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Avec La Cravate solidaire pour lutter contre les discriminations

© Jonnathan Tshibangu / Unsplash

Lutter contre les discriminations à l’embauche pour promouvoir l’égalité des chances : c’est l’objectif de La Cravate solidaire, une association basée à Bordeaux. Originaire de Sfax, en Tunisie, et membre de la section Hay-Habib des scouts tunisiens, Skander Hlel, 20 ans, a réalisé une mission de service civique de six mois à Bordeaux au sein de la structure.  

« L’habit ne fait pas le moine, mais y contribue » : tel est le slogan de La Cravate solidaire, ce réseau d’associations qui œuvre pour l’égalité des chances en luttant contre les discriminations à l’embauche, notamment celles liées à l’apparence physique. Pour cela, elle accompagne des personnes en (ré)insertion vers la réussite de leurs projets professionnels et collecte en entreprises et auprès de particuliers des tenues professionnelles pour homme et femme. Skander Hlel a été mobilisé auprès de la Cravate solidaire dans le cadre du programme Weccee de l’association Cool’eurs du Monde, qui offre à de jeunes volontaires venus de divers horizons l’opportunité de s’engager dans des actions de solidarité internationale à travers la mobilité. Il nous présente son témoignage.

Je souhaitais participer à un échange afin de pouvoir découvrir la culture française,

faire de nouvelles rencontres et renforcer mes capacités à communiquer en français. Je voulais également m’immerger dans la vie associative française, ayant déjà eu une brève expérience avec les Scouts de France auparavant. 

Au cours de ma mission, j’ai exercé des responsabilités assez variées. La Cravate Solidaire travaille en étroite collaboration avec France Travail, elle est régulièrement contactée pour organiser des ateliers de préparation aux entretiens d’embauche dans différentes villes. J’étais de sortie un jour par semaine pour participer au coaching en image, à l’organisation d’entretiens blancs et à la préparation des CV professionnels.  Les autres jours étaient consacrés à d’autres activités, comme la préparation d’un atelier ou du tri de vêtements pour les bénéficiaires.

Cela a constitué une superbe expérience. J’ai apprécié les échanges que nous avons pu avoir et la solidarité qui s’est instaurée entre nous. Chacun était curieux d’apprendre et de découvrir la culture et les traditions des autres. Aujourd’hui, j’ai l’impression de mieux comprendre certains pays, et je suis ravi d’avoir gardé des liens d’amitié avec des personnes dans plusieurs régions du monde. 

Ma mission a également été l’occasion de rejoindre la section des Scouts laïcs de Pessac, à côté de Bordeaux. J’ai suivi une formation avec eux, puis j’ai commencé à participer aux activités en tant que chef scout. J’ai animé divers jeux, des séances de danse, et pris part à plusieurs week-ends de camping, comme je le faisais en Tunisie.

Cette expérience de vie à Bordeaux a été exceptionnelle. Chaque jeudi, dans le foyer où j’étais hébergé, nous organisions une activité de cuisine collective où chacun préparait des plats de son pays d’origine (Maroc, Sénégal, France etc.). J’ai fait découvrir la cuisine tunisienne à mes colocataires en préparant un ojja merguez, un plat dont ils se souviennent encore, surtout à cause de la harissa !

Ma mission a également été l’occasion d’améliorer mon français. Je n’étais pas très à l’aise avec la langue, ce qui rendait mes échanges téléphoniques avec les candidats parfois difficiles. J’avais pour tâche de les orienter, mais j’ai rapidement été confronté à un manque de confiance de leur part, en raison de mon niveau de langue. J’en ai alors discuté avec mon tuteur, qui a fait preuve de compréhension et m’a proposé de nouvelles activités pour m’aider à surmonter ces difficultés. 

Le programme Weccee, qu'est-ce que c'est ?

Le programme Weccee est un programme de volontariat international en réciprocité, à destination des jeunes de 18 à 25 ans, mis en place depuis 2014 par Cool’eurs du Monde : les jeunes en binôme (un jeune français part à l’étranger et un jeune est accueilli en France) s’engagent à mener un micro-projet d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI) dans le champ des Objectifs de développement durable (ODD). Celui-ci vient en complément de leur mission de volontariat et vise à créer une dynamique autour des ODD dans les territoires concernés.

Bio express

Skander Ben Hlel est membre des Scouts depuis 2014, ce qui lui a permis de participer à des formations dans le cadre du programme Jeunes des 2 Rives, avec lequel il a pu partir au Maroc pour renforcer ses connaissances sur les Objectifs de développement durables (ODD). En mission de service civique entre janvier et juillet 2024, il est depuis octobre 2024 en mission de volontariat en France via le dispositif du Corps Européen de Solidarité. Il s’est envolé pour onze mois à Nantes avec l’association Parcours le Monde Grand-Ouest.
Skander Ben Hlel
Volontaire en service civique

« Encourager les femmes des villages reculés à se rendre à l’hôpital »

La clinique mobile se rend dans les villages reculés pour apporter des soins aux patientes. © DR

Au Togo, Constance Prouvost a trouvé une mission de chargée de projets au sein de l’hôpital de l’Ordre de Malte à Elavagnon, à environ 250 kilomètres au Nord de la capitale (Lomé). Envoyée par la Délégation Catholique pour la Coopération, elle participe à un programme de lutte contre la mortalité materno-infantile. À 24 ans, c’est pour elle une opportunité de consolider son CV via une expérience professionnalisante après des études dans le domaine de la solidarité internationale.  

Tu es en mission dans un hôpital au centre du Togo : peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste ?

Je suis assistante financière et administrative ainsi que chargée de projet pour l’hôpital de l’Ordre de Malte d’Elavagnon. À ce titre, mes missions sont très variées.

Il y a d’abord les missions administratives et financières, donc, qui me permettent de comprendre en profondeur la gestion d’une structure médicale et d’ainsi analyser les besoins des équipes. L’objectif étant que le patient soit toujours accueilli le mieux possible et que sa prise en charge soit la plus adaptée au contexte local.

En tant que chargé de projets, tu as aussi pour mission le suivi d’un programme de réduction de la mortalité materno-infantile : peux-tu nous en dire plus ?

Effectivement, l’hôpital gère un projet qui a pour objectif principal de réduire la mortalité materno-infantile pour les femmes et les enfants de l’Est-Mono (dans la région des plateaux, limitrophe du Bénin, NDLR). Mes missions dans le projet sont de coordonner les différentes équipes nécessaires, de concevoir avec elle de nouvelles activités, de mesurer l’impact des actions, et bien sûr de rendre compte au siège.

L’objectif est d’encourager les femmes et les enfants des villages reculés à se rendre à l’hôpital pour un meilleur suivi de grossesse et pédiatrique. Parmi les actions que l’on mène, je peux par exemple citer l’organisation et la gestion de la clinique mobile qui offre des consultations prénatales et pédiatriques dans les villages les plus reculés, ou encore la mise en place d’un service d’urgences materno-infantiles, afin de repérer au plus vite les cas urgents dans les villages grâce à des ambulances.

Plus globalement, mon rôle est donc d’assurer le suivi des équipes et de concevoir avec elles les nouvelles stratégies à mettre en place pour aider les communautés à accéder aux soins. L’hôpital inaugurera un pôle mère-enfant en 2025 avec un nouveau bloc opératoire et une unité de néonatalogie. Ce pôle permettra une prise en charge efficace et qualitative pour les mères et les enfants.

"N’appartenant à aucune ethnie ou n'ayant pas d'attaches particulières, il m'est plus facile de prendre des décisions justes qui favorisent l'équité entre les personnes"

Ce sont de forts enjeux en termes de santé publique : quelles difficultés as-tu rencontrées dans le cadre de tes missions ?

Nous sommes confrontés à de nombreux défis : le manque de moyens, les difficultés pour l’ambulance et la clinique mobile de se rendre dans les villages les plus reculés, les grands prématurés à prendre en charge ou l’augmentation de la pauvreté dû aux changements climatiques. Nos équipes se battent tous les jours pour rendre l’accès aux soins plus facile pour les communautés. Dans ce contexte, voir les femmes enceintes des villages se rendre à l’hôpital après les sensibilisations que nous réalisons est une belle réussite de la part du personnel !

D’un point de vue plus personnel, étant de nature extravertie, ma plus grande difficulté en début de mission a été l’isolement qu’impose la vie en brousse, et la nuit qui tombe très tôt. Mais les moments d’isolement ont quand même du bon : ils m’ont permis de développer des projets que je n’aurais pas eu le temps de réaliser en France. Aujourd’hui, une deuxième volontaire en VSI m’a rejointe, donc l’isolement est moins difficile à vivre.

Le fait de ne pas avoir de formation médicale a-t-il été un handicap pour toi ?

Effectivement, tout dans cette mission est nouveau pour moi ! Mais les équipes sur place m’ont tout appris sur le contexte de l’accès aux soins pour les populations et le système de santé du pays. Au-delà, cette mission m’apprend également à faire face aux imprévus, à des situations d’urgence, à vivre dans une autre temporalité que celle que nous connaissons en France, à se laisser bousculer par des évènements que je n’avais pas choisis. Mais à l’inverse, le fait d’être d’une culture différente apporte en contrepartie une certaine neutralité dans les décisions qu’on doit prendre. N’appartenant à aucune ethnie ou n’ayant pas d’attaches particulières, il m’est plus facile de prendre des décisions justes qui favorisent l’équité entre les personnes.

© DR

As-tu as une anecdote particulière à nous raconter ?

Oui, je peux parler de l’accueil que m’a réservé la chorale du village par exemple. Partager les moments de répétitions de chants et de danses avec les villageois est à la fois une source de gêne mais aussi de rires ! Car évidemment je ne comprends rien à ce que je chante et je n’ai pas de partition, donc je vous laisse imaginer les sons mélodieux qui sortent de ma bouche !

Quels sont tes projets pour la suite ?

Edifiée par la résilience des femmes rencontrées à la maternité et dans le personnel de l’hôpital, je monte un projet pour mon retour en France qui consistera à la création d’un podcast autour de douze figures féminines, philosophes et autres, qui nous parlent encore aujourd’hui. Après ce projet, je compte candidater à des offres de chargée de projets dans le secteur de l’action sociale en France ou dans le secteur humanitaire dans une ONG. Mon VSI me permet d’acquérir des bases solides et d’être polyvalente sur de nombreux prochains postes.

La pesée des enfants dans le cadre du programme de prévention de la malnutrition et de vaccination / © DR

Bio express

Passionnée par le continent africain et son histoire depuis une mission de volontariat en Zambie réalisée en famille entre l’âge de 8 et 10 ans avec Fidesco, elle a orienté ses études vers un master en management de la solidarité internationale et de l'action sociale à l’Ircom -Ecole supérieure des Humanités et du Management dAngers. Elle a également effectué une année de césure en philosophie et théologie en Suisse. Son parcours et ses stages professionnels oscillent entre la France et l'Afrique (association Le Rocher, ONG ANGE, ferme agroécologique au Rwanda).
Constance Prouvost
Volontaire de solidarité internationale

La structure d'envoi

Fondée en 1967, la Délégation Catholique pour la Coopération (DCC) est le service du volontariat international de l’Église en France. Elle envoie des volontaires de solidarité sur des missions de trois mois à deux ans. Les volontaires agissent dans tous les domaines de développement et dans tous les types de métiers. La DCC ne porte pas de projets elle-même : elle répond aux demandes de ses partenaires du Sud qui mettent en place des projets de développement. La DCC est une association de loi 1901 agréée par l’État pour l’envoi de volontaires de solidarité internationale et l’accueil de volontaires en service civique. Elle est membre de la plateforme France Volontaires.

Un fan de photographie en Congé solidaire auprès des jeunes béninois

Les apprentis photographes de Raymond Lahoul, en reportage sur le terrain lors de sa dernière mission en Congé solidaire au Bénin. © Raymond Lahoul

Technicien chez France Télévisions, Raymond Lahoul a participé cette année à sa troisième mission dans le cadre d’un congé solidaire. Ce dispositif, mis en place par l’ONG Planète Urgence, permet à des salariés de donner de leur temps de vacances pour réaliser des actions de solidarité internationale. Au Bénin, Raymond était chargé de former les jeunes d’une association de protection de l’environnement à la pratique de la photographie.

Du temps en moins passé à la plage, à la campagne ou en virée au ski pendant l’hiver… chaque année, ils sont entre huit et dix salariés de France Télévisions à « renoncer » à une quinzaine de jours de vacances pour les remplacer par une mission de solidarité internationale à l’étranger. Depuis une dizaine d’années désormais, l’entreprise publique d’audiovisuel a en effet mis en place un partenariat avec Planète Urgence : l’ONG d’aide au développement, membre de la plateforme France Volontaires, a créé ce dispositif du Congé solidaire au début des années 2000.

Une idée originale qui permet à l’employé d’une entreprise de partir en Asie, en Amérique latine ou en Afrique pour partager et transmettre ses connaissances en appui à des actions de préservation de l’environnement. En échange de ce temps, l’employeur s’engage à financer la mission en contribuant à l’achat du billet d’avion, aux frais de transports ou de logement sur place, etc. Ils sont aujourd’hui plus de 11.000 à avoir ainsi été envoyés sur le terrain par Planète Urgence.

Des entreprises qui défendent des valeurs de solidarité

« On est partis du constat que nos collaborateurs souhaitaient s’engager dans des actions qui ont du sens » explique Yannick Monsnereau, responsable de la gestion du dispositif pour le groupe audiovisuel. « France Télévisions est une entreprise de service public, nous portons des valeurs fortes de solidarité, et il n’est pas étonnant que nos salariés désirent eux aussi partager ces valeurs au-delà de leurs activités professionnelles », complète-t-elle.

Raymond Lahoul fait justement partie de ces salariés qui ont tenté l’aventure. La première fois, pour lui, c’était il y a cinq ans déjà, en 2019. « Je travaille aux Antilles pour la chaîne Martinique Première, qui appartient au groupe France Télévisions » se remémore-t-il. « J’ai entendu parler de ce partenariat entre mon employeur et Planète Urgence et de la possibilité pour les salariés de bénéficier de ce Congé solidaire. Cela a tout de suite suscité une grande curiosité de ma part. »

« J’ai été envoyé dans une association locale qui travaillait avec Planète Urgence autour de la protection des forêts. L’objectif était de réaliser des reportages photo dans le cadre de leurs activités »

Raymond Lahoul, volontaire en mission de Congé solidaire au Bénin

Il part alors quinze jours à Yaoundé, au Cameroun, dans une association qui initie les jeunes à la photographie pendant leurs vacances scolaires. Technicien de métier, c’est aussi un grand fan de photographie, qu’il pratique assidument de manière amateure. Il a ainsi suivi diverses formations autour de la photo de mode ou du photoreportage, acquérant des savoirs qu’il entend désormais partager avec d’autres passionnés comme lui. Cette première est pour lui une révélation. Désireux de réitérer l’expérience l’année suivante, il entame un deuxième Congé solidaire dans une ferme de permaculture, en métropole cette fois. Mais la pandémie de covid-19 interrompt son aventure. Il repart finalement dans le courant de l’année 2024, au Bénin cette fois, pour une troisième mission.

« J’ai été envoyé dans une association locale qui travaillait avec Planète Urgence autour de la protection des forêts. L’objectif était de réaliser des reportages photo dans le cadre de leurs activités, afin qu’ils puissent justifier auprès de leurs partenaires du travail qu’ils réalisaient sur le terrain ». Pendant quinze jours, il conseille une équipe composée de six jeunes Béninois et d’un Français en Service civique. Les matins sont réservés à des enseignements théoriques tandis que les après-midis permettent de mettre en pratique les astuces de Raymond.

Un salarié désormais ambassadeur du Congé solidaire

Après trois expériences, ce dernier semble conquis par le dispositif, même s’il reconnaît lui-même que « l’adaptation n’est pas toujours évidente. Il faut savoir être flexible pour prendre en compte des modes de fonctionnement professionnel qui ne sont pas les mêmes que chez nous », plaide-t-il. Du côté de son employeur, on est également ravis d’avoir mis en place ce Congé solidaire qui sort parfois les salariés de leur quotidien. « Certains mettent en œuvre des compétences liées à leur expertise, mais d’autres vont un peu hors des sentiers battus. Nous avons par exemple des journalistes ou des communicants qui vont participer à des séances d’alphabétisation. Ils ne sont pas professeurs de français, mais la maîtrise des mots fait partie de leur bagage professionnel », explique Yannick Monsnereau.

Raymond, lui, fait désormais partie du groupe des ambassadeurs du Congé solidaire au sein du groupe France Télévisions. Histoire de faire la promotion auprès de ses collègues d’un dispositif qui, à défaut d’avoir changé sa vie, a donné du sens à ses vacances.

 © DR

Planète Urgence et le Congé solidaire

Association du groupe SOS, Planète Urgence est une ONG de solidarité internationale et d’aide au développement créée en 2000 et reconnue d’utilité publique. À travers ses dispositifs de volontariat et de renforcement de compétences, ses actions de sensibilisation et ses projets de préservation des forêts, elle entend permettre à chacune et chacun d’être davantage acteur de son développement et de celui de sa communauté. Planète Urgence agit en direct via ses équipes de terrain dans les trois grands bassins forestiers tropicaux mondiaux – l’Amazonie, le bassin du Congo, le bassin du Bornéo Mékong – là où la déforestation est la plus vive, la biodiversité la plus exceptionnelle et les vulnérabilités humaines les plus fortes. Elle s’appuie également sur la mobilisation et l’engagement des citoyens, et notamment des salariés via le Congé solidaire, un dispositif qu’elle a elle-même imaginé.

Raymond Lahoul (à droite en t-shirt rouge) en photoreportage sur le terrain. © DR 

« J’aime plaisanter autour des mots »

© Sébastien Grimaud / Etymocurieux

Sébastien Grimaud, plus connu comme l’Etymocurieux sur Instagram, est un amoureux des mots. Ancien professeur de français, il propose aujourd’hui des contenus originaux à plus de 230.000 abonnés sur l’étymologie de la langue française, avec distance et humour. Présent sur le stand de France Volontaires à la Gaîté lyrique à l’occasion du festival de la francophonie début octobre, il nous a expliqué les dessous de son aventure

« Solide et solidaire ont la même étymologie »… Dans l’une de ses dernières vidéos publiées fin septembre, Sébastien Grimaud nous expliquait les origines d’un terme qui est cher à tous les volontaires internationaux d’échange et de solidarité (V.I.E.S). Depuis près d’un an maintenant, il décortique les mots et expressions de la langue française pour nous en livrer la substantifique moelle.

Le 2 octobre dernier, il était présent au Festival de la francophonie, qui s’est tenu pendant quatre jours au CENTQUATRE-Paris et à la Gaîté lyrique, dans la capitale. Sur le stand de France Volontaires, il a rencontré ceux qui sont impliqués dans la défense de la langue française aux quatre coins du monde*. Et nous a expliqué son travail comme sa vision de la francophonie.

Le concept de ton compte Instagram, c’est d’expliquer l’étymologie d’un mot à tes abonnés : comment procèdes-tu pour les choisir ?

Je n’ai pas une approche académique de la langue. L’idée n’est pas de faire un cours de grammaire ou de latin, je prends des mots du quotidien, et j’aime voir la façon dont ils ont voyagé, dont ils peuvent révéler leurs « secrets » ou un sens caché. Parfois je me pose et je laisse venir l’inspiration, mais la lecture aide beaucoup aussi, évidemment. Au détour d’un texte, je peux m’apercevoir qu’il y a un mot intéressant à traiter, soit parce qu’il est rare, soit parce qu’il est rigolo. Et de plus en plus, avec le succès du compte, je reçois des suggestions de mes abonnés.

Tu as été professeur de français : est-ce qu’il y a un lien entre cette activité et la façon dont tu travailles sur Insta ?

Alors ça n’a rien à voir ! (rires) Enfin si, il y a de la transmission, mais c’est différent dans la forme : un cours dure une heure, une vidéo dure une minute. Disons que j’ai toujours eu l’envie de transmettre ce qu’on m’avait appris. Je n’ai pas la science infuse, au contraire. J’apprends moi-même tous les jours et c’est ce que j’adore dans la création de contenus. Il faut se renouveler en permanence, chercher de nouvelles idées. Enseigner pendant des années m’a appris la pédagogie évidemment, le fait d’y aller pas à pas, cela m’a aussi appris à utiliser l’humour de temps en temps, car si on se contente de lire un dictionnaire, ce ne sera pas très intéressant. J’aime plaisanter autour des mots.

"Cela m’arrive régulièrement que des profs m’écrivent pour me dire qu’ils ont utilisé mes vidéos dans leurs cours"

Ce que tu fais en création de contenus est-il utilisable dans le cadre d’un cours de français ?

Oui, cela m’arrive d’ailleurs régulièrement que des profs m’écrivent pour me dire qu’ils aimaient bien ce que je faisais, qu’ils ont utilisé mes vidéos dans des cours comme une ressource pédagogique. Aussi bien en commentaires sous mes publications qu’en messages privés, ils me disent qu’utiliser ces petites « pastilles » est une manière différente d’animer leurs cours.

Y a-t-il une forme de satisfaction au fait que tes contenus soient réutilisés de la sorte ?

En fait je suis honoré de ça ! Je crée mes contenus avec beaucoup de soin, je travaille énormément, cela représente des heures de recherche, d’écriture de script… Alors quand je vois que ça trouve un écho et que des profs s’en saisissent comme une ressource utile et fiable, j’en suis évidemment très content !

Le succès du compte te donne-t-il envie de participer à d’autres événements comme ce festival de la francophonie ?

Oui, cela me donne clairement envie de croiser les gens qui suivent mon compte, et plus globalement tous ceux pour qui la francophonie est une réalité. On est 300 millions sur la planète à parler français, je trouve ça dingue. Parmi mes abonnés il y a beaucoup de Québécois, des Africains aussi (Sénégalais, Ivoiriens…), des Belges ou des Suisses. Ici, je suis content de pouvoir rencontrer vos volontaires qui sont originaires de tous ces pays : c’est du français un peu différent et c’est intéressant d’évoquer la résonance différente qu’un mot peut avoir dans différents endroits du monde. Certaines zones francophones ont même leurs propres mots, comme au Liban ou en Louisiane. En fait, le sujet est infini !

Volontariat et francophonie en chiffres

De nombreux volontaires sont mobilisés par France Volontaires et ses membres autour de la thématique de la francophonie, dans le monde comme sur le territoire français dans le cadre de la réciprocité des échanges. A titre d’exemple, en 2022, 24% des missions en Service civique international ont été réalisées dans le cadre de la francophonie. Ces volontaires sont particulièrement présents dans les Alliances françaises (31% des missions), les lycées français (28%), les instituts français (7%), ainsi que dans des associations proposant l’enseignement du français. Du point de vue géographique, 59% se sont déroulées en Europe et 41% sur le reste de la planète.

Bio express

Sébastien Grimaud a 31 ans. D’origine réunionnaise, il a fait des études de lettres classiques (latin et grec) avant d’enseigner le français au sein de l’Éducation nationale. Fin 2023, il a créé le compte Etymocurieux sur Instagram pour partir à la rencontre de la racine des mots, avec érudition et humour. Sa première vidéo expliquait ainsi « pourquoi le mot « nycthémère » n’est pas une insulte ». En quelques mois, son compte a rassemblé une large communauté de passionnés de la langue française.
Sébastien Grimaud
Auteur du compte Instagram Etymocurieux

5 questions au cofondateur de Life Project 4 Youth (LP4Y)

 © LP4Y

 

La journée mondiale pour l’élimination de la pauvreté, célébrée chaque année le 17 octobre, est l’occasion de rappeler que 30% des 1,2 milliard de jeunes vivent dans des conditions insalubres et survivent grâce une économie informelle en combattant par tous moyens à leur disposition la misère et le sous-emploi. Cette journée est l’occasion de donner la parole à John Delaporte, cofondateur de l’ONG Life Project 4 Youth (LP4Y), nouvellement membre de la plateforme France Volontaires. Véritable soutien à des milliers de jeunes, LP4Y contribue concrètement à la construction d’un monde meilleur

Quelles sont les principales missions de LP4Y ?

Life Project 4 Youth est un mouvement global d’organisations nationales entièrement dédié à l’inclusion des jeunes en situation de grande pauvreté et victimes d’exclusion.  C’est une organisation de jeunes, pour les jeunes, par les jeunes. Nous portons la voix de ces derniers depuis quinze ans dans quatorze pays et jusqu’aux Nations Unies à New-York. 

Chaque année, LP4Y accompagne directement à l’emploi et à la vie décente près de 2000 jeunes (dont 85% de femmes) grâce à ses 26 centres de formation et de développement d’actions communautaires situés dans des villages et des bidonvilles.

John Delaporte (troisième en partant de la droite) et les autorités du Slum Clearance Board de Kannagi Nagar à Chennai. © LP4Y

Pourquoi avoir décidé de rejoindre la plateforme France Volontaires ?

L’action volontaire, l’engagement, la participation sont des valeurs au centre de notre projet. Depuis quinze ans, plus de 700 volontaires se sont engagés à nos côtés, ont été formés, accompagnés en mission et au retour. Plus de la moitié d’entre eux ont réorienté leur projet de vie au cours de leur mission et se sont engagés depuis auprès des jeunes. France Volontaires et LP4Y sont des organisations jumelles, toutes deux créées en 2009. Nous coopérons étroitement dans plusieurs pays d’Asie du Sud et du Sud-Est ou du Moyen-Orient. France Volontaires est un partenaire au quotidien. Rejoindre la plateforme est un pas de plus dans notre participation au développement de l’esprit de mission auquel nous croyons tant.

Parmi vos principales actions, on retrouve le plaidoyer pour défendre la cause des jeunes en situation de précarité, l’accompagnement des jeunes les plus exclus vers l’intégration sociale et professionnelle mais également le soutien à des initiatives innovantes en faveur de l’inclusion des jeunes. Quelle place le volontariat international prend-il dans ces actions et dans votre développement stratégique ?

Le volontariat international d’échange et de solidarité est l’un des principaux constituants de notre stratégie qui s’articule autour de trois piliers :

– Le pilier « Accompany » : c’est l’accompagnement des jeunes les plus exclus d’Asie et du Moyen-Orient vers l’intégration professionnelle et sociale.

– Le pilier « Campaign », c’est du plaidoyer : faire campagne avec des jeunes adultes issus de l’extrême pauvreté pour proposer des solutions concrètes et de terrain aux problèmes d’exclusion. Ces valeurs ont été reprises dans le premier long métrage “I’m the future” produit par LP4Y, qui sera en salle en 2025.

– Enfin le pilier « Engage » : engager des partenaires pour augmenter le nombre d’initiatives qui soutiennent l’inclusion des jeunes et en multiplier l’impact. LP4Y est notamment le fondateur et l’animateur du Youth 4 Change Network, un réseau de plus de cent organisations de la société civile (OSC) engagées dans la lutte pour l’inclusion des jeunes dans quarante pays, mais aussi du Youth Inclusion Network, réseau de plus de cinquante entreprises internationales et nationales engagées pour l’inclusion de tous les Jeunes dans sept pays différents. Le mouvement LP4Y a développé une entité de conseil en accompagnement de structures d’inclusion de jeunes et conduit ainsi des projets à Madagascar et aux Philippines.

"Le volontariat est la clé pour le développement d'actions désintéressées au profit des populations les plus démunies"

John Delaporte, cofondateur de LP4Y

LP4Y est présent dans quatorze pays grâce à une fédération de dix-sept organisations. Comment se répartissent vos actions à l’international ?

Une première zone d’action a été créée à partir de 2009 en Asie du Sud-Est, puis une deuxième en 2014 en Asie du Sud et depuis 2019, une troisième zone a été créée au Moyen-Orient. Présents dans quatorze pays, nous sommes de plus en plus confrontés à des crises climatiques (aux Philippines, en Indonésie, au Bangladesh, au Népal ou en Inde), à des crises politiques (au Liban et au Myanmar), à des crises migratoires … Une étude montre que dans cinq ans, 80% des pays destinataires de l’aide au développement se situeront dans des zones de crise. Le mouvement LP4Y continuera au cours des prochaines années à intégrer des organisations désireuses de s’allier pour se donner les moyens de répondre aux énormes besoins de certaines communautés.

Comment les volontaires contribuent-ils concrètement aux missions de LP4Y ? Sont-ils mobilisés sur l’ensemble de vos programmes ? Avez-vous des ambitions de développement des missions de volontariat dans un domaine en particulier ?

Le volontariat est la clé pour le développement d’actions désintéressées au profit des populations les plus démunies. La coopération entre les pays passe par le transfert de compétences, l’alliance de moyens et de savoir-faire, le financement de projets innovants, de projets à impact fort. On trouve des personnes à forte compétence, engagés volontaires en mission, qui sont une chance pour les organisations engagées pour la coopération internationale. Les dispositifs français d’accompagnement des organisations de solidarité internationale sont autant d’opportunités de renforcer nos actions. 

Par ailleurs, constatant depuis quinze ans l’accroissement de crises climatiques qui affectent les communautés et la nécessité de coalitions, de coopération et de coordination entre toutes les parties prenantes potentielles, et constatant l’incroyable force d’engagement des jeunes, nous avons le projet de mettre en œuvre une action d’envergure : « 500 Jeunes, volontaires pour le climat », qui alliera toutes les formes de volontariat, dont celui de VSI de réciprocité. Le combat ne fait que commencer.

Life Project 4 Youth en bref

Life Project 4 Youth Alliance est une fédération de dix-sept organisations dans quatorze pays dont la mission est le développement de solutions innovantes pour l'inclusion professionnelle et sociale des jeunes (15-24 ans) issus de l'extrême pauvreté et victimes d'exclusion. LP4Y soutient et défend l'inclusion décente de milliers de jeunes et de leurs familles dans 57 programmes, 19 centres de formation et de développement, six académies Little Angel, six villages verts, deux LP4Y Labs en Asie du Sud-Est, en Asie du Sud, au Moyen-Orient, en Europe et en Amérique. LP4Y est un membre fondateur du réseau Youth 4 Change www.y4cn.org et du réseau Youth Inclusion www.yinglobal.org . Il jouit d'un statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations unies.

La jeunesse d’Haïti en mission de volontariat culturel en France

La Friche culturelle de la Belle de Mai, à Marseille, accueille l’une des volontaires haïtiennes du programme Tanbou © C. Dutrey/La Belle de Mai

Les neuf volontaires du programme Tanbou se sont tous retrouvés dans les locaux de l’Institut français le mercredi 9 octobre 2024. Parmi eux, la première cohorte de jeunes haïtiens arrivés en France pour une mission de volontariat international d’échange et de solidarité (V.I.E.S) depuis le mois de juin, et les derniers arrivés fin septembre. Les riches échanges ont permis aux uns de revenir sur leur expérience de mission et aux autres de partager leur motivation et leurs espoirs à l’aube de la leur. L’occasion de souligner l’importance du travail en « Équipe France » pour mener des actions ambitieuses, dans une dynamique de coopération fondamentale pour France Volontaires.

Ils s’appellent Ketnylie, Marvens, Chrismaëlle, Hasner, Mischma, Aristi, Soraya, Emmanuella et Heberson. Tous sont volontaires internationaux dans le cadre du projet Tanbou porté par l’Institut français en partenariat avec France Volontaires et sur financement de l’Agence française de développement (AFD).

Tous partagent la conviction que leur engagement sera utile pour créer des passerelles entre tous les acteurs des industries culturelles et créatives (ICC) indispensables pour préserver le patrimoine culturel haïtien et international. Tous sont en France pour plusieurs mois, en mission de Service civique ou de Volontariat de solidarité internationale (VSI), pour vivre une expérience professionnalisante et formatrice qu’il entendent bien réinvestir dès le retour dans leur pays. Chrismaëlle Thermidor, arrivée en mai dernier à la Friche de la Belle de Mai à Marseille, le confirme : « Cette immersion dans l’écosystème des ICC en France m’a permis de découvrir des approches innovantes de production que je pourrai réutiliser en Haïti ».

Volontariat culturel : une expérience riche et fédératrice

Dans un pays en proie au désordre et à la violence, la culture apparaît pour chacun des volontaires du programme comme un vecteur de reconstruction du lien social, d’inclusion et de protection du patrimoine haïtien. Pour Chrismaëlle, aucun doute sur l’importance de cette mission de service civique international, car « plus on aura de personnes engagées, plus on pourra préserver le patrimoine culturel ».

Et c’est bien l’un des enjeux du vaste projet Tanbou, avec la création d’une Fabrique des arts à Port-au-Prince et l’accompagnement dans la professionnalisation des artistes et opérateurs culturels. Hasner Gelin, également volontaire de la première cohorte en mission de service civique au Festival des Francophonies à Limoges, ne perd pas de vue l’objectif final car « comme tous les volontaires haïtiens, [il est] ici pour le renforcement et l’avancement du secteur culturel haïtien ».

« Cette immersion dans l’écosystème des ICC en France m’a permis de découvrir des approches innovantes de production que je pourrai réutiliser en Haïti »

Chrismaëlle Thermidor, volontaire haïtienne à la Friche de la Belle de Mai

La plupart d’entre eux pratiquent déjà une ou plusieurs activités culturelles et artistiques. Tous ont la conviction que la culture contribue à l’amélioration des relations au sein de la société. C’est ce que rappelle Emmanuella Michel, volontaire récemment déployée en mission de service civique dans la salle de spectacle du Rocher de Palmer, à Bordeaux. « Les ICC représentent un immense potentiel pour transformer notre société, et chaque voix, chaque création compte. Il ne faut pas hésiter à sortir de sa zone de confort, à voyager, à explorer d’autres modèles pour mieux enrichir son propre parcours artistique ». Et c’est précisément ce qu’apporte une mission de V.I.E.S grâce à la découverte d’une autre culture, d’autres pratiques artistiques et de nouveaux modes de vie !

En mode « Équipe France » pour construire des projets communs et mener des actions ambitieuses

En introduction de ce temps d’échanges, Sophie Renaud, directrice des coopérations et dialogues des sociétés à l’Institut français, s’est félicitée de la mise en œuvre du programme Tanbou avec France Volontaire et l’AFD sur trois grands axes que sont l’accompagnement de la construction de la Fabrique des arts en Haïti, l’accompagnement à la préservation du patrimoine et la professionnalisation des acteurs. Ce dernier volet du programme Tanbou est rendu possible par l’intermédiaire du V.I.E.S, qui apparait plus que jamais comme un outil puissant pour le développement des activités de la culture et de l’art, mais également de la reconstruction du lien social, l’apprentissage du travail en commun, le renforcement de la société civile, l’inclusion des jeunes et la promotion de l’égalité femmes-hommes. L’occasion pour Sophie Renaud de souligner « l’efficacité de la coopération entre les opérateurs français autour de projets communs ».

A l’Institut français le mercredi 9 octobres 2024. © France Volontaires 

Pour France Volontaires, le programme Tanbou est aussi « l’occasion de retravailler avec Haïti, l’un des premiers pays de déploiement du volontariat » comme l’a rappelé Thomas Cossé, directeur du réseau et des programmes. « Si la brutalité de l’arrêt des missions nous a affectés, notre partenariat avec l’Institut français et l’AFD sur le programme Tanbou nous redonne beaucoup d’espoir ! Notre ambition est encore plus forte pour développer la coopération entre nos pays ». Des ambitions de coopération manifestement partagées par tous les opérateurs mobilisés sur ce projet, comme l’AFD, qui confirme par l’intermédiaire de Gaëlle Mareuge, chargée de mission ICC, que « c’est ce travail en commun qui permet d’avoir un beau projet et des résultats à l’arrivée ». Ainsi, elle encourage chaque volontaire à « profiter de ce temps de volontariat pour acquérir des compétences, vivre de nouvelles expériences et pouvoir enrichir Haïti ensuite ».

Le projet Tanbou

Alors qu'Haïti se trouve dans une situation économique particulièrement fragile, le projet Tanbou entend contribuer à la création de revenus dans le secteur des industries culturelles et créatives de l'île, et permettre en outre de restaurer du lien social. Dans cette optique, un nouvel espace culturel, la Fabrique des arts, va être édifié à Port-au-Prince, la capitale du pays afin de favoriser la création dans des domaines culturels pluridisciplinaires et de mettre en valeur le patrimoine local.

La deuxième cohorte de volontaires arrivée fin septembre. © France Volontaires 

Arsène et Stéphane dans la lumière des Jeux olympiques

Arsène et Stéphane au mois de juillet à Paris. © France Volontaires

Pendant tout l’été olympique, Arsène et Stéphane se sont investis pour faire de l’événement une réussite en s’engageant comme volontaires. Le premier, jeune sportif béninois sur la base de loisirs d’Etampes, était parrainé par le second, salarié d’EDF : l’entreprise, partenaire des Jeux olympiques, s’était en effet associée à France Volontaires dans le cadre du programme « Terre de Jeux Paris 2024 ». On a fait le bilan de l’opération avec eux lors d’un entretien croisé.

L’un vient du Bénin quand l’autre est originaire de banlieue parisienne, et quelques années les séparent… Rien ne prédisposait donc à ce qu’ils se croisent un jour. Mais, magie des Jeux Olympiques, Stéphane et Arsène ont passé l’été main dans la main à participer à ce grand événement mondial, réunis par le sport, leur désir d’engagement et la belle initiative d’EDF.

Au-delà de son implication dans l’organisation des Jeux (pensons à la magnifique vasque qui a ébloui le monde entier), l’entreprise a en effet décidé d’accompagner dix jeunes volontaires venus du monde entier, en leur offrant le soutien d’un parrain ou d’une marraine, salarié du groupe, afin de vivre au mieux leur mission en France. Stéphane Nouyoux et Arsène Azizaho faisaient partie de ces binômes de choc qui ont permis de faire de ces Jeux une magnifique réussite sportive et solidaire

Stéphane, pourquoi s'être porté candidat au parrainage d’un des volontaires du programme Terre de Jeux de France Volontaires ?

Je suis un enfant du Val-Fourré, un quartier qu’on qualifie parfois de difficile à Mantes-la-Jolie. Je sais que tout le monde ne part pas avec les mêmes chances dans la vie. Moi j’en ai eu un peu, je m’en suis bien sorti, mais ça n’a pas été le cas de tous mes camarades de classe de l’époque. Alors aujourd’hui, je m’investis auprès des jeunes. Par exemple je fais de l’aide au devoir avec un collégien depuis qu’il est en sixième (il est aujourd’hui en quatrième). Donner un coup de main, pour moi c’est naturel !

Quand EDF, mon employeur, a décidé de s’associer au programme de France Volontaires, on nous a soumis une liste de jeunes en provenance d’une dizaine de pays partenaires, je me suis porté candidat pour en parrainer un qui pouvait être francophone ou anglophone. Finalement, j’ai composé ce beau duo avec Arsène, qui est originaire du Bénin.

Arsène, volontaire du programme Terre de Jeux Paris 2024, était en mission dans la base de loisirs d’Etampes avec l’UCPA. Il était parrainé par Stéphane, salarié d’EDF. © France Volontaires

Arsène, comment s’est passée la rencontre avec Stéphane ?

Stéphane a été super accueillant. Je suis arrivé dans le courant du mois de mai 2024, on s’est rencontrés pour la première fois lors d’un événement organisé par EDF à l’Insep (l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance). Par la suite, début juillet, avant le début des Jeux olympiques, il m’a proposé d’aller faire une balade à vélo pour découvrir Paris. J’ai dû apprendre avant, car je n’étais encore jamais monté sur un vélo jusque-là ! Au final, des dix binômes qui ont été mis en place dans le cadre de ce programme, je pense que nous sommes l’un des plus actifs.

Stéphane, concrètement, comment s’est déroulé ce parrainage au quotidien ?

Dans notre mode de fonctionnement au quotidien, on s’est envoyé pas mal de sms et on a aussi beaucoup discuté de ce qu’on faisait chacun de notre côté, moi en France et lui au Bénin.

On a essayé d’avoir un maximum d’échanges même s’il était très pris pour sa mission sur la base de loisirs d’Etampes, avant et pendant les Jeux olympiques, sachant que j’étais moi-même bénévole lors de l’événement.

Arsène, quel souvenir garderas-tu de ton volontariat en France ?

Dès mon arrivée, l’équipe de l’UCPA qui m’a accueillie pour ma mission à Étampes s’est occupée de moi, elle m’a formé pour être efficace dans la « zone de célébration » (les sites gratuits ouverts au public pendant les Jeux). Je garde en particulier un super souvenir du passage de la flamme olympique sur place. J’ajouterai que la mission que j’avais pendant les Jeux paralympiques en tant qu’équipier transport m’a également permis de rencontrer des athlètes, faire des selfies avec eux et même toucher des médailles. À tous points de vue, cette mission restera une expérience inoubliable.

Bio express

Arsène Azizaho est un jeune béninois de 25 ans qui pratique le volley-ball. Après des études de sciences naturelles, il s’est finalement réorienté vers un parcours universitaire dans le journalisme et la communication. Il souhaite orienter sa carrière professionnelle vers la communication digitale et les réseaux sociaux.

Volontourisme: « En total décalage entre nos intentions et la réalité »

 © Sarah Cayre / France Volontaires

Le volontourisme, forme de tourisme mêlant voyage et engagement solidaire, séduit ceux en quête de sens et désireux d’aider. Derrière des intentions souvent louables, se cache un modèle marchand : des séjours payants proposés par des organisations qui tirent profit de l’engagement volontaire, parfois au détriment des communautés locales.
Pour Emma, l’envie de faire du volontariat en Afrique est venue en partie grâce aux réseaux sociaux. Mais dès son premier voyage au Togo à 19 ans, elle a vite déchanté :  ni formée ni encadrée par l’organisme avec lequel elle était partie, elle a très mal vécu une mission à l’intérêt douteux pour les populations locales. Elle témoigne de cette mauvaise expérience de “volontourisme”.

Juste avant le départ

” Me sentant perdue et en quête de sens, j’ai décidé, comme beaucoup d’autres, de me lancer dans un « voyage humanitaire ». Ma sœur, qui a pris en charge toute l’organisation, m’a accompagnée dans cette aventure. Pour vous dire à quel point je n’étais pas impliquée, je ne savais même pas où se trouvait le Togo en Afrique.

Centrée sur mes propres soucis, je me suis laissée porter sans vraiment réfléchir. J’ai commis toutes les erreurs possibles : je n’ai pas pris le temps d’étudier le pays ni sa culture, j’ai choisi de travailler avec des enfants sans avoir ni les compétences ni la formation nécessaires, et j’étais émotionnellement indisponible pour affronter ce qui m’attendait.”

Volontourisme : ce que j'ai vécu pendant la mission

“Pendant cette expérience, je me suis vite rendu compte que je n’étais pas prête. J’avais constamment l’impression d’être une imposteuse, une sensation qui ne me quittait pas. Je pleurais chaque jour en découvrant les histoires de certaines personnes, surtout des enfants. Je n’avais ni la patience, ni la maturité, ni la présence d’esprit nécessaires pour m’occuper d’enfants. À 19 ans, sans compétences ni diplôme dans le secteur, j’étais complètement dépassée par la situation. Ma sensibilité était à fleur de peau, et personne ne m’avait préparée à cela.

Je n’avais reçu aucune formation ni consignes avant d’arriver.  Physiquement, je n’étais pas non plus à la hauteur. Porter des briques de 25 kg pour construire une bibliothèque sous une chaleur écrasante de 40 degrés était bien au-delà de mes capacités. Rien n’était organisé à l’avance. Tout se faisait à la dernière minute, et en réalité, nous n’avions pas de travail structuré. Nous nous contentions de ranger et de nettoyer la salle de jeux, d’aider les maçons à porter des briques ou à défricher, de faire jouer les bébés qui n’allaient pas encore à l’école, de rendre visite à des familles, de distribuer le goûter aux enfants, et d’organiser des activités pour eux le week-end. Au fond de moi, je sentais que quelque chose n’allait pas avec l’association.”

"L’association ne débloquait pas de fonds pour les enfants qui nécessitaient des soins de santé, alors que nous avions payé pour couvrir ces frais"

“Dès que nous essayions de contacter les dirigeants pour obtenir des réponses, c’était silence radio. Ils ne répondaient plus.  Au fur et à mesure, je cherchais à discuter plus précisément avec les bénévoles qui étaient là depuis plus longtemps, pour savoir ce qu’ils pensaient réellement de l’organisation.

J’interrogeais aussi nos animateurs pour comprendre leur opinion sur leur employeur. Nous avons découvert qu’ils travaillaient 24 heures sur 24 et que leur salaire était dérisoire comparé au salaire moyen au Togo. Parfois, ils n’étaient même pas payés. Nous nous posions énormément de questions sur la différence entre ce qu’ils recevaient et ce que nous, les bénévoles, versions à l’association. Le plus troublant, c’était de constater que l’association ne débloquait pas de fonds pour les enfants qui nécessitaient des soins de santé, alors que nous avions payé pour couvrir ces frais, ainsi que pour leur scolarité. J’ai fini par me disputer violemment avec les dirigeants, frustrée par leur manque de transparence.

Je commençais aussi à comprendre que notre présence dérangeait certains parents. Beaucoup d’entre eux acceptaient notre aide simplement pour ne pas nous vexer, et cela me mettait de plus en plus mal à l’aise. Ce décalage entre nos intentions et la réalité m’a poussée à remettre en question tout ce que je faisais là. Mais c’est à mon retour en France que j’ai compris le concept de white savior* et de volontourisme. 

Après la mission, ouvrir les yeux sur le volontourisme

“Au Togo, j’étais avec six autres filles, dont Ana, qui était très suivie sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok. Elle avait documenté tout son voyage et recevait énormément de commentaires. Si la majorité étaient encourageants, une partie critiquait nos actions au Togo. Au début, nous ne comprenions pas ces reproches. Peut-être qu’au fond, nous ne voulions pas admettre que ce que nous faisions n’avait servi à rien et que nous avions, sans le vouloir, contribué à une forme de marchandisation de la pauvreté. Après des heures de discussions, parfois même des disputes, nous avons fini par reconnaître que nous étions tombées, sans le savoir, dans les filets du volontourisme.

Pourtant, cette expérience n’a pas été entièrement sans valeur. Nous étions toutes sensibles aux questions de justice sociale et avions tissé des liens avec le chef du village. Lors d’une dernière discussion dans son bureau, nous avions imaginé ensemble un projet visant à fournir un système d’assainissement durable aux habitants d’Assomé pour réduire le taux de paludisme. C’est ainsi qu’est née notre propre association, Akpel’eau, avec pour objectif de ne pas reproduire les erreurs que nous avions vécues. La construction des valeurs d’Akpel’eau a pris des mois. Une chose était sûre : nous allions sensibiliser les autres aux dangers du volontourisme tout en agissant pour la solidarité.”

* La notion de “sauveur blanc” désigne les actions mises en scène par une personne occidentale dans un pays défavorisé afin de se valoriser positivement.

Le volontourisme, qu'est ce que c'est ?

Cette forme de tourisme qui conjugue voyage et engagement volontaire a connu un fort engouement en France depuis les années 2000. Jouant sur la quête de sens des personnes en désir d’engagement, des organisations proposent des séjours payants qui ne répondent pas aux critères d’un volontariat éthique et responsable, bien souvent au détriment des communautés d’accueil et des personnes qui y participent. Pour éviter de participer à une mission relevant du volontourisme, passez par France Volontaires, plateforme du volontariat d’échange et de solidarité (VIES), qui vous garantit des missions éthiques et responsables avec l’ensemble de ses membres (associations, ONG et collectivités locales).

Bio express

Emma Ricoul a 22 ans. Il y a trois ans, elle a quitté ses études de commerce international pour une année sabbatique. Elle s’est retrouvée à Malte, aux Pays-Bas, au Mexique et enfin au Togo, où elle a vécu cette expérience de volontourisme. Après cette pause, elle a repris des études en développement durable où elle a pu développer son association, Akpel’eau, avec sept autres personnes. Elle est aujourd’hui étudiante en solidarité internationale.
Emma Ricoul

La Patagonie et les Alpes coopèrent pour un tourisme durable

En Patagonie, les grandes calottes glaciaires ont reculé d’un kilomètre depuis le début des années 90. © Man Kwan / Unsplash

Face au changement climatique, les acteurs du tourisme dans les Alpes et en Patagonie argentine ont décidé de se serrer les coudes : les deux territoires ont mis en place des échanges et une stratégie commune pour une gestion durable du tourisme. Ils coopèrent dans le cadre du projet « Des Montagnes et des lacs », qui a débuté en mai 2023 et prendra fin en avril 2025. Un binôme de volontaires franco-argentin a participé aux échanges.

Les Alpes européennes pourraient perdre 34% de leur volume de glace d’ici 2050. Cette statistique, effrayante, est le résultat d’une étude réalisée par l’université de Lausanne (Suisse) en coopération avec l’université Grenoble-Alpes. Dans le sud de l’Argentine, la Patagonie est quand à elle la région du monde qui connaît le plus haut taux de fonte: les grandes calottes glaciaires ont ainsi reculé d’un kilomètre depuis le début des années 90. Pour ces deux régions du monde, pour qui le développement économique passe par un tourisme raisonné, la prise en compte des enjeux climatiques est devenue une véritable priorité.

 © Mikhail Mokrushin/ Unsplash

Penser le tourisme durable à l’échelle internationale

En 2023, elles ont ainsi décidé de marcher main dans la main en créant le projet « Des montagnes et des lacs ». Coordonné par ResaCoop, il regroupe des opérateurs techniques comme l’ONG Tétraktys , spécialisée dans le tourisme durable et l’Ecole nationale des sports de montagne. L’objectif est d’accompagner les collectivités locales* françaises et argentines dans leurs réflexions sur le sujet. Alejo Apochian, jeune argentin de 21 ans, a réalisé une mission de volontariat de solidarité internationale (VSI) auprès de l’ONG grenobloise de décembre 2023 jusqu’au début du mois d’août 2024.

« J’ai toujours vécu en Patagonie, j’ai un fort engagement pour mon territoire, et l’opportunité d’une expérience de quelques mois à l’étranger me semblait pertinente. On pense trop souvent à échelle locale alors que d’autres structures connaissent le même genre de problématiques à l’échelon international », explique le jeune homme. « Quand on élargit son niveau de réflexion et qu’on joint ses efforts, on s’enrichit forcément. »

"Le tourisme post-covid a créé une massification touristique qu’il faut apprendre à maîtriser en prenant en compte les contraintes environnementales."

Bastien Montovert, en service civique au sein de l’ONG Tétraktys

Avec son compère Bastien Montovert (23 ans), qui est pour sa part en service civique, ils ont formé un efficace binôme de volontaires franco-argentin au sein de Tétraktys. Ces derniers ont en particulier travaillé autour de la question du tourisme de randonnée, un véritable savoir-faire pour les acteurs du tourisme alpin que ces derniers entendent partager avec leurs homologues sud-américains. La Route des sept lacs, dans la province de Neuquén, commence en effet à devenir un lieu de référence pour les marcheurs du monde entier.

Des ateliers sur le changement climatique pour un tourisme plus responsable

Avec les difficultés qui vont avec : « Le circuit est géré par des communes qui connaissent de fortes croissances de population et des services publics qui ne suivent pas toujours derrière », détaille Bastien. « L’explosion du tourisme post-covid a par ailleurs créé une massification touristique qu’il faut apprendre à maîtriser en prenant en compte les contraintes environnementales. C’est la clef pour assurer un développement durable des activités ».

Les deux volontaires ont plus globalement participé à l’ensemble des activités mises en place dans le cadre du projet Des montagnes et des lacs : l’accueil d’une délégation argentine dans les Alpes ou l’organisation d’ateliers sur le changement climatique dans les collèges et lycées de la région. Ils ont aussi réalisé une vidéo où argentins et français détaillent les effets concrets de la hausse des températures sur leur environnement et leur quotidien.

Après huit mois de mission, Alejo est reparti finir son cursus universitaire en sciences biologiques dans le sud de l’Argentine, avant, il l’espère, de devenir gardien de parc national. Bastien est encore chez Tétraktys pour quelques semaines. « Avoir évolué ainsi en binôme avec un Argentin a été plus que positif. Cela gomme les effets négatifs que peut représenter le fait de travailler avec des gens qui sont loin. C’est une bien meilleure gestion de l’interculturalité », conclut-il.

* La communauté de communes de la Matheysine, la mairie de Chamrousse et la communauté de communes de l’Oisans côté français, la Province de Neuquén, les communes de Villa la Angostura et Villa Traful côté argentin.

Qu’est-ce que le tourisme durable ?

Le tourisme durable est une approche du tourisme qui vise à minimiser son impact sur l’environnement, tout en contribuant au développement économique et social des territoires visités. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), il s’agit d’un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil. Concrètement, cela signifie adopter des pratiques respectueuses de la nature, favoriser les économies locales, promouvoir des modes de déplacement à faible empreinte carbone et sensibiliser les voyageurs aux enjeux environnementaux et culturels des destinations qu’ils explorent.

Regarder le reportage réalisé par Alejo et Bastien

Le programme EnLAzando

Alejo Apochian a réalisé sa mission en France dans le cadre du programme EnLAzando. Celui-ci, mené depuis 2020 par France Volontaires, vise à mettre en œuvre une coopération durable entre la France et six pays d’Amérique du sud : la Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Paraguay, le Pérou et, depuis 2022, l’Argentine. EnLAzando a pour objectif principal d’appuyer la structuration de réseaux et d’acteurs (organisations, volontaires, entreprises, universités, États, etc.) pour construire une vision commune du volontariat et créer les conditions d’un volontariat responsable et solidaire en Amérique du Sud.

 © Nicolas Weldhing / Unsplash

Bio express

Alejo Apochian a 21 ans. Il suit des études dans le domaine des sciences biologique en Argentine, et a réalisé une mission de volontariat de solidarité internationale (VSI) de huit mois au sein de l’ONG Tétraktys.
Alejo Apochian
Volontaire de solidarité internationale

Bio express

Bastien Montovert a 23 ans. En dernière année de master Tourisme parcours Monde latino-américain à l'ESTHUA d'Angers, il s’est spécialisé au fur et à mesure de son parcours professionnel et universitaire sur les formes de tourisme alternatives en milieu rural. Il réalise une mission de service civique au sein de l’ONG Tétraktys à Grenoble.
Bastien Montovert
Service civique

L'organisme d'accueil

Tétraktys est une ONG française, basée dans la capitale des Alpes, Grenoble. Son leitmotiv ? Le développement touristique et la valorisation des patrimoines comme vecteur de développement local pour les territoires ruraux du monde entier.

Destin croisé pour deux fans de slam

© France Volontaires

Juliette Roest  et William Mendy, alias Slam Korban, ont une passion commune : le slam. Lui est sénégalais, elle est française. Leurs routes se sont croisées au sein de l’association Africulturban, à Dakar, où William assurait des ateliers d’écriture tandis que Juliette était volontaire de solidarité internationale (VSI). On les a interrogés sur leur amour pour cet art oratoire.

Comment avez-vous découvert le slam ?

William : J’ai commencé à m’intéresser au slam après avoir passé mon bac, en 2017. Au lycée, il y avait un club de littérature, d’arts et de philosophie. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser à la poésie. Il y a ensuite eu un concours de jeunes talents organisé par l’association Africulturban, et c’est ainsi que j’ai pu commencer à véritablement m’adonner au slam au sein de cette structure, dans laquelle j’ai fini par animer des ateliers.

Juliette : J’ai réalisé des études dans le domaine des arts appliqués (graphisme et design graphique), mais je me suis aperçue que ce n’est pas vers cela que j’avais envie d’aller. Cela a engendré une remise en question personnelle. J’ai eu envie de partir en volontariat pour donner une nouvelle direction à ma vie, sur les conseils de ma sœur qui était déjà partie en mission. C’est ainsi que j’ai été recrutée par l’association Africulturban, et que j’ai rencontré William, environ deux à trois semaines après mon arrivée. C’est comme ça que mon aventure avec le slam a commencé.

Pour vous, quel est l’intérêt de cet art ?

William : Pour moi, c’est avant tout une façon d’exprimer des messages de paix, de vivre ensemble, d’interculturalité. J’essaie aussi d’écrire des textes qui sont en lien avec la protection de l’environnement, la liberté ou la décolonisation mentale de l’Afrique. Mais au-delà des textes, le slam est pour moi avant tout un art de scène. C’est là que tout se joue.

Juliette : Moi à la base ce que j’aime c’est la poésie. Comment créer un texte ? Comment faire passer une émotion ? Je n’avais jamais fait de scène avant d’arriver au Sénégal, donc ça a été un effort pour moi de passer de la poésie au slam. Mais après avoir franchi le cap une première fois, je n’ai plus eu envie de m’arrêter ! C’est d’autant plus intéressant dans un pays « aux mille langues ». Certains déclament en français, d’autres en wolof, d’autres encore dans leur dialecte… C’est une façon « d’honorer la langue » comme nous l’a souvent répété William dans ses ateliers.

"Au Sénégal, le slam est un art oratoire très ancré dans la société."

Juliette Roest

"Le slam est avant tout un art de scène. C'est là que tout se joue."

William “Slam Korban”

La performance de William lors de la grande soirée du slam francophone à Casablanca le 20 mars 2024.

Vous avez tous deux réalisé des missions de volontariat : comment cela s’est-il déroulé ?

William : J’ai réalisé un service civique à partir de janvier 2022 via Cool’eurs du Monde à Saint-André-de-Cubzac, en Gironde. Mon rôle était d’organiser des activités d’écriture autour du slam, du rap, et de la culture hip-hop en général. J’ai également pu participer à un festival, Balance ton slam. Au-delà de l’intérêt artistique, il y avait aussi un aspect plus sentimental, dans la mesure où cela m’a permis de revoir mon grand-père, qui vit en France et que je n’avais pas vu depuis 13 ans.

Juliette : Chez Africulturban, j’étais chargée pour partie de missions dans l’événementiel, et aussi de mettre en place des ateliers pour enfants. J’avoue que le retour a été très dur, car pour moi cela a constitué le voyage de ma vie. On est bien loin du tourisme, c’était avant tout une véritable aventure culturelle. A mon retour à Bordeaux, je n’ai pas ressenti la même envie de monter sur scène, et j’ai mis un peu l’écriture de côté. Au Sénégal, le slam est un art oratoire très ancré dans la société, il y a une énergie qu’on perd un peu ici en France, je pense…

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

William : Après avoir participé aux Journées du volontariat français à l’automne 2023 avec France Volontaires, j’ai participé à la Semaine de la francophonie au Maroc, qui s’est déroulée au printemps dernier. Et actuellement, je prépare un projet de sept nouveaux titres, un rassemblement de textes en français que j’ai écrit au cours de mes rencontres.

Juliette : Je vais reprendre des études dans le domaine de l’éducation socio-culturelle. Je me dis que ma passion pour l’écriture pourrait trouver à s’appliquer auprès d’un public parfois un peu marginalisé.

Juliette et William lors des Journées du volontariat français en octobre 2023 à Paris.  © France Volontaires