Yasmine s’est engagée pour l’éducation en Bretagne
Je suis arrivée timide, hésitante… et je suis repartie plus sûre de moi, plus ouverte, plus solide.
Yasmine Toumi a 28 ans: après des expériences professionnelles en entreprises en Tunisie, elle a décidé de quitter sa ville, Sousse, en Tunisie, pour donner du sens à son parcours en s’engageant dans une mission de Corps européen de solidarité (CES) en Bretagne. Accompagnée par l’organisation Le Quai Culturel, elle s’est envolée pour une mission de huit mois à Lannion, dans les Côtes d’Armor. Elle revient pour France Volontaires sur cette expérience qui l’a marquée tant sur le plan professionnel que personnel.
Peux-tu te présenter ?
Je suis un mélange de créativité, de curiosité et d’envie de vivre des expériences qui ont du sens. J’ai étudié le multimédia, un domaine qui m’a ouvert les portes de l’image, du storytelling, de la création sous toutes ses formes. Mais très vite, après un passage en entreprise, j’ai compris que je ne voulais pas seulement créer… je voulais le faire avec les gens, pour de vrai. Entre ma passion pour la photographie, mon amour du voyage et l’énergie que me donnent les jeunes, le volontariat CES s’est présenté comme une évidence. Et en arrivant à Lannion en Bretagne, j’ai eu l’impression de trouver exactement ce que je cherchais : une école accueillante, des élèves qui donnent le sourire, des projets qui te font apprendre chaque jour quelque chose de nouveau.
“Aujourd’hui, quand je regarde mon parcours, je vois un fil rouge très clair : créer du lien, partager, transmettre, imaginer ensemble. C’est ce qui me ressemble profondément et ce que j’ai envie de continuer à faire, encore et encore, dans tous mes futurs projets.”
Pourquoi avoir choisi de partir en mission de volontariat ? Comment as-tu entendu parler du CES ?
Après mes études et deux années en entreprise, j’ai réalisé qu’il me manquait quelque chose : le contact humain, le sens, cette petite étincelle qui te fait sentir au bon endroit. J’avais envie d’être utile, de me reconnecter aux autres, de retrouver une dimension plus humaine dans mon quotidien. C’est à ce moment-là que je suis tombée sur une vidéo d’une ancienne volontaire du Corps européen de solidarité. Son témoignage m’a énormément touchée. J’ai commencé à me renseigner, à explorer les projets, et j’ai découvert un univers qui correspondait exactement à ce que je recherchais.
Quand j’ai vu la mission au groupe scolaire de Lannion, tout a fait sens : créativité, jeunes publics, activités éducatives… tout ce qui me motive était réuni. J’ai postulé sans hésiter, et quelques semaines plus tard, l’appel de Florian, mon futur tuteur, a marqué le début d’une aventure qui a vraiment changé ma vie.
Comment te sentais-tu avant de partir ?
Avant de partir, j’étais un mélange explosif d’excitation et de panique, un peu comme quand on est prêt à sauter dans l’eau froide : on sait que ça va faire du bien, mais on hésite encore une seconde. J’avais envie de changement, de nouveauté, d’air frais… mais j’avais aussi mes peurs : l’inconnu, la distance avec ma famille, et cette petite voix qui demande si on sera “assez”. Malgré tout, au fond de moi, je sentais que j’avais besoin de cette aventure, qu’elle allait me faire grandir. Alors j’ai pris mon courage, mes valises et tous mes espoirs… et je suis partie, avec les papillons dans le ventre mais le sourire aux lèvres.
Peux-tu nous parler un peu de ta mission ?
Ma mission était un vrai concentré de créativité, d’énergie et de rencontres humaines. Le matin, j’étais avec les enfants de l’école Jeanne d’Arc pour des ateliers créatifs : dessin, bricolage, activités en plein air, découvertes… chaque journée avait sa petite touche magique. J’accompagnais aussi les enseignantes en classe, pour apporter une dose de ludique et d’originalité dans l’apprentissage. L’après- midi, je changeais complètement d’univers : place aux lycéens ! On travaillait la photo, la vidéo, le marketing digital, on organisait des sorties, des moments culturels… un espace où chacun pouvait créer, s’exprimer et simplement être soi-même.
J’ai également participé à de beaux projets : supports Erasmus+, accueil de visiteurs internationaux, les Portes ouvertes où j’ai présenté le CES aux familles, et un projet collectif régional avec Pilote ton Potes entourée de volontaires venus du monde entier. Pendant les vacances, j’ai aussi animé des activités avec la mairie de Lannion.
Au final, ma mission a été d’une richesse incroyable. Chaque enfant, chaque jeune, chaque collègue a laissé une trace dans mon parcours. Ils m’ont appris autant que j’ai essayé de leur transmettre et c’est ce qui a rendu cette aventure inoubliable.
Peux-tu nous parler de ton expérience de vie en France ?
Avant d’arriver, j’avais une image presque cinématographique de la France… et la réalité ne m’a pas déçue. En Bretagne, j’ai découvert une vie douce, simple et authentique. Lannion est une petite ville, mais elle a une âme : des rues animées, des événements, du sport partout… et surtout des habitants d’une gentillesse incroyable. Dès les premiers jours, je me suis sentie accueillie. Les gens venaient spontanément me parler, m’aider, me souhaiter la bienvenue. Je n’ai jamais eu l’impression d’être “la nouvelle” très vite, j’ai eu l’impression d’être chez moi. Cette vie en France m’a beaucoup apporté : de nouvelles amitiés, une vraie confiance en moi, et une ouverture au monde que je n’avais jamais ressentie auparavant.
Je me suis découverte plus courageuse, plus sociable, plus vivante. Finalement, vivre en Bretagne a été bien plus qu’un simple séjour : c’était une petite renaissance, une expérience qui m’a transformée autant que ma mission.

A quelles difficultés as-tu fais face ?
Je préfère parler de défis plutôt que de difficultés, parce que chacun d’eux m’a fait grandir. Le premier, c’était de trouver sans cesse de nouvelles idées pour les ateliers créatifs. L’inspiration n’était pas toujours au rendez-vous… mais les enfants, eux, oui. Leurs idées, leurs envies, leurs petites folies ont souvent été mes meilleures sources d’inspiration.
Le deuxième défi concernait les lycéens, qui n’étaient pas très engagés au début. Alors j’ai cherché un pont entre leur filière et mes ateliers, et j’ai proposé de créer avec eux des sites web imaginant leurs futurs projets culinaires. Et là, tout s’est débloqué : ils se sont investis, ils avaient des idées plein la tête, et on avançait ensemble.
“Au final, ces défis se sont transformés en belles réussites grâce à leur enthousiasme, leur créativité et leur ouverture. C’est ce qui a rendu la mission encore plus enrichissante et vivante.”
Qu’est-ce qui t’a rendue fière ?
Beaucoup de choses m’ont rendue fière pendant cette mission, mais les plus fortes restent toujours les plus simples : les sourires des enfants, leur curiosité, leur enthousiasme quand une activité leur plaisait. Leur fierté faisait la mienne.
Le projet final avec les lycéens a aussi été un moment très fort. Les voir imaginer leur marque, construire leur identité visuelle, gagner confiance… et puis découvrir leur travail final comme de vrais professionnels, c’était incroyable. J’étais sincèrement émue, presque comme une maman fière devant leurs progrès.
“Je suis aussi fière de moi, de mon évolution. Je suis arrivée timide, hésitante… et je suis repartie plus sûre de moi, plus ouverte, plus solide. Et je dois beaucoup à mon tuteur, Florian, qui m’a appris, guidé et fait grandir tout au long de cette mission.”
Au fond, ce qui me rend la plus fière, c’est que nous avons évolué ensemble : eux, moi… chacun à son rythme, mais dans le même élan. Une fierté qui reste, et qui restera longtemps.
Quelles compétences as-tu pu développer ?
Cette mission m’a permis de progresser dans de nombreux domaines, grâce à la diversité des activités et à l’autonomie dont j’ai bénéficié au quotidien. Sur le plan linguistique, j’ai énormément amélioré mon français : vivre, travailler et échanger chaque jour dans cette langue m’a donné confiance pour m’exprimer librement et oser même mes erreurs.
Socialement, je suis devenue plus ouverte, plus sûre de moi et capable d’aller vers les autres avec plus d’aisance. Professionnellement, j’ai gagné en autonomie, en organisation et en adaptabilité : créer et gérer des ateliers, préparer du matériel, improviser des solutions, planifier des activités… chaque jour était un apprentissage.
J’ai aussi suivi une formation sur la santé mentale qui m’a aidée à mieux comprendre et accompagner les émotions des enfants et des jeunes. Et je dois beaucoup à mon tuteur Florian : grâce à son encadrement bienveillant, ses conseils et son encouragement constant, j’ai découvert une version de moi plus créative, plus audacieuse et plus professionnelle.
Aujourd’hui, je repars avec des compétences solides, mais aussi avec la confiance et l’envie d’aller toujours plus loin.
As-tu une anecdote, une histoire à partager ?
Oui, et elle me fait encore sourire ! Lors de ma première séance, je me présentais et expliquais que je venais de Tunisie. Un petit garçon, très sérieux, me demande :
« Mais… vous avez de l’eau chez vous ? Ce n’est pas que du désert ? »
Un autre enchaîne : « Et vous avez des voitures ? »
Leur innocence m’a fait éclater de rire. Je leur ai montré des photos de mon pays, plages, villes, montagnes, et leurs yeux se sont illuminés comme s’ils découvraient un monde nouveau. C’était drôle, spontané et incroyablement touchant, et ça a marqué le début de nombreux échanges culturels mémorables avec eux.

Quels sont tes projets pour la suite ?
Avant cette mission, j’étais un peu perdue et je ne savais pas vraiment ce qui me motivait. Aujourd’hui, c’est clair : j’ai besoin de contact humain, de créer du lien, d’aider et de partager. C’est ce qui me fait vibrer et donne du sens à ce que je fais.
” Je souhaite continuer dans le domaine social, dans un environnement où je peux accompagner, transmettre et avoir un impact, même petit. L’esprit du volontariat est devenu une part essentielle de moi : donner, partager, apprendre des autres… et grandir en même temps. “
Quel conseil donnerais-tu à un ami qui hésite à partir en mission ?
Je lui dirais simplement : fonce ! Ne réfléchis pas trop, saute le pas. Partir en mission change une vie : on découvre de nouvelles cultures, on rencontre des personnes incroyables… mais surtout, on se découvre soi-même. Sortir de sa zone de confort permet de grandir, de relever des défis et de réaliser que nos barrières n’étaient souvent que des illusions. C’est un voyage humain et intérieur, une occasion unique de comprendre ce dont on est capable. Alors mon conseil est simple : ne rate pas cette chance. Cette expérience peut être le début de la plus belle transformation de ta vie.