Succès, volontaire togolais dans le secteur du handicap en Normandie
Le volontariat permet de se sentir utile et de contribuer à une cause qui nous dépasse.
Succès Elie AGBENUTI, togolais de 28 ans, partage son expérience de volontariat de solidarité internationale (VSI) en France après un an Anneville sur Scie, au sein de l’Arche d’Ecorchebeuf. L’Arche est un mouvement international qui crée des espaces où vivent et travaillent ensemble des adultes en situation de handicap mental et des assistants qui les aident. Succès a été envoyé par l’Agence nationale du volontariat au Togo (ANVT), et accueilli par la Délégation catholique pour la coopération (DCC).
Porte étendard d’Ecorchebeuf aux 60 ans de l’Arche
Peux-tu te présenter en quelques mots et nous raconter ton parcours ?
Je suis titulaire d’une licence en Psychologie de l’éducation et de la formation, attesté en tant que conseiller d’orientation auprès du Centre national d’information et d’orientation scolaires et professionnelles (CNIOSP) et éducateur spécialisé auprès de l’association Envol TOGO.
Pourquoi avoir choisi de t’engager comme volontaire ?
J’ai choisi de m’engager par désir de découvrir d’autres horizons : j’aime voyager et découvrir d’autres façons de penser, de réagir, découvrir d’autres cultures, et plus précisément expérimenter comment le milieu du handicap se développe dans d’autres pays, la France cette fois-ci. Ayant des compétences en psychologie et en éducation spécialisée, la mission était pile dans mes projets futurs ainsi que dans mes capacités acquises que je souhaitais fortement renforcer.
Un après midi avec Dame Monique
Peux-tu nous décrire ta mission et les actions effectuées ?
L’intitulé de ma mission correspond littéralement à son contenu : une vie partagée avec des personnes en situation d’handicap mental. Je vivais avec des personnes en situation de handicap dans un foyer de vie. Nous devions créer un environnement sécuritaire et de confiance, créer des liens avec les personnes accueillies.
Quand je dis « vivre » c’est vivre dans tous les sens du termes : je dormais dans le foyer, nous partagions les moments de repas, les sorties, les tâches ménagères, la cuisine ainsi que les moments particuliers comme les sorties récréatives, les balades. J’avais un statut d’assistant : avec les collègues, nous étions amenés à accompagner les personnes accueillies dans leurs activités de tous les jours sans pour autant les faire à leur place, et en fonction de leurs profils, les aider dans la mesure du possible à devenir plus autonome.
Les activités effectuées sont diverses et multiples. Cela peut aller de l’accompagnement pour le brossage de dents, par exemple, aux accompagnement aux douches, à faire des courses, faire la cuisine ensemble. La reprise également, quand il y’a des comportements dangereux ou néfastes pour les autres. En résumé des activités de tous les jours. C’était comme vivre avec des petits frères et sœurs qui ont des besoins particuliers.
Quel est ton meilleur souvenir ?
J’en ai une flopée. Si je dois me limiter à ma mission, je citerais en exemple,
- des personnes qui ne me connaissaient pas qui viennent me faire un câlin pour me souhaiter bonne arrivée dès mes premiers jours,
- les moments de loisirs où j’ai appris sur les jeux de sociétés français,
- les discussions avec mon référé qui se souvient des informations sur ma vie et qui me les rappelle de temps en temps,
- le changement de foyer où mes compétences étaient plus demandées,
- les journées de travail à la ferme et dans les serres,
- apprendre à connaître les personnes accueillies qui ne sont pas forcément dans les foyers,
- Remarquer l’attachement réciproque.
Grimaces avec Agathe et le référé de Succès au marché de Noël
Si je ne devais en citer qu’un, ce serait le dernier repas communautaire. Une fois par mois, toute la communauté (qui comprend un nombre de trois foyers, d’un groupe d’externes et du groupe administratif) se réunit autour d’un repas partagé. Mon départ ayant été déjà annoncé à la communauté à ce moment, j’ai décidé de me charger du repas. N’ayant ni le temps, ni la possibilité, ni les finances pour offrir des cadeaux personnalisés, cela constituera mon « merci » à la communauté, et me permettra de faire découvrir un repas togolais à toute la communauté, mes différents foyers ayant été les seuls à en avoir profiter jusqu’à ce moment.
Au moment de servir l’entrée, j’étais toujours en cuisine et j’entends toute la communauté scander mon nom « Elie Elie… ». Surpris, je suis sorti et c’était des acclamations et des mercis. J’avoue que cela m’a beaucoup ému. A la fin du repas, mon référé qui s’approche avec dans le visage un mélange de tristesse et de joie me fait un câlin et me dit « Je ne t’oublierai jamais mon frère ». Cela m’a énormément touché.
On ne se rend toujours pas compte d’à quel point on peut compter pour d’autres personnes, et quand cette affection nous est renvoyée en retour, il y’a toujours cette chaleur dans le cœur et en même temps ce pincement. J’étais venu pour une mission et je me suis fait des amis qui comptent.
Dernier repas communautaire préparé par Succès, avec alloco en entrée et foufou banane sauce graine et sauce arachide en plat principal
Ta plus grande difficulté ?
Ma plus grande difficulté à été de m’habituer à la France. Le froid était mon premier obstacle, je suis arrivé en plein hiver, climat que je n’avais jamais connu.
Foyers des compagnons après la grêle
Durant ma mission, je dirais faire mes marques dans chaque équipe. Les équipes des différents foyers ont des dynamiques qui leurs sont propres, et elles fonctionnaient sans moi. Donc arriver à apposer ma patte tout en contribuant était un bon challenge, d’autant plus que j’ai dû le faire à deux reprises.
La communication également : j’ai appris le français à l’école, en plus de mon éducation togolaise et des langues maternelles que je parle, je trouve que les façons de parler sont différentes. Mon pragmatisme et le « tourner autour du pot » des français m’ont paru curieux. Les termes qui sont compris autrement, les termes les plus simples peuvent être compris différemment.
Enfin, les contacts avec l’administration : j’ai l’habitude de travailler en toute indépendance, être amené à faire des rapports et me référer à d’autres personnes était assez nouveau pour moi.
Un samedi à la ferme d’Ecorchebeuf
Qu’as-tu appris et transmis durant ton expérience ?
J’ai appris énormément sur le système de fonctionnement de l’Arche, les différents postes, et comment faire fonctionner la structure. Dans le but de fonder une structure semblable dans un futur proche, j’ai développé des compétences techniques et méthodologiques :
- Élaboration et mise en œuvre de projets individualisés : Accompagnement personnalisé de personnes en situation de handicap, en tenant compte de leurs besoins spécifiques et de leurs aspirations.
- Observation et analyse comportementale : Développement de compétences en observation et en analyse des comportements, afin de mieux comprendre les besoins et les difficultés des personnes accompagnées.
- Communication adaptée : Utilisation de différents modes de communication (verbale, non verbale, écrite) pour favoriser l’échange et la compréhension avec des personnes ayant des besoins spécifiques.
- Travail en équipe pluridisciplinaire : Collaboration étroite avec les collègues salariés pour assurer une prise en charge globale des résidents.
- Gestion de crise : Développement de stratégies pour gérer les situations difficiles et les crises, en garantissant la sécurité de tous.
Ainsi que des compétences transversales :
- Patience et bienveillance : capacité à établir une relation de confiance avec les personnes accompagnées, en faisant preuve d’écoute active et d’empathie.
- Adaptabilité : flexibilité pour s’adapter aux différents rythmes et besoins des personnes accompagnées, ainsi qu’aux imprévus du quotidien.
- Créativité : développement d’idées nouvelles et originales pour enrichir le quotidien des résidents et favoriser leur épanouissement.
- Autonomie : capacité à prendre des initiatives et à travailler de manière indépendante, tout en étant capable de solliciter l’aide de ses collègues si nécessaires.
- Sens des responsabilités : prise en charge des tâches qui lui sont confiées avec sérieux et rigueur.
- Ouverture d’esprit : curiosité et volonté de découvrir de nouvelles cultures et de nouveaux modes de vie.
Et des compétences personnelles :
- Connaissance de soi : meilleure compréhension de ses propres forces et limites, grâce à l’expérience vécue.
- Résilience : capacité à faire face aux difficultés et à rebondir après les épreuves.
- Humilité : reconnaissance de ses propres limites et ouverture à l’apprentissage.
- Empathie : capacité à se mettre à la place de l’autre et à comprendre ses émotions.
- Sens de l’humain : valorisation de la diversité et promotion de l’inclusion.
Comment ta mission a-t-elle influencé ta vision du volontariat ou du travail en général ?
Le volontariat dans une Arche donne une dimension profondément humaine au travail. Il permet de se sentir utile et de contribuer à une cause qui nous dépasse. Il permet la création de relations humaines au cœur du travail : l’accompagnement des personnes en situation de handicap met en avant l’importance des relations humaines, de l’écoute et de l’empathie dans le travail.
Le volontariat ouvre de nouvelles perspectives personnelles sur le handicap que j’aimerais inculquer comme :
- le dépassement des préjugés : le contact quotidien avec les personnes en situation de handicap permet de déconstruire les stéréotypes et de découvrir la richesse de chaque individu.
- la valorisation des différences : l’Arche nous apprend à célébrer la diversité et à reconnaître les talents de chacun, quelles que soient ses capacités.
Dans ma vie personnelle, il a causé une croissance personnelle : Le volontariat est une formidable opportunité pour se découvrir soi-même, développer ses compétences et de sortir de sa zone de confort. Développer sa résilience et son adaptation : face aux défis rencontrés, on apprend à faire preuve de patience, de résilience et à s’adapter à des situations nouvelles. Le volontariat élargit notre vision du monde et nous rend plus ouvert aux autres cultures et aux autres modes de vie. Il nous incite à nous engager pour la société et à devenir des acteurs du changement.
Repas de Pâques
Quels sont tes projets pour la suite ?
Pour commencer, j’aimerais valoriser cette expérience dans mon pays, et promouvoir un peu plus le volontariat. Créer ou utiliser un réseau professionnel pour maintenir le contact avec les personnes rencontrées pendant mon volontariat, et développer mon réseau professionnel. Partager mon expérience lors de conférences, de forums ou en écrivant des articles pour sensibiliser le public aux enjeux du handicap.
Ensuite, intégrer une association qui partage les mêmes valeurs, et continuer à accompagner des personnes en situation de handicap, en France ou à l’étranger. Me former un peu plus pour acquérir d’autres compétences ainsi qu’une expérience professionnelle diversifiée. Si l’occasion se présente, j’envisagerai de travailler dans différents secteurs pour élargir mon expérience et découvrir de nouveaux horizons.
Et enfin continuer mes études au niveau Master pour mettre a profit toutes ces compétences apprises.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui envisage de faire du volontariat international en France/au Togo ou dans un autre pays étranger ?
Le premier conseil : ne pas se fermer, le faire serait la première marche pour rater toute expérience qui pourrait arriver.
Ensuite, ne pas se limiter : se poser trop de questions sans agir laisserait un goût amer d’inachevé.
Enfin, totalement oublier les préjugés: le monde n’est mieux découvert que par soi-même, beaucoup donneraient des conseils mais rien n’est mieux que sa propre expérience. Le temps de mission n’est pas une bulle mais une vie a part entière. Il faut oser, l’inconnu peut être effrayant, mais pire que d’avoir échoué, c’est de pas avoir essayé…
J’ai essayé, je me suis fait des frères, des amis et j’ai appris. Tout n’a pas été rose mais c’était à la fin une délicieuse expérience.
Structure d’accueil : l’Arche d’Ecorchebeuf
L’Arche d’Écorchebeuf est une communauté membre de L’Arche, un mouvement international qui crée des espaces où vivent et travaillent ensemble des adultes en situation de handicap mental et des assistants qui les accompagnent, salariés ou volontaires en Service civique. Située en Normandie, cette communauté favorise une vie partagée et l’intégration des personnes avec un handicap dans leur environnement local. Les résidents participent à diverses activités, notamment des ateliers adaptés qui encouragent le développement personnel et communautaire.
L’Arche en France, où ce mouvement a commencé en 1964, compte 37 communautés, chacune ancrée dans des valeurs d’entraide, de respect mutuel et de dignité humaine. Ces communautés travaillent à créer un cadre de vie inclusif et enrichissant, tout en s’adaptant aux besoins spécifiques de leurs membres