Comment le volontariat marque-t-il un parcours, même bien après la mission ? C’est la question au cœur de Volontaires et ONG, ouvrage publié en 2025 par Denys Lamarzelle et Jean-Paul Maïer. En s’appuyant sur des témoignages et des retours d’expérience, les auteurs s’interrogent sur les implications de cet engagement. Interview croisée.
Paru en mai 2025, le livre « Volontaires et ONG – Expériences, défis et bénéfices d’un engagement international », s’appuie sur des enquêtes, des témoignages et des entretiens pour analyser ce que le volontariat change dans une vie : acquisition de compétences, évolution professionnelle, rencontre interculturelle, mais aussi défis quotidiens et questions sensibles souvent passées sous silence.
Signé par Denys Lamarzelle et Jean-Paul Maïer, eux-mêmes anciens volontaires dans les années 1980, l’ouvrage s’adresse autant aux jeunes qui s’interrogent sur l’impact d’une mission qu’aux anciens volontaires en quête de recul sur leur engagement. Il offre également aux acteurs de la solidarité internationale un outil pour mieux comprendre les parcours et les attentes de celles et ceux qui choisissent de partir.
À l’approche de la Journée internationale des volontaires (JIV) du 5 décembre, et alors que l’ONU a proclamé 2026 comme Année internationale des volontaires au service du développement durable, cette réflexion sur la place du volontariat dans nos sociétés prend une résonance particulière et invite à renforcer la reconnaissance et l’accompagnement de cet engagement citoyen.
Pouvez-vous revenir sur la naissance de ce livre ?
Jean-Paul Maier: Denys Lamarzelle et moi nous sommes retrouvés un jour à discuter avec les équipes de France Volontaires, et nous avions évoqué une question qui nous tient beaucoup à cœur : comment le volontariat nous avait transformés à notre retour en France. C’est à partir de cette discussion, en février 2022, que nous avons eu l’idée de travailler ensemble sur ce sujet.
Denys Lamarzelle : En tant qu’ancien volontaire, il m’arrivait parfois de tenir des stands avec France Volontaires dans des salons étudiants. Beaucoup de jeunes me demandaient : « C’est sympa votre truc, mais à quoi ça va me servir ? » Ils comprenaient l’intérêt d’une césure au Canada ou en Australie pour aller cueillir des pommes, faire du surf ou voir du pays, mais moins celui d’un volontariat d’un ou deux ans en Afrique ou en Amérique latine.
Le livre commence par évoquer les résultats d’une enquête que vous avez menée auprès d’anciens volontaires : qu’en est-il ressorti ?
D.L. : Nous avons mené un retour d’expérience (RETEX), avec un panel représentatif d’environ 40 anciens volontaires, interrogés par questionnaire et, pour certains, en entretien approfondi. Il s’agissait notamment d’un groupe constitué d’anciens volontaires du Progrès (note : l’ancien nom de France Volontaires) des années 1980 au Niger qui se réunissent régulièrement en Bretagne, à Carhaix, mais aussi d’autres anciens volontaires ayant vécu des missions en Afrique, en Asie, etc. Leurs réponses nous ont permis d’analyser ce que le volontariat avait changé dans leur vie, aussi bien sur le plan professionnel, social que personnel.
Ils ont en particulier identifié trois apports majeurs. La rencontre interculturelle d’abord, car le volontariat est une expérience marquante et incomparable. Les compétences professionnelles, ensuite, qui sont souvent décisives : prise de responsabilité, management, organisation, gestion financière. Enfin, l’engagement tout au long de la vie : beaucoup poursuivent ensuite un engagement associatif ou professionnel, et 10 à 20 % en font carrément leur métier dans des ONG ou organisations internationales.
« Beaucoup d’anciens volontaires poursuivent un engagement associatif ou professionnel, et 10 à 20 % en font leur métier dans des organisations internationales »
Denys Lamarzelle, co-auteur de l'ouvrage
Au-delà de l’enquête, la seconde partie du livre repose sur des témoignages. Comment avez-vous choisi vos « grands témoins » ?
J.-P. M.: Après la première partie, nous voulions approfondir certains thèmes : la vie quotidienne, les questions sensibles, la spiritualité, et d’autres sujets transversaux dont on parle rarement dans le volontariat. Nous avons donc décidé de donner la parole à plusieurs « grands témoins » sur ces questions.
D. : Lors des entretiens de la première partie, des points délicats sont apparus : situations pour lesquelles nous, anciens volontaires, n’étions pas toujours préparés. En discutant avec des volontaires qui étaient partis plus récemment que nous, dans les dernières années, nous avons constaté que les mêmes questions revenaient encore aujourd’hui. C’est là que nous nous sommes dit qu’il fallait creuser.
Nous avons identifié plusieurs sujets tabous : la sexualité, la corruption, la politique, la religion, la vie quotidienne des volontaires, et enfin les relations avec les délégués et encadrants.
Nous avons alors cherché des personnes capables d’apporter un éclairage solide sur chacun de ces thèmes. Nous leur avons donné carte blanche pour écrire, sans contrainte, comme un « guide » informel destiné à aider les futurs jeunes volontaires à mieux comprendre ces réalités parfois sensibles. Leur donner des clés face à ces situations.
Quel bilan tirez-vous de tout ce travail ?
J.-P. M. : Cela nous a permis de relire nos propres expériences et de découvrir ce que d’autres avaient vécu à leur retour, leurs transformations. Nous ne voulions pas prendre la place des organismes d’envoi, mais leur apporter un éclairage, répondre à cette question simple : « Qu’est-ce que cela apporte, réellement, de partir en volontariat ? ».
D. : C’était aussi un moyen de répondre enfin aux étudiants que j’ai rencontrés en salon, ceux qui disaient : « C’est sympa, mais qu’est-ce que ça m’apporte ? ». Avec ce livre, la réponse est claire !
- « Volontaires et ONG – Expériences, défis et bénéfices d’un engagement international », aux éditions Territorial, 186 pages (16 mai 2025), 19€ (e-book) et 24€ (papier)
Jean-Paul Maïer lors d’une mission réalisée en 2012 / Denys Lamarzelle, volontaire du progrès en 1978.
La Journée internationale des volontaires 2025
Le 5 décembre prochain aura lieu la Journée internationale des volontaires (JIV). Elle est l’occasion pour les Nations unies de mettre en lumière le rôle joué par les volontaires pour l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD). Inscrits dans l’Agenda 2030, les 17 ODD forment un ensemble de secteurs à transformer ou faire évoluer pour permettre la construction d’un monde prospère, juste et... durable !