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04 déc. 20

La proposition de loi contre le volontourisme est déposée à l’Assemblée nationale !

A l’occasion de la Journée internationale du Volontariat, célébrée chaque année le 5 décembre, Anne Genetet, députée de la 11e circonscription des Français à l’étranger (Asie, Océanie et Europe Orientale), a déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi relative à la lutte contre certaines dérives liées au volontourisme. C’est dans ce cadre qu’une conférence de presse en ligne et un webinaire ont été organisés avec le soutien de France Volontaires afin de présenter cette proposition de loi et de sensibiliser aux impacts néfastes du phénomène du volontourisme. Ces événements ont également permis de promouvoir un volontariat international responsable, dans un contexte de crise sanitaire mondiale qui a renforcé l’envie des citoyens et citoyennes de s’engager et de se sentir utile.

 

Le fruit d’une véritable concertation avec France Volontaires

Après avoir constaté certaines dérives liées au volontourisme dans plusieurs des 49 pays qui composent sa circonscription, la députée Anne Genetet a rencontré les protagonistes du volontariat international pour partager un diagnostic précis de la situation, ainsi que des voies et moyens de l’améliorer. Rapidement convaincue de la nécessité d’une riposte parlementaire et d’une évolution législative, la députée a donc pris l’initiative d’une proposition de loi dont la préparation et la rédaction ont été réalisées en concertation et avec l’appui de France Volontaires.

Ainsi, France Volontaires a mis en place un groupe de travail dédié regroupant une quinzaine d’organisations membres et partenaires de la plateforme. Il a permis de faire émerger des propositions concrètes pour s’assurer que le texte soit en phase avec les pratiques des acteurs du volontariat international responsable, et qu’il réponde bien à certaines problématiques du volontourisme au niveau français.

Grâce à un travail débuté en mars dernier, France Volontaires, avec l’appui du CLONG-Volontariat et de Cotravaux, ont notamment permis l’intégration de la définition commune du volontourisme élaborée collectivement par la plateforme, des critères principaux d’un volontariat de qualité, de l’importance des démarches d’Education à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale (ECSI), ainsi qu’un lien avec la future loi sur le développement solidaire.

Dans un esprit de franche collaboration et d’ouverture à la concertation, la grande majorité des propositions d’amendements de France Volontaires a été acceptée par la députée. Cette proposition de loi a finalement été déposée à l’Assemblée nationale à l’occasion de la Journée internationale du Volontariat (JIV).

Que contient la proposition de loi sur le volontourisme ?

La proposition de loi relative à la lutte contre certaines dérives liées au volontourisme pose une définition claire du phénomène du volontourisme, de son historique, de ses principales caractéristiques et de ses impacts. Elle permet de le différencier du volontariat responsable qui répond à plusieurs critères de qualité (partenariats équitables et pérennes, formation au départ, suivi et accompagnement pendant et après l’expérience, garanties de sécurité etc.). De plus, elle clarifie les différences entre une mission de volontariat et un séjour touristique en mettant en exergue les abus dans ce domaine, notamment l’utilisation de termes trompeurs.

En outre, la proposition de loi poursuit quatre principaux objectifs :

  1. Protéger les personnes en désir d’engagement contre les dérives liées au volontourisme et sensibiliser à des actions de volontariat à l’international responsables ;
  2. Reconnaître le rôle de France Volontaires et de ses membres dans le développement et la promotion d’un volontariat international de qualité ;
  3. Prévenir des pratiques dangereuses liées au volontourisme, notamment dans le cadre de la protection des personnes vulnérables dont les mineurs ;
  4. Veiller au respect des obligations de la France en faveur des droits humains, notamment celles inscrites dans la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire.

Entrent dans le champ d’application de ce texte des entreprises, associations et autres organisations, proposant des séjours touristiques ou des missions impliquant des actions de volontariat, dont le siège social est basé en France ou y exerçant des activités.

La proposition de loi qui a bénéficié d’un accueil favorable de la part du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) ainsi que du groupe politique de la députée, La République en Marche, pourrait être débattue au premier semestre 2021 ou intégrée à d’autres propositions ou projets de loi en lien avec le sujet.

Consulter le texte de la proposition de loi

Le volontourisme, c’est quoi ?

Forme de tourisme conjuguant voyage et engagement volontaire, le volontourisme promet à des individus désireux de s’engager pour une cause, la découverte de nouvelles cultures tout en venant en aide à des communautés locales. Si les intentions de départ paraissent louables, dans les faits, des organisations proposent des séjours payants dont le modèle économique repose sur les profits tirés de cet engagement volontaire, bien souvent au détriment de l’intérêt général. Jouant sur la quête de sens des personnes en désir d’engagement, ces pratiques dérogent aux principes de qualité du volontariat. Cette “marchandisation” du secteur du volontariat entraîne des dérives dont les effets peuvent être plus ou moins graves pour les communautés d’accueil comme pour les personnes participant à ces séjours.

Un premier webinaire consacré au phénomène du « volontourisme »

A l’occasion du dépôt de la proposition de loi et de la célébration de la JIV, la députée a organisé une conférence de presse en ligne et un webinaire, avec le soutien de France Volontaires, le vendredi 4 décembre 2020, qui a réuni plus de 160 participants dont des représentant.e.s d’organisations de volontariat et d’ONG, des étudiant.e.s, des acteurs politiques, des collectivités locales et des représentant.e.s de l’Etat, des actuels ou anciens volontaires, ainsi que des influenceurs et des journalistes.

Voir ou revoir le webinaire :

Dans ses propos introductifs, Ismaïla Diagne, Délégué général par intérim de France Volontaires a tenu à remercier la députée Anne Genetet pour son engagement : « Cette initiative que vous portez est utile. Elle donne un sens profond à l’action que nous menons, à l’engagement des volontaires au quotidien, ainsi qu’au respect que nous devons aux partenaires qui travaillent avec nous à l’international ».

Après une présentation de la proposition de loi par la députée Anne Genetet, Lucie Morillon, Directrice du Pôle Etudes, Communication, Plaidoyer de France Volontaires, a animé une discussion autour d’un panel composé d’expert.e.s des secteurs du volontariat international, de la protection de l’enfance et du tourisme responsable.

Chloé Sanguinetti, productrice et réalisatrice du documentaire « The Voluntourist », a pu témoigner de l’état d’esprit de certains volontaires rencontrés sur le terrain qui partaient avec de bonnes intentions, l’envie de donner de leur temps, d’aider, mais qui se trouvaient piégés sur place, désabusés,se questionnant sur leur utilité, le manque de suivi et leurs compétences qui n’étaient pas adaptées aux activités qu’on leur demandait de mener. Un sentiment de honte a pu naitre chez certains d’entre eux pour avoir participé à des activités de volontourisme, ce qui les dissuadaient ensuite de poursuivre une logique d’engagement.

Sébastien Marot, Fondateur et directeur exécutif de Friends-International, a dressé des constats alarmants sur les conséquences du volontourisme « où l’enfant est transformé en produit ». Il a donné l’exemple le plus probant des « faux orphelinats » au Cambodge dans lesquels 80% des enfants ont en fait des parents, avec des conséquences tragiques : maltraitance, troubles de l’attachement, sentiment d’abandon, etc. Ces établissements sont créés de toute pièce dans une logique de profit et pour répondre à la demande des occidentaux. Pour lutter contre ce phénomène, il a présenté la campagne de sensibilisation choc du ChildSafe Movement « Les enfants ne sont pas des attractions touristiques ».

Caroline Mignon, Directrice de l’Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire (ATES), a identifié plusieurs facteurs expliquant le souhait d’utiliser son temps de vacances pour se rendre utile : la volonté certaine de contrebalancer une vie professionnelle éloignée des valeurs des voyageurs, avec une envie de plus de solidarité, ou encore, de manière plus inconsciente, la volonté de se dédouaner d’une vie confortable en allant consacrer du temps aux autres. Elle a également expliqué qu’un amalgame était fait entre le congé solidaire, qui est un dispositif issu de la loi de 1996 permettant à un salarié de participer à une mission d’entraide à l’étranger, et le tourisme solidaire qui favorise les liens entre voyageurs et habitants d’un territoire pour permettre aux populations de bénéficier des retombées économiques du tourisme.

Voleak Sok, Représentante nationale de France Volontaires au Cambodge, a présenté plusieurs actions mises en place par France Volontaires et ses membres, en France et dans les pays partenaires, notamment à travers les Espaces Volontariats, qui accompagnent les volontaires actuels ou en devenir au quotidien et prodiguent des conseils de proximité pour les orienter vers des opportunités d’engagement de qualité. Au Cambodge, une séquence sur le volontourisme est notamment dispensée dans la formation à l’arrivée des volontaires, avec la mise à disposition d’outils. Au Togo, chaque année entre les mois d’avril et d’août, un dispositif d’accueil et d’orientation est mis en place à l’aéroport de Lomé afin d’assurer une permanence pour capter les nouveaux volontaires ou les volontaires en devenir dès leur arrivée dans le pays pour les sensibiliser à un volontariat responsable.

Maud Lhuillier, Directrice Asie de Passerelles Numériques, a détaillé comment et pourquoi l’ONG fait appel à des bénévoles et des volontaires sur des courtes durées afin de répondre à des besoins très spécifiques, identifiés en amont par les équipes, et pour lesquels elle n’a pas les compétences en interne. Les « garde-fous » mis en place par Passerelles Numériques pour garantir un volontariat de qualité passent notamment par une exigence dans les profils mobilisés qui sont en grande partie des experts, ainsi qu’une formalisation des missions avec un cadrage et une personne référente identifiée parmi les équipes.

Guillaume Nicolas, Délégué général de la Délégation catholique pour la coopération (DCC), a reconnu qu’il était difficile pour des jeunes d’évaluer les impacts positifs ou négatifs qu’ils et elles pourraient avoir dans le cadre d’une mission de volontariat, et a salué dans ce sens la tonalité positive du webinaire à l’égard de ces jeunes en quête de solidarité qui se seraient fait prendre au piège des organismes de volontourisme. Il est ensuite revenu sur quelques principes fondamentaux d’un volontariat de qualité : aider les personnes en désir d’engagement à être claires sur leurs motivations afin de les orienter au mieux vers des projets compatibles ; être attentifs aux savoir-être, savoir-faire et compétences de ces candidats au volontariat ; prendre le temps de préparer et mûrir son projet de volontariat à l’international et de recevoir une formation avant le départ ; et enfin, l’importance du choix et de l’accompagnement des partenaires locaux.

En conclusion, la députée Anne Genetet a insisté sur l’importance de l’information pour sensibiliser à ses dérives, aussi bien avant le départ que sur le terrain, et auprès de différents publics, notamment des jeunes, des étudiants et dans les entreprises. Pour elle, « on ne s’improvise pas volontaire ou bénévole », ces projets à l’international prennent du temps et nécessitent une réflexion. Enfin, elle a lancé un appel à la vigilance collective, à la mutualisation des outils existants et au souci d’adaptation face aux évolutions du volontourisme : « La route est encore longue », a-t-elle conclu.

En lien avec la lutte contre le volontourisme, France Volontaires et ses membres sont engagés dans une démarche d’amélioration continue des pratiques au sein de la plateforme. Une dynamique de travail sera lancé prochainement autour des standards internationaux pour un volontariat au service du développement, portés et élaborés par le réseau international Forum. Par ailleurs, France Volontaires continuera à s’investir auprès de la députée afin de porter cette loi et de mener d’autres actions pour lutter contre les dérives du volontourisme, notamment des actions de communication et de sensibilisation.