Yoann, ancien volontaire réunionnais sur l’opération Kéré à Madagascar
Yoann, Saint-Pierrois de 34 ans, est Responsable Génie Rural au sein de l’Association Agrisud International dans la région Anôsy, au sud-est de Madagascar. Pendant 3 ans, il a été volontaire au sein du GRET pour accompagner les travaux de l'opération Kéré, en 2008. Une expérience unique qui a aussi changé sa vie ! Il raconte.
Comment es-tu devenu volontaire ?
Après l’obtention de mon BTS en Travaux Publics, j’ai commencé par un contrat de professionnalisation dans une entreprise de BTP à La Réunion. L’association des Volontaires du Progrès – devenue France Volontaires en 2009 – et la Région Réunion étaient à la recherche d’un volontaire pour le suivi de chantiers à Madagascar. Après 1 mois d’hésitation, et étant dans une situation professionnelle assez précaire, j’ai pris la décision de postuler auprès de l’association qui m’a engagé sous contrat de Volontaire du Progrès – maintenant Volontaire de solidarité internationale (VSI), pour accompagner la construction des citernes et des impluviums de l’opération Kéré à Ambovombe-Androy, à Madagascar.
Quel a été ton rôle sur l’opération Kéré ?
Je suis arrivé à Madagascar avec l’état d’esprit d’un jeune de 22 ans qui était enthousiasmé par la découverte de l’inconnu et en même temps par la crainte d’une zone marquée par la sécheresse. J’avais vraiment envie de m’intégrer. Pendant ma mission, je suis intervenu en appui technique pour la mise en place de citernes en béton armé récupérant les eaux de pluie et la construction et réhabilitation des impluviums. Là-bas, l’eau vaut de l’or. Certains faisaient 15, 20, 30 kilomètres à pied pour acheter de l’eau et cela tous les jours ! Avoir un bassin c’était une sécurité avec des citernes qui peuvent durer plus de 70 ans !
Quel a été le bilan de l’opération ?
En moins de 3 ans, 64 citernes ont été construites, en béton armé, récupérant le ruissellement des eaux de pluie des écoles. Dix impluviums ont été réhabilités et deux entièrement construits. Ces citernes et impluviums ont permis à 51 000 personnes – dont 2 districts de la région et à 416 écoles d’avoir accès à l’eau potable, parfois 7 000 personnes pour un seul impluvium, c’est énorme ! Plus il y avait de l’eau, mieux ils se portaient, c’était le genre d’évidence qui motivait plus que tout.
Peut-on dire que ce volontariat a également changé ta vie ?
Après mes 3 années de volontariat, au cours desquelles j’ai rencontré ma femme, je me suis partagé entre La Réunion et Madagascar. En 2010, après la naissance de notre premier enfant, j’ai priorisé la recherche d’un emploi sur la Grande Ile. Et c’est grâce à cette mission de volontariat sur l’opération Kéré au sein du GRET que j’ai pu bénéficier d’une opportunité au sein de l’ONG AVSF (Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières) sur la mise en place des points d’eau potable, des forages d’irrigation et la réhabilitation des périmètre rizicole (barrages, etc.). Depuis 2018, je travaille au sein d’Agrisud International qui met en œuvre la composante alternative agricole à la déforestation et qui propose plusieurs activités, dont l’aménagement des bassins versants qui se traduit, entre autres, par l’appui à l’aménagement de périmètres irrigués. Actuellement, je travaille sur un projet de préservation de conservation du massif de Beampingaratsy appelé « TALAKY », dans la région Anôsy au sud-est de Madagascar. Ce volontariat a été la base des expériences que j’ai pu engranger au fil des ans. Beaucoup issus de ma promotion ont changé de domaine d’activité. Si j’étais resté à La Réunion, j’aurais surement aussi changé de voie.
Aujourd’hui, quel bilan en tires-tu ?
12 ans après, je suis toujours dans le même pays que j’ai découvert par le biais de mon volontariat, j’y ai construit ma famille, je parle couramment le Malagasy, et j’y ai effectué quasiment toutes mes expériences professionnelles. Avant mon volontariat, je n’avais jamais eu l’objectif de m’engager dans d’éventuelles actions solidaires et de développement, et ces problématiques ne m’intéressaient pas particulièrement. Depuis mon volontariat, je n’ai plus quitté le domaine du développement où j’estime que l’engagement et la solidarité sont les bases pour pouvoir y travailler.
Quels conseils donnerais-tu aux futurs volontaires qui, comme toi, avant ce volontariat, n’ont jamais mis les pieds à Madagascar ?
L’expression « Les voyages forment la jeunesse » est totalement vraie, donc il ne faut pas hésiter dès qu’on en a l’occasion. Madagascar est un pays ancestral où il y a beaucoup d’histoires (surtout sa place dans l’océan Indien). En tant que Réunionnais, c’est toujours intéressant (et cela peut être un atout) de découvrir l’histoire vue de Madagascar et de comprendre aussi la relation qu’il peut y avoir entre Réunionnais et Malagasy. Apprendre la langue locale facilite tellement de choses ! Il faut garder la tête sur les épaules et les pieds sur terre en raison de l’éloignement familial. Il ne faut pas avoir peur de la solitude car il y en aura, il faut justement profiter de cette solitude et la prendre comme un avantage pour prendre du recul quand il le faut. Etant étranger, des moments durs, il y en aura toujours, mais il faut les affronter, les combattre et ne pas se désister au premier coup dur.