Un an après la signature d’une convention avec France Volontaires, Ahmed El Khadiri, délégué général de l’Union Nationale des Missions Locales (UNML), répond à nos 5 questions et revient sur l’importance d’un accompagnement global pour l’intégration des jeunes. La dimension internationale, à travers les dispositifs proposés par France Volontaires, trouve naturellement sa place dans cette dynamique.
En 1981, Pierre Mauroy, alors premier ministre du président Mitterrand, déclarait dans sa lettre de mission adressée à Bertrand Schwartz qu’il avait chargé d’un rapport sur l’insertion des jeunes, que « l’entrée des jeunes dans la vie active, après la fin de la scolarité, est devenue pour beaucoup d’entre eux, une véritable course d’obstacles et une période d’incertitude et de déstabilisation ». C’est ce qui a conduit à la création de la première mission locale l’année suivante.
Plus de quarante ans après l’ouverture de la première mission locale, les jeunes sont-ils toujours dans ce même état d’esprit ? Qu’est-ce qui a changé ?
La situation des jeunes en France reste effectivement une préoccupation centrale, qui doit interpeler toute la société : les jeunes d’aujourd’hui sont l’avenir social, citoyen et économique de demain.
Comme cela a pu être pointé il y a quelques semaines dans le rapport annuel de la Cour des Comptes dédié à la jeunesse, cette période de construction est marquée par des basculements cruciaux, qui doivent encore aujourd’hui être accompagnés, en particulier pour les jeunes les plus fragiles.
Ce rapport pointe que sur le total des 9 millions de jeunes de 15 à 25 ans recensés en 2024, plus d’un jeune sur dix est en situation de pauvreté et que le phénomène s’aggrave depuis la fin des années 1960. N’oublions pas que ceux-ci ont été durement touchés financièrement, mais aussi socialement et dans la construction de leur avenir professionnel, par la crise du Covid-19, qui a laissé des séquelles importantes sur leur santé mentale.
Avec 16% d’entre eux durablement éloignés de la formation et de l’emploi, 27% des jeunes de quartiers prioritaires sans diplôme ou encore 38% de jeunes ruraux ayant déjà renoncé à un entretien d’embauche en raison de difficultés de déplacements, nous pouvons supposer que l’entrée dans la vie sociale et active reste un parcours particulièrement complexe et que la possibilité de bénéficier d’un accompagnement renforcé et global, comme cela est proposé en Mission Locale, reste indispensable.
Dans la lettre de mission qui a mené au rapport remis par Bertrand Schwartz au Président de la République en 1981, ce derniers mentionne que « rien ne se fera sans les jeunes ». C’est encore le leitmotiv qui anime l’action des Missions Locales.
"Les jeunes d'aujourd'hui sont l'avenir social, citoyen et économique de demain "
Ahmed El Khadiri, délégué général de l’UNML
Le rapport de Bertrand Schwartz préfigura les permanences d’accueil, d’information et d’orientation des missions locales officialisées par une ordonnance du 26 mars 1982. Comment les actions des missions locales ont-elles évolué au fil des décennies ? Quelles sont aujourd’hui les principales missions de l’UNML ?
À l’époque de la remise du rapport, les « Missions » Locales devaient, comme leur qualification l’indique, exister temporairement, les pouvoirs publics de l’époque ayant en effet confiance en une reprise forte et durable de l’économie. Néanmoins, la pérennisation des difficultés auxquelles font face les jeunes a également mené au développement et à la pérennisation de notre réseau.
À ce jour, ce sont 440 Missions Locales et 15 000 salariés qui exercent une mission de service public (article L5314-2 du Code du travail) en accompagnant plus de 1,1 million de jeunes chaque année.
Pourquoi les Missions Locales restent-elles nécessaires ? Car le réseau des Missions Locales représente l’unique service de proximité dédié à l’insertion socioprofessionnelle des jeunes de 16 à 25 ans.
L’ensemble des jeunes qui passent la porte des Missions Locales présentent chacun des parcours qui nécessitent un accompagnement global et individualisé, pour une intégration sereine, confiante et solide dans la société et dans le monde professionnel.
Au fil des décennies, le travail des conseillers d’insertion s’est étoffé et spécialisé. Aujourd’hui, les conseillers des Missions Locales repèrent, accueillent, informent, orientent, et accompagnent ces jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation, dans la construction de leur parcours, à la fois en faisant émerger leur projet d’avenir mais aussi en leur permettant de lever des freins, plus ou moins importants selon leurs besoins, qu’ils soient matériels, administratifs ou même psychologiques.
C’est ainsi que les Missions Locales développent un éventail très large d’outils et de dispositifs complémentaires à l’accès à la formation ou à l’emploi : accéder au logement, obtenir son permis, apprendre à se déplacer, ouvrir des comptes administratifs, mais aussi connaître ses droits et devoirs en tant que citoyen, réfléchir à des sujets de société comme les violences sexistes et sexuelles, ou encore accéder aux loisirs ou à un accompagnement psychologique, sont tout autant de services qui constituent ce que nous appelons l’accompagnement global.
Quant à l’UNML, nous remplissons trois grandes missions : Représenter les Missions Locales auprès des pouvoirs publics et des partenaires au niveau national ; animer, accompagner et outiller les Missions Locales pour leur permettre de réussir leur mission d’insertion socio-professionnelle des jeunes ; et enfin, en tant que syndicat d’employeurs, nous représentons les employeurs dans les négociations paritaires et animons le dialogue social.
Présentes aujourd’hui sur l’ensemble du territoire national, les 440 Missions Locales accueillent et accompagnent plus de 1,1 million de jeunes par an. Pourquoi avoir décidé de signer une convention de partenariat avec France Volontaires ?
Depuis 2023, la mobilité internationale a été intégrée dans la stratégie nationale du réseau portée par l’UNML. Nous sommes en effet convaincus de l’impact de la mobilité internationale dans le parcours de jeunes, tant pour l’acquisition de savoir-être et de savoir-faire que pour la motivation qui anime les jeunes qui en bénéficient dans la construction de leur parcours.
Dans un contexte où plusieurs Missions Locales travaillent ou bien ont travaillé par le passé avec France Volontaires, la signature de la convention avec France Volontaires était pour l’UNML incontournable : cette convention nous a permis de réaffirmer à l’échelle nationale notre volonté d’accompagner le réseau des Missions Locales dans la connaissance des projets et dispositifs proposés par France Volontaires et dans leur mise en place, notamment le Service Civique international et les chantiers de solidarité.
À la suite de cette signature, nous avons également intégré la plateforme de France Volontaires pour y représenter notre réseau et plus particulièrement les jeunes les plus éloignés de la mobilité, dont l’enjeu de l’accessibilité aux dispositifs est une volonté partagée entre l’UNML et France Volontaires.
"La confrontation à un nouvel univers culturel, à de nouvelles responsabilités, mais aussi et bien évidemment le sentiment d’utilité qui émerge d’une telle expérience, permettent d’observer des changements forts chez des jeunes"
Ahmed El Khadiri, délégué général de l’UNML
Ce n’est pas une première coopération entre FV et l’UNML puisqu’entre 2016 et 2018, 98 jeunes avaient été envoyés par quinze Missions Locales dans une vingtaine de pays dans le cadre d’un service civique international. Comment comptez-vous renforcer la dimension internationale de vos actions ?
Le projet des « Ambassadeurs de l’engagement citoyen à l’international » a effectivement été une formidable expérience, dont l’étude d’impact a pu montrer les effets de ces expériences de Service Civique sur les jeunes : au moment de l’entrée dans le projet, près de 4 jeunes sur 5 n’étaient ni en emploi, ni en formation. Un ou deux ans après, parmi les répondants à ce nouveau questionnaire, seuls 14% étaient en recherche d’emploi, tandis que 38% étaient en emploi et 34% en formation. 14% d’entre eux avaient par ailleurs poursuivi leur engagement dans le cadre d’un autre dispositif.
Ce projet a été une réussite notamment grâce à la mise en place de missions de Service Civique adaptées aux jeunes les plus éloignés de la mobilité, en créant un parcours d’accompagnement renforcé et des durées de missions plus courtes qu’habituellement, pour une durée de 6 mois dont le premier et le dernier mois se déroulaient en France. Cette « formule adaptée » d’un dispositif comme le Service Civique est un modèle de flexibilité qui permet de développer l’accessibilité de l’international.
C’est pourquoi nous avons repris ce modèle et invité deux Missions Locales, Le Havre Estuaire Littoral et Lille Avenirs, à répondre à l’appel à projet « accessibilité » porté par l’Agence du Service Civique et France Volontaires et à se baser sur ce modèle réussi pour mettre en œuvre de nouvelles missions de Service Civique international.
Concernant la dimension internationale de nos actions, cela représente un travail important de mise à disposition de connaissances et d’outils pour que chaque Mission Locale ait connaissance des opportunités de mobilité internationale et sache comment les mettre en œuvre ou en bénéficier par le biais de partenaires nationaux ou locaux.
Notre objectif avec France Volontaires est de voir se multiplier les projets de Service Civique international dans les Missions Locales, mais également la réciprocité à travers l’accueil de volontaires internationaux en France.
Quelle place le volontariat international peut-il prendre dans l’orientation des jeunes aujourd’hui ?
La mobilité constitue un véritable effet levier sur le parcours d’insertion des jeunes qui en bénéficient. Je dirais même qu’elle revêt un effet accélérateur et amplificateur, qui transparaît au travers des études d’impact comme celle citée précédemment sur le projet « Ambassadeurs », mais également au travers de tous les témoignages de jeunes et des conseillers qui les accompagnent.
La confrontation à un nouvel univers culturel, à de nouvelles responsabilités, mais aussi et bien évidemment le sentiment d’utilité qui émerge d’une telle expérience, permettent d’observer des changements forts chez des jeunes qui sont parfois fragilisés, a minima éloignés de ces opportunités par un nombre important de freins. Le volontariat international favorise l’émergence de nombreux savoir-être et savoir-faire qui se révèlent précieux pour la suite de leurs parcours comme la prise de confiance, le développement de l’autonomie, du travail en équipe, des responsabilités, l’ouverture à l’interculturalité et une meilleure identification de son projet d’orientation.
Si ce sont des effets qui sont exprimés par la majorité des jeunes qui vivent un Service Civique international, je pense que l’on peut affirmer que cela représente une expérience d’autant plus marquante et transformatrice pour des jeunes qui n’auraient peut-être jamais connu ce programme ou bien osé candidater sans que cela ne leur soit proposé.
C’est pourquoi il nous tient particulièrement à cœur d’œuvrer pour le développement de ces opportunités, afin que le maximum de jeunes, et notamment les jeunes avec moins d’opportunités que nous accueillons dans nos Missions Locales, puissent vivre l’expérience unique du volontariat international.
L'Union Nationale des Missions Locales en bref
L’Union nationale des Missions Locales (UNML), association loi 1901 créée en 2003, assure à la fois l’animation du réseau des Missions Locales et leur représentation auprès des acteurs publics, économiques et sociaux au plan national, ainsi que la fonction de syndicat d’employeurs de la branche professionnelle qui regroupe plus de 15 000 salariés. Présentes sur l’ensemble du territoire, les 437 Missions Locales exercent une mission de service public de proximité avec un objectif essentiel : permettre à tous les jeunes de 16 à 25 ans de surmonter les obstacles à leur insertion professionnelle et sociale.