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LE MAG’

« La vie communautaire est au centre de la mission »

30 Juil. 2025

Charlotte (à droite), lors d’une des animations d’activité à l’Arche de Clermont-Ferrand. © Arche de Clermont-Ferrand

À Clermont-Ferrand, Charlotte Kinao, 27 ans, est volontaire togolaise au sein de L’Arche, une communauté qui accueille des adultes en situation de handicap mental. Pendant un an et demi, elle a partagé leur quotidien, entre soins, activités et vie de maison. Un engagement de proximité, inscrit dans le cadre du volontariat international, qui illustre à la fois les enjeux de l’inclusion et la contribution des jeunes de pays partenaires aux solidarités en France.

En France, près de 12 millions de personnes vivent avec un handicap, soit environ 18 % de la population*. Parmi elles, plus de 700 000* sont en situation de handicap mental ou psychique. Ces personnes restent encore trop souvent à l’écart de la vie sociale et professionnelle. Pour y remédier, la stratégie nationale 2023-2027* pour les personnes en situation de handicap entend renforcer leur inclusion dans tous les domaines de la vie, de l’école à l’emploi, en passant par le logement et la citoyenneté.

Le monde associatif joue un rôle essentiel dans cette dynamique, notamment à travers des structures comme les communautés de l’Arche, qui proposent une vie communautaire partagée entre personnes avec et sans handicap mental. Les volontaires en mission de solidarité internationale (VSI) apportent un aide concrète dans ce contexte. C’est le cas d’Essotolom Charlotte Kinao, jeune Togolaise de 27 ans, accueillie par la Délégation catholique pour la coopération (DCC) et envoyée par l’Agence nationale du volontariat au Togo (ANVT), qui revient avec nous sur un an et demi de vie partagée au sein de l’Arche de Clermont-Ferrand.

Peux-tu nous dire ce qui t’a amenée jusqu’à cette mission en France ?

Au Togo, je me suis toujours activement investie dans des initiatives communautaires, en particulier auprès de jeunes, de femmes et de personnes en situation de handicap. J’ai par exemple coordonné le projet Girls 4 Peace Initiative, un projet de l’Association internationale des femmes et jeunes leaders, promouvant la paix, la résolution des conflits, la médiation et le dialogue interreligieux auprès des jeunes filles. J’ai également été volontaire de compétence de l’ANVT auprès de France Volontaires sur le dispositif de l’aéroport.

Mon engagement au sein de France Volontaires, de l’AIFJL, mais aussi du Réseau des ONG Internationales au Togo (RONGITO) et d’autres réseaux associatifs témoigne de ma capacité à allier action de terrain, communication et leadership collaboratif.

Pourquoi as-tu choisi de t’engager dans une mission de volontariat à l’étranger ?

Orpheline très jeune, j’ai grandi dans une situation de grande vulnérabilité. Cette expérience personnelle m’a profondément marquée, en me faisant prendre conscience de la fragilité de certaines vies, mais aussi de combien de fois l’aide, qu’elle soit humaine, sociale ou juridique, peut transformer une vie. J’ai choisi de m’engager comme volontaire parce que je crois profondément en la valeur de l’entraide, du service et de l’impact humain. Pour moi, le volontariat est bien plus qu’un simple engagement ponctuel : c’est une manière d’agir concrètement pour répondre aux besoins des autres, de me rendre utile et de contribuer à des transformations durables, à échelle humaine.

Cet engagement m’a permis d’aller à la rencontre de personnes très différentes de moi, de sortir de ma zone de confort et de mieux comprendre les réalités sociales, qu’elles soient au Togo ou ici en France. À L’Arche, par exemple, accompagner des personnes en situation de handicap mental m’a appris l’humilité, l’écoute, la patience et la force du lien humain.

Je vois le volontariat comme une école de la vie, mais aussi comme un tremplin vers mon projet professionnel : piloter des projets de développement et d’inclusion sociale, en mettant l’humain au cœur de chaque action.

© Communauté de l’Arche de Clermont-Ferrand.

À quoi ressemble ton quotidien à L’Arche de Clermont-Ferrand ?

Au sein de L’Arche de Clermont-Ferrand, je suis engagée comme volontaire de solidarité internationale depuis janvier 2024. Ma mission principale consiste à accompagner au quotidien des personnes en situation de handicap mental vivant en communauté. C’est une mission à la fois humaine, relationnelle et concrète.

Je participe à la vie partagée dans la maisonnée : cela inclut l’aide dans les gestes de la vie quotidienne (douche, repas, déplacements, loisirs), mais surtout la création d’un lien de confiance et de bienveillance avec les personnes accueillies. Aussi, j’accompagne et anime des activités d’intérieur (dessin, cuisine, jeux de société, peinture, coloriage) et d’extérieur (piscine, shopping, prendre un café, participer à leurs activités hebdomadaires) pour ces personnes. Ma mission est également de veiller à l’engagement et au bien-être des personnes accompagnées lors des activités.

En parallèle, je collabore avec les membres de l’équipe éducative et les volontaires pour réfléchir à des projets de groupe et des projets personnalisés, dans un esprit de respect mutuel, de joie et de partage. C’est une expérience très riche, qui me permet de développer mes compétences humaines, mais aussi ma capacité d’adaptation, de travail en équipe et d’écoute profonde.

"Vivre à L’Arche m’a rappelé combien les gestes simples – écouter, célébrer, partager – peuvent avoir un impact immense sur le cœur des gens."

Quel est le moment le plus fort que tu as vécu depuis le début de ta mission ?

À L’Arche, tous les moments, qu’ils soient petits ou grands, sont exceptionnels. J’y ai vécu de très grands moments, pleins d’émotions et de reconnaissance. Un simple « Merci pour le repas » ou le fait de voir un visage s’illuminer après une activité ; ce constituent des récompenses et je ne pense pas les oublier de sitôt.

Vivre à L’Arche m’a rappelé combien les gestes simples – écouter, célébrer, partager – peuvent avoir un impact immense sur le cœur des gens. C’est la force de la vie communautaire, du lien humain sincère et du sentiment d’appartenance, qui sont au centre de la mission de L’Arche. Mon passage là-bas est un souvenir que je garde précieusement, car il résume ce que j’étais venue chercher : une expérience humaine vraie, fondée sur la joie et le respect de chacun.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile à gérer dans ton engagement à L’Arche ?

Ma plus grande difficulté a été l’adaptation aux besoins spécifiques de chaque personne accompagnée, surtout au début. En effet, j’ai participé à l’ouverture des nouveaux locaux au centre-ville de Clermont-Ferrand, à Monanges. Avec la nouvelle maisonnée, il y a eu de nouvelles personnes accueillies à L’Arche, et celles-ci n’avaient pas l’habitude de la vie en communauté que L’Arche propose. Ainsi, chaque nouveau résident a sa propre manière de communiquer, ses habitudes, ses sensibilités, et il a fallu beaucoup d’observation, de patience et d’écoute pour apprendre à interagir avec respect et efficacité.

Il m’est arrivé de me sentir démunie face à certaines réactions ou situations émotionnelles fortes. Mais avec l’accompagnement de l’équipe, les formations internes et surtout le lien de confiance qui s’est construit avec les résidents, j’ai pu dépasser cette difficulté. Aujourd’hui, je considère ces moments comme une opportunité de croissance personnelle : elle m’a permis de développer une vraie intelligence relationnelle et de mieux comprendre la richesse de la différence.

© Communauté de l’Arche de Clermont-Ferrand.

Qu’est-ce que cette expérience t’a appris sur toi-même, et qu’as-tu pu transmettre aux autres ?

Durant mon expérience à L’Arche, j’ai beaucoup appris sur le vivre-ensemble, la valeur de la présence humaine et l’importance de la patience et de l’écoute active. J’ai découvert que l’accompagnement ne repose pas seulement sur des compétences techniques, mais surtout sur la qualité du lien qu’on crée avec les personnes. J’ai aussi appris à mieux me connaître, à gérer mes émotions, et à travailler dans un cadre collectif interculturel et exigeant.

Ce que j’ai transmis, c’est ma bonne humeur, ma disponibilité et mon énergie positive au quotidien. J’ai aussi partagé des compétences organisationnelles dans la mise en place d’activités et j’ai contribué à créer un climat de confiance et de respect mutuel, où chacun se sentait écouté et valorisé.

"Ma mission à L’Arche a profondément transformé ma vision du volontariat et du travail. Elle m’a montré que travailler, ce n’est pas seulement accomplir des tâches, mais aussi créer du lien, apporter du sens et évoluer humainement"

Ta vision de l’engagement a-t-elle changé depuis que tu es volontaire ?

Ma mission à L’Arche a profondément transformé ma vision du volontariat et du travail. Elle m’a montré que travailler, ce n’est pas seulement accomplir des tâches, mais aussi créer du lien, apporter du sens et évoluer humainement. Le volontariat m’a appris que la vraie richesse d’un engagement, ce sont les relations humaines sincères, la solidarité au quotidien et la capacité à se rendre présent, simplement.

Cela m’a également donné une nouvelle perspective sur le travail : je souhaite désormais m’orienter vers des projets qui ont une utilité sociale et un impact durable. Je recherche un environnement professionnel où les valeurs comptent autant que les résultats, et où l’on travaille non pas pour les autres, mais avec eux. En ce sens, le volontariat a renforcé mon envie de m’engager dans un parcours à la croisée de l’humain, de la gestion de projet et du développement durable.

Quels sont tes projets après cette mission ?

Ma mission m’a apporté une maturité personnelle et professionnelle qui a profondément façonné ma vision du métier de juriste. Être au plus près des réalités humaines m’a permis de mieux comprendre l’impact concret du droit dans la vie des individus et des structures, et de développer des qualités indispensables à la pratique juridique : sens de l’écoute, gestion des situations sensibles, rigueur dans l’application des règles et capacité d’adaptation.

Cette expérience a encore plus renforcé ma volonté de m’engager dans un environnement où le droit est au service de l’humain, de la structure et de la performance. C’est dans cette continuité que je souhaite évoluer aujourd’hui dans un master de droit des personnes vulnérables, et je souhaite, en parallèle de mes études, mettre mes compétences juridiques au service d’une organisation structurée et exigeante, où je pourrai continuer à apprendre, à contribuer et à évoluer.

* Sources : INSEE, Haute Autorité de Santé (HAS), Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées (FEHAP), et Stratégie nationale 2023-2027 pour les personnes en situation de handicap portée par le ministère des Solidarités.

Le volontariat international et le handicap

De nombreux volontaires internationaux s’engagent auprès de structures accueillant des personnes en situation de handicap. En 2023, France Volontaires recensait près de 200 missions dans le domaine de la santé, dont certaines impliquant directement ou indirectement des actions pour l’inclusion des personnes en situation de handicap, en France comme à l’étranger, dans le cadre d’un volontariat de solidarité internationale. Ces missions permettent de croiser les regards, d’enrichir les pratiques, et de promouvoir une solidarité concrète et réciproque. Elles s’inscrivent dans les priorités portées par l’ONU et l’Agenda 2030, notamment l’objectif n°10 sur la réduction des inégalités.

Bio express

Essotolom Charlotte Kinao, est engagée dans les domaines des droits de l’Homme, de l’autonomisation de la femme, de la solidarité, du développement durable et de l'inclusion sociale depuis 2019. Originaire du Togo, elle est titulaire d’une licence fondamentale en droit privé des affaires. Volontaire de solidarité internationale à L’Arche de Clermont-Ferrand, elle accompagne au quotidien des personnes en situation de handicap mental, en favorisant leur autonomie et leur bien-être à travers des activités inclusives.
Essotolom Charlotte Kinao
Volontaire de solidarité internationale

La structure d'accueil

Implantée entre Chamalières et le centre-ville de Clermont-Ferrand, L’Arche est une communauté de vie partagée entre personnes avec et sans handicap mental. Fondée en 2014 à l’initiative de familles locales, elle rassemble aujourd’hui une soixantaine de personnes autour d’un projet fondé sur la relation, la bienveillance et la réciprocité. La communauté est composée de plusieurs maisons de vie, d’un atelier de jour et d’un café solidaire – le Café des sourires – installé dans l’ancien groupe scolaire Monanges. Chaque jour, les membres partagent des activités de travail, de création, des repas et des temps de lien dans un esprit d’inclusion.

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