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16 juil. 21
Congo

Siham, engagée pour la protection des grands singes et la biodiversité dans la forêt du Mayombe, au Congo

Arrivée au Congo il y a 3 ans, Siham est engagée auprès de l’ONG Endangered Species International Congo (ESI Congo) à Pointe-Noire. D’abord, service civique, puis volontaire de solidarité internationale de France Volontaires, elle nous raconte l’évolution de sa mission et son engagement en faveur de la biodiversité et des communautés locales.

Cette interview a été réalisée depuis la base de vie d’ESI Congo, à Magne, dans le district de Kakamoeka, lors d’une mission terrain de France Volontaires Congo.

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Siham, j’effectue actuellement une mission en VSI avec ESI Congo où je suis d’abord arrivée en tant que service civique. L’association agit dans le district de Kakamoeka où elle mène un projet de protection des grands singes depuis 2008 en travaillant étroitement avec les communautés locales. J’ai commencé par avoir la charge de la sensibilisation, de l’éducation environnementale, et de la communication pour passer ensuite sur un poste plus transversal, d’appui à la coordination des activités de l’association.

ESI Congo, qu’est-ce que c’est ?

ESI Congo, c’est une très belle aventure qui a commencé il y a 13 ans. À l’origine, plusieurs Congolais et Français se sont réunis autour d’une passion commune : la biodiversité et sa protection. Ils ont réalisé une enquête sur la viande de brousse dans les marchés de Pointe-Noire, qui a révélé que le district de Kakamoeka était à cette époque la plateforme principale d’approvisionnement de viande de brousse, notamment de viande de gorille des plaines de l’ouest. Les premières actions dans la zone concernaient la sensibilisation et la recherche scientifique. Puis avec le temps, des activités en appui au développement communautaire et à la gouvernance locale se sont ajoutées. La diminution des grands singes et la perte de leur habitat découlent de pressions multiples (exploitation forestière et minière, déforestation, agriculture-sur-brûlis, braconnage, urbanisation, etc.), la stratégie d’ESI Congo tente d’aller aux racines du problème.

Parle-nous de ta mission ? Comment a-t-elle évolué en 3 ans ?

En arrivant en mars 2018, j’avais la charge du pôle de sensibilisation, éducation environnementale et communication. Il s’agissait de travailler avec plusieurs publics-cibles (enfants des écoles de la zone de projet et de Pointe-Noire, chasseurs, employés d’entreprises extractives) autour des notions de protection de la biodiversité, et en mettant en place des actions pour encourager des comportements plus responsables dans l’utilisation des ressources naturelles. Un des points culminants de cette démarche était la mise en œuvre d’une campagne de communication pour réduire la consommation de la viande de brousse d’employés Congolais et Chinois d’une entreprise aurifère qui exploitait dans la zone de projet.

En basculant en VSI, mes missions se sont élargies, pour inclure plus largement l’appui à la coordination.

Quelles sont les raisons de ton engagement ?

Après mon master de développement durable dans les pays du Sud et des expériences à l’étranger, j’avais envie de m’insérer dans un projet significatif et plein de sens pour moi. L’opportunité du volontariat collait à mon envie d’engagement et la vision d’ESI Congo, qui englobe autant la protection de l’environnement que le développement local en usant d’une palette de disciplines assez impressionnante (foresterie, éthologie, cartographie, agronomie, sciences sociales et humaines, etc.), m’apportait l’assurance d’exercer des tâches professionnalisantes, variées et très intéressantes.

Ici, dans ce village de Magne, quelles sont les actions d’ESI Congo ?

Le village de Magne fait partie des 6 villages historiques dans lesquels les actions d’ESI Congo sont ancrées depuis 13 ans. Ici à Magne, nous sommes dans le Centre de Ressources pour la Biodiversité et l’Écotourisme (CRBE), c’est une plateforme qui canalise toutes les actions déployées par ESI Congo (sensibilisation et éducation environnementale, recherche scientifique, appui au développement communautaire, appui à la gouvernance locale). On a commencé à construire le CRBE en 2019 : en appui à l’équipe locale, des volontaires Français sont d’ailleurs intervenus. Pour l’instant, nous disposons de 2 écolodges, d’une salle de réunion, d’une case de passage et d’une cuisine. Tout est construit en matériaux locaux (bambous, bois et paille) sur pilotis.

C’est un lieu unique dans le district de Kakamoeka, créé pour les communautés locales en priorité, afin qu’elles disposent d’un lieu permanent leur permettant d’accéder aux ressources et aux appuis pour une exploitation durable de la biodiversité. Par exemple, le CRBE abrite l’atelier de transformation des Mamans du Mayombe qui fabriquent des chips à partir de la banane-plantain issue de l’agroforesterie. C’est une activité alternative aux pressions sur les ressources naturelles, qui cible uniquement les femmes. Il y a également les écolodges qui reçoivent les voyageurs intéressés par la découverte de la biodiversité locale, accompagnés d’anciens chasseurs reconvertis en guides locaux.

Nous avons pour projet de développer le CRBE en y incluant d’autres constructions appuyant le développement de la zone et la protection de la nature (une petite bibliothèque avec un fonds documentaire et multimédia, une éco-boutique pour promouvoir les arts et produits locaux, un autre écolodge…).

Comment sont reçues les actions d’ESI Congo, dans ce village ?

Le village de Magne a concédé gracieusement à ESI Congo un terrain d’un hectare pour la construction du CRBE. Les communautés et autorités locales nous appuient et souhaitent qu’on poursuive notre travail pour accentuer les retombées positives sur les populations locales et la protection de l’environnement dont elles dépendent.

Comment avez-vous construit ce lien avec les communautés locales ?

La stratégie d’intervention de l’association intègre les besoins et préoccupations socio-économiques des communautés locales en contribuant à mettre en place des alternatives durables aux activités (par l’écotourisme, chaîne de valeurs de banane-plantain par exemple). Les communautés locales participent également activement aux missions de recherche scientifique pour mieux connaître les grands singes de notre zone et leur habitat. Le savoir local est une porte d’entrée extrêmement importante dans la collecte de données. En plus de créer des liens évidents entre la conservation et l’amélioration des conditions de vie qui participent à convaincre les acteurs ruraux de la pertinence du projet, comprendre leur perception et s’y adapter est primordial quand on cherche à établir une collaboration durable localement.

« C’est une société avec ses codes. Nous sommes accompagnés dans leur apprentissage, leur compréhension et au bout d’un moment, on les intègre.»

Peux-tu nous raconter les difficultés que tu as rencontrées ?

La compréhension, l’appropriation des codes locaux, et la résilience physique à avoir sur le terrain pendant les longues marches en forêt ou de village en village, étaient de beaux défis au départ ! Aujourd’hui, je me sens plus à l’aise et toujours enthousiaste d’aller sur le terrain.

« Nous n’avons pas du tout la même la résilience physique. Tu vois Rémy (notre guide local), il marche dans la forêt comme nous, on marcherait sur le goudron. Il marche vite, très vite. Une fois, on a dû aller à Mfilou, qui se trouve à environ 3 heures de route à pied, je voulais tester la route parce qu’habituellement, nous prenons la baleinière (un type de bateau). On a marché pendant 3 heures à travers le bambou, très vite, à la même allure. J’ai réussi à suivre, mais je me suis effondrée en arrivant (rire). »

« Il y a quelque chose que j’ai compris ici : les choses finissent toujours par bien se passer, à un rythme différent, avec des moyens différents, parfois avec une qualité différente, mais le but est atteint et surtout, il est bien compris par les locaux, et quand on se lance dans une action, ça tient à cœur à tout le monde d’arriver jusqu’au bout. »

Comment ont continué les actions d’ESI Congo pendant la pandémie ?

Pendant la pandémie, nous avons eu un financement de l’Agence des Micro Projets pour mener des actions de sensibilisation à la COVID-19 sur le terrain. Nous avons distribué des kits de lavage de main (bassines, savons, affiches, mégaphones…) aux 6 villages qu’on accompagne. Pendant les actions, nous avons évoqué avec les habitants le thème des zoonoses (les maladies que les animaux peuvent transmettre à l’homme et inversement), dans cette zone où les gorilles et chimpanzés croisent facilement les Hommes.

Un conseil aux futurs volontaires ?

Le volontariat est un formidable dispositif pour vivre son engagement dans un cadre professionnalisant et en immersion dans une culture, mode de vie et ambiance différents. C’est une expérience très enrichissante et une opportunité à saisir !

En savoir plus

L’association Endangered Species International Congo (ESI Congo), de droit congolais, lutte pour la protection de la biodiversité et des espèces en voie de disparition, notamment le gorille des plaines de l’Ouest et le chimpanzé au Congo. Depuis 2008, l’association concentre son activité dans le district de Kakamoeka, et particulièrement dans 6 villages de cette zone. Ses actions, menées en collaboration avec les communautés locales, permettent de faire reculer le braconnage des espèces protégées.

Pour plus de renseignements, contactez l’Espace Volontariats Congo : [email protected]