pour la vache). Tout est fait en collaboration, en entraide mutuelle entre mari et femme. Les femmes me l’expliquaient « Je respecte mon mari donc il me respecte ». J’ai aimé voir ces vérités, aller au delà de tout ce qu’on nous raconte, des schémas de pensée simplifiés et bien souvent raccourcis. Je me souviendrai de l’ambiance paisible régnant dans les villages. Personne n’est jamais seul, malgré la pauvreté. Il y a des liens humains qui réchauffent davantage des biens matériels.
Quels sont tes projets post-volontariat ?
Je vais intégrer l’Ecole Supérieure de Commerce et de Développement (ESCD) 3A à Lyon l’année prochaine pour réaliser un master « Manager de projets internationaux ». J’ai souhaité réaliser ce parcours en alternance et je suis actuellement à la recherche de la structure qui pourra m’accueillir à partir de septembre prochain. Je recherche idéalement une fondation ou une ONG dont les programmes sont axés sur le développement et la solidarité internationale.
Après ce master, je souhaite repartir à l’étranger. Entre le Volontariat de Solidarité International, le Volontariat International en Administration, le Service Volontaire Européen, les opportunités d’engagement à l’international ne manquent pas ! J’ai déjà en tête quelques structures avec lesquelles j’aimerais beaucoup partir.
De façon générale, j’ai envie de continuer à m’engager, quelque soit la forme. Il y a énormément d’initiatives, de plateformes qui permettent de s’engager aujourd’hui : il suffit de choisir celle qui nous convient le mieux en fonction de nos envies et de notre parcours de vie je pense !
Si tu devais donner un conseil aux futurs volontaires ?
Profitez à fond ! La mission passe très vite.
Soyez tolérants avec vous mêmes, avec les autres et acceptez de lâcher prise : il est normal que vous ressentiez la fatigue, l’impression de ne pas pouvoir faire avancer les choses aussi vite et efficacement que vous le voudriez, de ne pas être aussi utile que vous l’auriez souhaité. Cela fait partie de la mission et cela vous permettra de susciter de riches réflexions sur votre position en tant que volontaire ainsi que sur les différents modèles de développement.
Imprégnez-vous au maximum des échanges interculturels avec vos collègues et amis lors de votre mission : ils constituent les moments les plus précieux que vous garderez en mémoire au delà des aspects/acquis professionnels.
Ayez conscience de vos préjugés et de votre angle de vue (biaisé par votre culture d’origine). Cherchez à les déconstruire en observant un maximum dans votre pays d’accueil. Essayez de comprendre sans juger. Si vous partez à l’étranger, c’est avant tout pour cela : pour vous confronter à d’autres réalités, d’autres modes de vie, d’autres conceptions et façons de voir les choses.
Entourez-vous d’autres volontaires à votre retour pour pouvoir partager votre expérience plus facilement. N’hésitez pas à parler de votre mission, vous transmettrez ainsi le virus du volontariat 🙂