ÉTUDE · Publication du panorama des acteurs de l’ECSI aux Suds
Le groupe de concertation d’Education à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI), animé par l’Agence française de développement (AFD), a publié une étude visant à réaliser un panorama des acteurs et des initiatives en matière d’ECSI dans les pays des Suds. Ce projet est né d’un constat partagé d’une connaissance partielle des actrices et acteurs qui développent des projets d’ECSI dans les pays partenaires et de la difficulté à les identifier.
Objectifs de l’étude
- Dresser un panorama inclusif caractérisant la diversité des « éducations à » en lien avec les ODD et au-delà, dans les pays partenaires de la coopération française ;
- Identifier aux Suds la multiplicité et l’hétérogénéité des actrices et acteurs des « éducations à » pour mettre en dialogue les visions et pratiques favorisant l’émergence de nouveaux discours et de nouvelles actions ;
- Contribuer à l’ouverture et au rapprochement d’acteurs majeurs des « éducations à » aux Suds pour le développement de possibilités de nouvelles réflexions et collaborations.
France Volontaires, membre du groupe de concertation, a participé aux ateliers de construction et a apporté des contributions au rapport afin de valoriser le volontariat international comme s’inscrivant pleinement dans les démarches d’ECSI.
Une diversité de cadres pour des approches éducatives variées
S’intéressant à la notion même d’ECSI, le rapport souligne la richesse et la diversité des concepts liés aux « éducations à » dans les pays des Suds, comme l’éducation populaire, l’éducation à la citoyenneté mondiale (ECM), l’éducation au développement durable (EDD), l’éducation à la paix, ou encore l’éducation aux droits humains. Le choix d’un concept plutôt que l’autre peut être lié à un contexte (éducation à la paix dans les zones de conflit par exemple) ou à la nature de l’organisation (EDD et ECM sont notamment des cadres plus utilisés par les acteurs institutionnels).
Ces concepts, bien que distincts, partagent des idéaux communs tels que la justice sociale, l’équité, et la transformation des sociétés. En revanche, il est noté que la notion de « solidarité internationale » n’apparaît pas adaptée car trop ancrée dans la coopération internationale.Ainsi, le concept d’ECSI est peu mobilisé par les actrices et acteurs, même s’il est relativement connu de celles et ceux qui ont des partenaires français ou européens.
A titre d’exemple, est mentionné le programme Jeunes des 2 Rives, piloté par Solidarité Laïque, dans lequel l’intégration de la dimension internationale est essentielle pour favoriser les engagements citoyens des jeunes, leur ouverture sur le monde et la construction d’un langage commun. Ce dernier, ancré dans le local pour répondre aux réalités immédiates des publics et faciliter le dialogue avec les autorités, s’élargit progressivement pour intégrer des objectifs communs au niveau international. Cette approche, qui allie solidarité locale et mondiale, permet de déconstruire certaines représentations, d’interroger les processus d’éducation à la citoyenneté et de renforcer la capacité des jeunes à agir face aux enjeux globaux dans le contexte méditerranéen.
L’importance des dynamiques de réseaux aux Suds
L’étude a permis de dresser une typologie des acteurs et actrices de l’ECSI aux Suds :
- Organisations de la société civile : Acteurs principaux des « éducations à », avec un fort engagement des organisations sur le terrain. Ont également été identifiés des réseaux, forums ou plateformes de professionnels qui permettent des échanges entre praticiens ;
- États : Engagement notamment dans le cadre de déclarations onusiennes pour institutionnaliser l’EDD et l’ECM dans les stratégies d’éducation, les programmes scolaires et les formations des enseignants. Le développement de programmes de volontariat au Cameroun, au Sénégal et au Togo est également mentionné comme des politiques publiques participant à soutenir l’éducation à la citoyenneté ;
- Coopération internationale : Rôle important dans le soutien aux acteurs, mais qui pose aussi la question du rôle des institutions nationales dans l’appui à ces dynamiques. A titre d’exemple, il est noté que les initiatives d’envoi/accueil de volontaires dans une dynamique Sud-Sud sont quasi exclusivement soutenues par la coopération internationale.
L’étude a permis de mettre en exergue l’importance des dynamiques de mise en réseau. Si les actrices et acteurs des « éducations à » de la société civile se projettent à l’international, c’est d’abord dans le cadre de collectifs ou d’espaces de plaidoyer autour d’enjeux mondiaux.
Des actions variées visant une transformation sociale
Tout comme les actions mises en œuvre en France, les types d’actions d’ECSI menées par les actrices et acteurs des Suds visent à susciter une transformation sociale tout en incluant des publics variés, notamment les groupes marginalisés.
Ces initiatives s’articulent autour de plusieurs axes principaux :
- La sensibilisation et la déconstruction, point de départ à l’engagement et la mobilisation ;
- Des échanges de pratiques entre pairs ;
- La transmission des pratiques et savoirs traditionnels pour recréer du lien dans des espaces qui peuvent être délaissés par les populations urbaines ;
- La mobilisation citoyenne pour amener les citoyens à jouer un rôle actif dans la gouvernance de leur collectivité, se réapproprier la démocratie ;
- La communication pour produire ses propres informations ou réussir à les décrypter ;
- Le renforcement du leadership et du pouvoir d’agir des populations oppressées ;
- Le plaidoyer pour porter les demandes des populations aux décideurs ;
- La formation qui vise des apprentissages à la fois techniques, pratiques et théoriques
Des défis à relever pour les acteurs et actrices des « éducation à » aux Suds
L’étude a permis d’identifier les principaux freins au développement des « éducations à » aux Suds, ainsi que les besoins des acteurs :
1) Manque de moyens financiers et humains, et de politiques publiques : Identifié par 70 % des répondants, il concerne à la fois le soutien aux actions et les dépenses de fonctionnement des organisations. Il est particulièrement prononcé en Afrique de l’Ouest et centrale, où le financement repose en grande partie sur la coopération internationale, jugée insuffisante. Le manque de politiques publiques arrive en deuxième position, mentionné par 50 % des répondants.”
2) Mise en réseau insuffisante: Tant au niveau national qu’international, ces espaces permettent d’échanger des pratiques et des idées, de donner de la visibilité aux actions menées et de construire des plaidoyers communs. Ils aident également à lutter contre le sentiment de solitude ressenti par ceux qui interviennent dans des zones éloignées ou auprès de populations marginalisées.
3) Insuffisance d’outillage méthodologique : Notamment pour des outils d’animation pour l’« éducation à » et des formations en gestion de projet, gestion administrative et financière, ainsi qu’en suivi-évaluation. Ces besoins visent à renforcer la mise en œuvre des projets financés par les autorités publiques ou la coopération internationale.
Le volontariat international, un levier pour les démarches d’ECSI
Plaçant les partenariats au centre, le volontariat participe pleinement aux dynamiques de réseaux et à la structuration des sociétés civiles, notamment dans le cadre de ces « éducations à ».
En ce sens, plusieurs programmes de France Volontaires contribuent au renforcement des politiques publiques et au développement d’écosystèmes de volontariat :
- DENVA (Développement des Écosystèmes Nationaux de Volontariat en Afrique) qui associe 12 pays africains représentatifs des dynamiques et des écosystèmes de volontariat à l’échelle continentale : Bénin, Cameroun, République du Congo, République démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Mauritanie, Sénégal, Tchad, Togo, ainsi que la France ;
- EnLAzando qui implique 6 pays d’Amérique latine : Bolivie, Colombie, Equateur, Paraguay, Pérou, et depuis 2022 Argentine, avec pour objectif de renforcer les réseaux du volontariat et de développer les mobilités avec la France.
Par ailleurs, France Volontaires, à travers ses Espaces Volontariats, offrent une multitude deservices à destination des pouvoirs publics, des structures locales, des volontaires et des personnes en désir d’engagement, s’inscrivant pleinement dans les démarches d’ECSI (événements, formations, mise en réseau, accompagnement etc.).
Enfin, le principe de réciprocité dans le volontariat international permet de nourrir des relations plus équilibrées, des liens de coopération et de solidarité entre les pays plus solides et harmonieux, dans un esprit partenarial coconstruit. En 2023, 306 volontaires internationaux ont été accueillis en France pour des missions d’intérêt général, souvent liées à des actions d’ECSI. Ces missions contribuent à promouvoir une citoyenneté active et émancipatrice, vectrice de transformation sociale du local au global. De plus, une étude récente a montré que ces expériences ont stimulé l’engagement des volontaires à leur retour dans leur pays de résidence habituelle, où ils réinvestissent leurs acquis, notamment dans les activités d’ECSI.