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En Guinée, Marion Cassinot est volontaire de solidarité internationale au sein de l’association Climate Chance. Elle coordonne un projet de corridor de biodiversité reliant plusieurs aires protégées majeures du Fouta-Djalon, en lien étroit avec les institutions guinéennes et les communautés locales. Dans ce témoignage, elle raconte une expérience de volontariat faite d’adaptation, de coopération et de transformation personnelle.
Au cœur du massif du Fouta-Djalon, en Guinée, un projet structurant redessine les contours de la protection de la biodiversité. Porté par l’association Climate Chance, le « corridor de biodiversité » vise à relier plusieurs aires protégées majeures, dont les parcs nationaux de Badiar et du Moyen-Bafing, au Nord du pays, afin de restaurer des continuités écologiques essentielles à la circulation de la faune et à la préservation des écosystèmes.
Inscrit dans une coalition internationale co-présidée notamment par la Guinée et la France, ce projet entend aussi expérimenter des modèles de financement durables, associant étroitement les communautés locales. C’est dans ce cadre exigeant, entre coordination institutionnelle et travail de terrain, que Marion s’est engagée comme volontaire de solidarité internationale (VSI). Son témoignage raconte, de l’intérieur, ce que signifie participer à la construction d’un tel projet. Témoignage.
La Guinée n’attire pas mais elle retient… C’est une phrase que j’ai souvent entendue depuis mon arrivée.
Au début, je ne la comprenais pas vraiment. Et puis, avec les semaines, les mois, les rencontres… elle a commencé à prendre tout son sens.
Quand j’ai débarqué en Guinée pour la première fois, comme beaucoup, je me suis retrouvée un peu perdue : pas de repères, des codes différents, un environnement sensoriel totalement nouveau. Il faut réapprendre des choses aussi simples que se déplacer, faire ses courses, trouver ce qui nous rassure (comme du vrai café !). On se pose mille questions :
– Où faire du sport ?
– Quels seront mes loisirs ?
– Où rencontrer des gens ?
– Comment gérer la distance avec mes proches tout en construisant une nouvelle vie ici ?
Les premiers jours passent entre l’installation, la découverte du quartier, les premiers trajets en taxi, les premières rencontres. C’est une phase d’émerveillement, où tout est fascinant mais aussi déstabilisant. Puis vient le moment où l’on réalise : je suis ici pour un temps long, j’ai besoin de me trouver de nouvelles habitudes.
Le travail commence, et avec lui une interrogation : serai-je prise au sérieux en tant que femme, jeune, blanche, dans un contexte professionnel très différent du mien ?
Avec du recul, ces peurs étaient infondées. Les Guinéens et les Guinéennes sont d’une chaleur et d’une bienveillance incroyables. Travailler ici a été, dès les premiers jours, un vrai plaisir.
J’ai surtout eu la chance d’être bien entourée. Souleymane, mon collègue du début, m’a guidée dans les premières semaines : où boire un café, où petit-déjeuner, comment se repérer… Anne-Marie, de France Volontaires, a été une ressource précieuse, toujours disponible. La famille de mon compagnon guinéen (lui, resté en France) a également joué un rôle important dans mes premiers pas ici.
J’ai aussi rencontré le cercle des expatriés de Conakry, ceux qui connaissent les codes, les réalités du pays, les bons plans. Rassurant… mais j’avais aussi besoin de trouver quelqu’un qui, comme moi, venait d’arriver. Quelqu’un avec qui partager ce sentiment d’être un « bébé Guinée ».
Moi qui suis habituellement très indépendante, je me suis surprise à ressentir de la peur et de l’appréhension à faire des choses seule. Dès lors, j’ai décidé d’aller chercher cette indépendance, petit à petit, avec patience et bienveillance envers moi-même.
Aujourd’hui, cela fait un an et deux mois que je suis en Guinée, et je peux le dire : je n’ai jamais été aussi épanouie. Les premières peurs se sont transformées en forces. J’ai apprivoisé ce pays fait de débrouille, de réseaux et d’imprévus. J’ai appris à me décentrer, à adopter d’autres manières de penser, de vivre, de voir le monde.
C’est peut-être ça, la plus grande richesse du volontariat : avoir peur, mais avoir le courage d’y aller quand même. S’ouvrir, apprendre, se transformer.
J’ai également la chance d’être volontaire dans un domaine qui me tient particulièrement à cœur : la protection de l’environnement et de la biodiversité.
Depuis mon arrivée, je suis chargée du projet « Corridor de biodiversité » pour l’association française Climate Chance. L’idée : relier deux parcs nationaux, Badiar et Moyen-Bafing, dans la région naturelle du Fouta-Djalon, pour permettre aux grands mammifères de circuler librement, réduire les conflits humain-faune et soutenir les communautés locales dans des initiatives de développement durable.
C’est un projet exigeant, passionnant, qui m’a plongée au cœur d’un écosystème institutionnel et humain dense. Je coordonne un consortium d’acteurs guinéens et internationaux, j’échange avec nos bailleurs, je travaille avec le ministère de l’Environnement et du Développement durable. J’ai acquis de nombreuses compétences dont je suis réellement fière.
Mais le plus marquant, cela reste les missions sur le terrain.
En juin, j’ai passé dix jours dans le Fouta-Djalon avec plusieurs partenaires. Dix jours à parcourir des pistes caillouteuses, à travers montagnes et vallées. Dix jours à géoréférencer des zones clés, à dialoguer avec les communautés, à valider des limites, à finaliser des cartographies.
Ces moments m’ont profondément transformée. Ils m’ont rappelé que rien ne se construit sans les habitants, leur confiance, leur vision.
Et puis il y a Alpha Oumar Barry, mon collègue basé à Labé. Son énergie et sa motivation font de notre duo une force. Grâce à lui, je vois concrètement ce que signifie un volontariat réussi : une complémentarité, un apprentissage réciproque, un engagement partagé.
Après plus d’un an ici, je suis convaincue d’une chose : le volontariat est un pont. Un pont entre les cultures, les visions, les manières d’agir. Un pont pour construire ensemble un avenir plus harmonieux et durable.
Et finalement… je crois que oui : la Guinée n’attire peut-être pas au premier regard.
Mais qu’est-ce qu’elle retient !
Un corridor de biodiversité, c'est quoi ?
Un corridor de biodiversité, ou corridor écologique, désigne un ensemble d’espaces permettant aux espèces animales et végétales de circuler entre différents réservoirs de biodiversité, comme des forêts, des parcs nationaux ou des zones humides. Ces connexions sont essentielles pour se nourrir, se reproduire, s’adapter aux changements environnementaux et assurer la pérennité des écosystèmes. Les corridors peuvent prendre des formes variées : haies, bandes végétalisées le long des cours d’eau, îlots-relais tels que mares, bosquets ou zones refuges, mosaïque de milieux complémentaires. Ils n’impliquent pas nécessairement une continuité physique stricte et peuvent être adaptés aux réalités locales. Dans certains cas, l’isolement d’un espace naturel reste pertinent pour préserver la biodiversité, notamment afin de limiter la propagation d’espèces invasives ou de maladies.
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