« Il faut mieux préparer les structures à accueillir les volontaires »
Dans le cadre d’une démarche d’apprentissage et de renforcement de la qualité de ses partenariats, La Guilde a mené une étude inédite sur l’impact du volontariat international sur les structures d’accueil. Réalisée en 2023 avec le soutien du F3E, cette enquête met en lumière les effets du Volontariat de Solidarité Internationale (VSI) et du Service Civique International (SCI) sur les organisations partenaires. Entretien avec Yasmine Laveille, responsable du pôle volontariat, qui a piloté cette étude.
Pourquoi La Guilde a-t-elle souhaité mener cette étude ?
Nous avons constaté qu’il existait beaucoup de travaux sur l’impact du volontariat pour les volontaires eux-mêmes, mais très peu sur ce que les volontaires apportent réellement aux organisations qui les accueillent. L’objectif était donc de mieux comprendre ces effets, positifs comme négatifs, et d’identifier les conditions d’un volontariat porteur de transformations locales. Il s’agissait aussi de renforcer notre cadre qualité et de limiter les risques d’impacts non souhaités, en affinant nos pratiques d’accompagnement.
Quelle méthodologie avez-vous utilisée ?
L’étude a été confiée à un trio de consultantes externes et repose principalement sur une approche qualitative. Nous avons réalisé 99 entretiens individuels et collectifs, ainsi qu’une enquête auprès de 250 partenaires. Deux missions de terrain ont également eu lieu à Madagascar et en Tunisie.
Nous avons veillé à croiser les profils : nouveaux partenaires, structures anciennes, organisations accueillant peu ou beaucoup de volontaires. Cela nous a permis d’obtenir une vision fine des réalités du terrain et des effets du volontariat selon les contextes.
Le volontariat n’a pas un impact uniforme : chaque levier peut avoir un effet positif ou négatif selon la préparation des acteurs.
Quels enseignements principaux en tirez-vous ?
Le premier enseignement, c’est que le volontariat n’a pas un impact uniforme : chaque levier peut avoir un effet positif ou négatif selon la préparation des acteurs. Un volontaire peut renforcer la capacité d’action d’une structure… ou, à l’inverse, déséquilibrer une équipe si les conditions d’accueil ne sont pas réunies.
Nous avons aussi constaté un besoin fort de mieux préparer les structures à accueillir. Accueillir un volontaire, c’est du temps, de l’intégration, de la formation. Cela suppose d’impliquer pleinement les équipes locales dans la définition des missions, le recrutement, le suivi et l’évaluation. Quand tout le monde est associé, les effets positifs sont beaucoup plus durables.
En quoi les volontaires contribuent-ils à la visibilité des organisations partenaires ?
Les volontaires jouent souvent un rôle de relais : ils valorisent les activités, animent les réseaux sociaux, participent à des événements. Cela peut accroître la notoriété de l’organisation, parfois au-delà du pays d’accueil, et attirer de nouveaux partenaires ou bailleurs.
Mais là encore, tout dépend de la posture du volontaire. Si son comportement est inadapté au contexte local, cela peut au contraire nuire à l’image de la structure. La visibilité doit donc être accompagnée, réfléchie et partagée.
Une mission de volontariat doit répondre à un besoin précis et viser la transmission de compétences, pas le remplacement durable d’un poste.
Quelles recommandations vous semblent prioritaires pour renforcer les partenariats et la réciprocité ?
D’abord, impliquer les équipes locales à chaque étape du processus : conception des missions, choix des volontaires, suivi et bilan. Ensuite, inscrire le volontariat dans une stratégie de moyen terme. Une mission de volontariat doit répondre à un besoin précis et viser la transmission de compétences, pas le remplacement durable d’un poste.
Enfin, nous insistons sur la réciprocité. Les échanges ne doivent pas aller dans un seul sens : la possibilité pour des pays partenaires de venir en mission en France est essentielle. C’est un gage d’équilibre et de cohérence dans les coopérations. Nous regrettons que les dispositifs de réciprocité connaissent aujourd’hui un ralentissement. C’est un véritable contresens par rapport à la dynamique engagée ces dernières années. Réduire ces échanges, c’est envoyer un mauvais signal aux partenaires du Sud et fragiliser des coopérations construites sur la confiance.
La réciprocité a certes un coût, mais elle est essentielle pour penser le volontariat sur le long terme. C’est un investissement pour l’avenir des partenariats et pour une coopération plus juste.
Comment La Guilde compte-t-elle prolonger ce travail d’analyse ?
Nous n’avons pas prévu à court terme de nouvelle étude aussi complète, car cela demande des moyens importants. En revanche, nous intégrons progressivement les recommandations dans nos pratiques : mise en place d’un bilan de fin de mission rempli par les tuteurs, rencontres systématiques entre volontaires et équipes locales au démarrage, et suivi plus attentif de la cohérence des missions dans le temps.
Nous mettons aussi fin à certains partenariats lorsque les mêmes postes de volontaires sont reconduits sans évolution, afin de rester fidèles à l’esprit du volontariat. Cette exigence devient d’autant plus importante dans un contexte où les ressources sont limitées.
Yasmine Laveille, responsable du pôle volontariat à La Guilde.
Photo de couverture : La Fondation Atasim, en Equateur, va bientôt recevoir des volontaires du programme V-Amazonie par l’intermédiaire de la Guilde.