Passer au contenu principal
Sur le terrain
10 août. 21
Pérou

Une famille solidaire au collège de Huaycan au Pérou

Agnès et Cédric sont Volontaires de Solidarité Internationale (VSI) dans un petit collège d’un quartier défavorisé de Lima. Envoyés par l’association FIDESCO, le couple est venu au Pérou avec ses trois enfants pour prêter main forte, durant deux ans, à l’équipe éducative de l’institution.

Ayant suivi une formation de préparation à la mission durant plus d’un an sans pour autant connaitre leur lieu de mission, si ce n’est deux mois avant le départ, ils se sont rapidement acclimatés sur les hauteurs de Lima avant de voir leur mission chamboulée.

Des missions d’enseignement nécessaires aux étudiants

Arrivés au début du mois de septembre 2019, les deux volontaires avaient des missions bien définies.

Pour le directeur du collège sino-péruvien “San Francisco de Asis” de Huaycan, Hugo Alarcón Altamirano, qui a déjà reçu une famille de volontaires avec le soutien de FIDESCO entre 2017 et 2019 : « il était important d’avoir des volontaires qui soutiennent les enseignants du collège et de l’institut sur l’enseignement des langues et la formation technique ». Cédric, en tant que professeur d’anglais, était chargé de perfectionner le niveau de langue d’élèves de 10 et 11 ans, et Agnès, en plus de soutenir l’apprentissage du français de quelques étudiants, de délivrer ses connaissances en gestion aux étudiants de secondaire du collège.

L’arrivée de la pandémie bouleverse leurs missions

Dès mars 2020, l’ensemble des centres éducatifs du Pérou ont fermé leurs portes. Des crèches aux universités, élèves de primaire, collège et étudiants ont, dès lors, commencé un apprentissage virtuel. Apprentissage qui perdure aujourd’hui. « L’impact sanitaire et surtout économique de la Covid-19 a poussé nombre de parents a retiré leurs enfants du collège », nous explique Agnès alors que nous nous baladons dans la cours déserte du collège. « Malgré son coût réduit, ce collège privé a perdu de nombreux étudiants qui peuvent désormais apprendre seuls à la maison grâce au programme d’enseignement gouvernemental Aprendo En Casa (ndlr. J’apprends à la maison) même s’il ne fonctionne pas très bien et qu’il est difficile d’accès pour une population qui a peu accès à Internet ou à un ordinateur. », ajoute-elle.

Cours de récréation de l'espace maternel du Collège San Francisco de Asís de Huaycan - Lieu de mission de la famille Sebahizi

Agnès et Cédric sont passés, comme les étudiants et les professeurs locaux, à la modalité virtuelle. Cependant, de nombreux cours ont été suspendus, dont ceux de gestion, et Agnès s’est retrouvé avec seules quelques heures de cours par semaine.

Vivant dans l’enceinte du collège, ils ont vu leur lieu de vie et de travail, le collège, perdre subitement son effervescence mais malgré ce changement radical d’environnement et de missions, ils ont décidé de rester au Pérou.

Rester et se réinventer

Pour Agnès et Cédric, suspendre leurs missions était un non-sens dans leurs parcours d’engagement. Pour Cédric, « Ça a été une pandémie mondiale, c’était pareil ailleurs. Nous avons senti que notre place était ici (ndlr. au Pérou/à Huaycan). Pour nous notre mission était la même. Même si tout le monde a dû rester chez soi, nous, on est venu pour transmettre des connaissances mais surtout pour vivre avec ceux qui sont ici et on ne s’en va pas parce qu’il y a un problème, on n’a pas considéré qu’il y avait un danger majeur pour nous et pour nos enfants ». Pour Agnès, ils étaient engagés à finaliser leurs missions et « à moins que FIDESCO nous demande de rentrer, nous n’allions pas le faire ».

Avec le directeur du collège, Hugo Alarcón Altamirano

Rester au Pérou et continuer leurs missions supposait s’adapter à la virtualité mais surtout s’adapter à la vie quotidienne. Agnès nous explique résiliente : « Nous avons eu la chance d’arriver quelques mois avant le début de la pandémie et nous avons pu connaitre les élèves, les professeurs, la vie du collège avant la virtualité ». Pour eux, comme pour leurs enfants, étudiant de l’école, l’adaptation à l’enseignement virtuel et « le fait de se retrouver subitement seul dans le collège » n’a pas été facile mais les deux volontaires ont développé une autre mission en parallèle des cours virtuels.

Un projet écologique pour le collège

Le quartier de Huaycan est situé dans une zone particulièrement aride de la région-capitale et les espaces verts sont rares. Cédric a décidé de redonner un coup de jeune à la plantation d’arbres de la parcelle du collège qui égaye la montagne. En suivant l’exemple de la plantation du projet Manchay Verde, également géré par des volontaires FIDESCO, il a souhaité développer le système de goutte à goutte qui avait précédemment été pensé pour irriguer la parcelle.

Faute de financement, le projet s’est transformé en un projet plus ample de ferme écologique avec une visée éducative. En accord avec la direction et le soutien de plusieurs professeurs du collège, ils ont construit un poulailler et souhaitent mettre en place un processus d’autofinancement, comme nous l’explique Cédric : « les poules pondent des œufs que nous vendons pour financer le système de goutte à goutte ou l’achat d’eau nécessaire à l’arborisation du collège ».

« Ce projet d’arborisation qui existe depuis mon arrivée dans le collège a eu des hauts et des bas mais j’ai vu avec enthousiasme que les volontaires français l’ont pris à bras le corps en trouvant des sources d’autofinancement », explique le directeur. Il ajoute qu’il souhaite que ce projet ait une portée éducative sur l’écologie, l’enseignement de la photosynthèse ou la vie des végétaux et qu’il soit pour le quartier, les parents et les professeurs un vecteur de cohésion sociale et de rencontre.

Pour Agnès, ce projet est une manière de réinventer sa mission mais également de « sensibiliser les élèves à l’écologie en permettant aux professeurs d’avoir des exemples concrets pour l’enseignement ».

Une mission, somme toute, sous le signe du partage

Malgré les changements engendrés par la pandémie et les difficiles restrictions imposées par le gouvernement péruvien pour enrayer la contagion, Agnès, Cédric et leurs enfants ont néanmoins pu partager avec la population locale. Avant mars 2020, ils nous expliquent qu’ils se sont sentis bien accueillis par la direction, le personnel enseignant et les élèves.

Alors que nous parlions de l’interculturalité dans le bureau du directeur, Agnès nous raconte le sourire aux lèvres : “En décembre 2019, on a fait une grande fête avec tout le collège pour présenter les créations et le travail des étudiants de l’institut, c’était súper bonito (ndlr. Super sympa) ». Et le directeur ajoute « j’ai été surpris quand Agnès et Cédric ont préparé une danse locale pour la fête de l’école » et enchéri, en riant « Ils l’ont bien faite ».

« Je me rappelle que ma femme m’a dit d’inviter la famille Sebahizi pour Noël et nous avons passé un bon moment, chacun a préparé un plat de chez lui » nous explique le directeur en insistant, comblé, sur le fait qu’il sait que maintenant, Agnès et Cédric préparent des plats péruviens.

 

Si la pandémie a été compliquée à vivre pour ce couple venu de région parisienne, il semble que l’expérience interculturelle durant leurs missions ait été formatrice et profitable. « Certes, le rapport avec l’équipe éducative a été limité de manière présentielle mais en dehors du collège, dans le quartier, nous nous sommes faits de nombreux amis et nous avons pu comprendre ce que c’était de vivre à Huaycan », conclut Agnès.