Manon (à gauche), avec une famille du quartier de Tondo, dans la banlieue de Manille © DR
Depuis plus d’un an et demi, Manon, volontaire de solidarité internationale au sein de LP4Y, vit au cœur du bidonville de Tondo, à Manille. À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, elle raconte son engagement auprès de jeunes femmes confrontées à la précarité, la pression sociale, la maternité précoce et l’exclusion. Une mission qui vise à rompre le cycle de la pauvreté en leur offrant compétences, confiance et perspectives d’avenir.
Chaque année, le 25 novembre est l’occasion de commémorer la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, instaurée par l’ONU en hommage aux sœurs Mirabal, militantes politiques assassinées en 1960 par la dictature dominicaine. Depuis 1999, cette journée vise à sensibiliser l’opinion publique et à mobiliser les gouvernements, les ONG et les citoyens autour d’un combat essentiel : celui de l’élimination de toutes les formes de violences faites aux femmes, qu’elles soient physiques, psychologiques, sexuelles, sociales ou économiques.
Depuis février 2024, Manon Issifou, 26 ans, est volontaire de solidarité internationale (VSI) au sein de l’ONG LP4Y – Life Project 4 Youth, qui œuvre pour l’insertion professionnelle des jeunes exclus. Originaire de Strasbourg et diplômée en économie et gestion, elle est en mission à Tondo, l’un des plus grands bidonvilles de Manille, aux Philippines, où elle accompagne des jeunes femmes de 18 à 25 ans confrontées à des formes multiples de violences : précarité extrême, pression sociale, maternité précoce, absence d’accès à l’éducation ou à l’emploi. Son rôle consiste à leur transmettre des compétences professionnelles, mais aussi à conduire des actions de sensibilisation au sein des communautés pour rompre le cycle de pauvreté et les mécanismes d’exclusion qui touchent particulièrement les femmes. Interview.
Qui sont les femmes qu’accompagne LP4Y ?
La plupart ont entre 17 et 25 ans. Beaucoup n’ont pas pu poursuivre d’études, certaines ont arrêté dès le collège ou le lycée, d’autres ne sont jamais allées à l’école. Des jeunes femmes exclues du système éducatif ou éloignées de l’emploi pour diverses raisons : maternité précoce, responsabilités familiales, pression sociale, absence de ressources…
Nous accompagnons aussi de nombreuses jeunes mères, parfois devenues parents à 14, 15 ou 16 ans, ainsi que des mères célibataires.
Toutes vivent dans des environnements extrêmement précaires où nous allons à leur rencontre.
Comment aidez-vous ces jeunes femmes en difficulté ?
Elles rejoignent une formation de six mois, durant laquelle elles acquièrent une expérience professionnelle pour apprendre à gérer une micro-activité, on leur apporte des notions de marketing et communication, en ressources humaines, en finance, etc.
Ma mission consiste également à organiser des formations et ateliers destinés à sensibiliser la communauté sur des sujets liés à la santé, au bien-être social ou à la vie sexuelle. Nous travaillons également avec des entreprises partenaires, qui interviennent sur des thématiques professionnelles comme la rédaction de CV ou de lettres de motivation.
Dernièrement, nous avons par exemple mené un atelier sur la grossesse adolescente, afin d’informer les jeunes femmes des quartiers les plus défavorisés sur les risques qu’elle implique et de contribuer ainsi à rompre le cycle de pauvreté.
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Comment évaluez-vous l’impact de vos actions sur le terrain ?
La formation au sein du Training & Development Center dure six mois. Après cette période, nous restons en contact avec les jeunes femmes : elles participent à des événements, témoignent, coachent d’autres jeunes et continuent à travailler sur leurs projets.
Par ailleurs, LP4Y agit en faveur de l’inclusion des jeunes en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient depuis 2009. Au total, plus de 10 000 jeunes ont été accompagnés dans ces régions. À Tondo, dans le centre où je me trouve, 92 % des jeunes femmes ayant suivi la formation l’année dernière ont pu s’insérer sur le marché du travail à l’issue du programme.
"C’est une joie immense d’aider certaines jeunes femmes à découvrir leur potentiel et à prendre confiance. Je crois sincèrement qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir"
Qu’est-ce que cette mission de volontaire internationale t’a apporté personnellement, en tant que femme ?
Elle m’a profondément marquée. J’ai vraiment pris conscience que chaque jeune a du potentiel, et que l’environnement d’où l’on vient ne définit pas qui l’on est. Beaucoup de femmes que nous accompagnons ont grandi dans des contextes très difficiles et n’ont jamais eu accès aux ressources nécessaires. Pourtant, dès lors qu’une personne est motivée et que l’on met à sa disposition les outils pour se développer, elle peut réussir.
J’ai aussi compris que chacun a un rôle à jouer (entreprises, ONG, citoyens…) dans le développement des jeunes. C’est une conviction que j’ai intégrée à titre personnel.
Cette mission m’a fait découvrir une véritable passion pour l’insertion professionnelle. C’est une joie immense d’aider certaines jeunes femmes à découvrir leur potentiel et à prendre confiance. Je crois sincèrement qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.
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