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Depuis plusieurs années, la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur tisse une collaboration singulière avec le Costa Rica autour d’un enjeu commun : la préservation des aires marines protégées. Un chantier aussi vital que fragile, auquel a contribué Gaël Alsiret, volontaire de solidarité internationale, témoin et acteur de cette coopération inédite qui est revenu de mission il y a quelques semaines.
San José, capitale nichée au cœur du Costa Rica, n’a rien d’une cité balnéaire. Pourtant, c’est bien là que Gaël Alsiret a posé ses valises pour une mission d’un an en tant que volontaire de solidarité internationale. À 29 ans, ce diplômé en géographie et relations internationales, passé par l’IRIS Sup’ et l’ambassade de France au Costa Rica, s’est vu confier une tâche à la croisée des politiques publiques et de la diplomatie environnementale : initier un projet de coopération sur la protection des aires marines protégées entre la Région Sud et le Costa Rica : « Pendant un an, j’ai été en charge de la gestion et du suivi de projets entre la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Costa Rica, dans le domaine de l’environnement. J’ai amorcé un projet sur la protection des aires marines protégées » se remémore-t-il.
Une mer sous pression
L’enjeu est majeur. À l’heure où les océans subissent de plein fouet les effets du dérèglement climatique, les aires marines protégées apparaissent comme l’un des derniers remparts face à l’effondrement de la biodiversité. Elles couvrent environ 8 % des espaces maritimes mondiaux, bien loin de l’objectif de 30 % fixé par les instances internationales à l’horizon 2030. Plus qu’un outil de conservation, ces zones sont aussi des laboratoires d’adaptation au changement climatique, des refuges pour la faune marine, et des espaces d’expérimentation pour une gestion plus durable des ressources halieutiques.
Parmi les enjeux des aires marines protégées au Costa Rica : assurer la préservation des tortues de mer, menacées de chasse et de braconnage. © Pedro Novales / Unsplash
C’est justement cette vision partagée de la protection marine qui a rapproché la Région Sud et le Costa Rica. Dès 2021, un partenariat a été noué à travers le projet Duodiversité, orchestré notamment par le Parc national de Port-Cros. Sur le terrain, la mission de Gaël s’est concentrée sur la côte caraïbe du Costa Rica, dans une aire protégée cogérée par l’État et les communautés autochtones locales. Une configuration rare qui appelle une gouvernance subtile. « On a pu échanger avec des communautés natives. L’aire marine protégée est cogérée : une entrée est sous la responsabilité du gouvernement, l’autre sous celle de la population locale. L’objectif était d’impliquer davantage ces communautés. »
Au fil de sa mission, Gaël a identifié des fragilités multiples : tourisme de masse, pêche intensive, espèces invasives, pollution agricole. Sans oublier les menaces silencieuses qui rongent les écosystèmes coralliens, comme le blanchissement des coraux ou la disparition progressive de certaines espèces emblématiques. « On est dans une zone où la population vit de la pêche. Il faut concilier l’économique et l’écologique. Les espèces invasives, le braconnage de la tortue, le blanchissement des coraux… ce sont des dangers bien réels », regrette-t-il.
L’écologie comme terrain d’échange
Si le Costa Rica est souvent érigé en modèle écologique, la réalité est plus contrastée. Certes, la politique de reforestation et d’agroforesterie est pionnière, mais d’autres pratiques viennent ternir le tableau. L’usage intensif de pesticides, les carences dans le traitement des déchets, et une sensibilisation encore inégale freinent les ambitions environnementales. Gaël confirme : « Le Costa Rica mène une vraie politique de reforestation. Mais c’est aussi le pays qui utilise le plus de pesticides au mètre carré. Cette pollution chimique se propage des champs à la mer. »
En novembre 2022, une délégation du Parc national du Corcovado, du Costa Rica, a été accueillie sur le territoire du Parc national de Port-Cros. © Bertrand Bordie / Unsplash
Dans ce contexte, la coopération entre la Région Sud et le Costa Rica se veut réciproque. Il ne s’agit pas d’imposer un modèle mais bien de favoriser l’échange d’expériences, l’apprentissage mutuel. La création d’une chaire de recherche conjointe entre l’université du Costa Rica et l’Université Côte d’Azur en est une illustration concrète. Délégations, scientifiques, institutions gouvernementales : tous les acteurs sont invités à croiser leurs savoirs pour renforcer la résilience des littoraux. « Ce n’est pas un transfert à sens unique. La Région Sud s’inspire aussi de ce qui se fait au Costa Rica. La création d’une chaire entre les deux universités, c’est une façon d’ancrer cette collaboration dans la durée », plaide l’ancien volontaire.
Gaël a vécu cette année comme un temps de bascule. Hébergé à l’université du Costa Rica, impliqué dans les préparatifs du sommet “Immersed in Change” préparatoire à la troisième Conférence de l’ONU sur les océans (qui aura lieu du 9 au 13 juin 2025), il a vu se cristalliser une diplomatie de terrain, humble et patiente, où chaque lien tissé compte : « L’événement réunissait chercheurs, institutions et gouvernements autour des enjeux marins. Ces échanges permettent de donner de la visibilité à notre action commune », se souvient-il.
Sensibiliser, relier, ancrer
La mission n’est pas terminée. Les projets sont soutenus via la FICOL (Facilité de financement des collectivités territoriales françaises par l’Agence française de développement) et la volonté politique ne faiblit pas. La suite s’écrit déjà dans les interactions à venir : voyages d’études, coopérations universitaires, mais aussi mise en relation d’associations locales de la région Sud avec leurs homologues costariciennes pour la protection des tortues ou la sensibilisation des jeunes générations.
« L’aire marine protégée est cogérée : une entrée est sous la responsabilité du gouvernement, l’autre sous celle de la population locale. L’objectif estd’impliquer davantage ces communautés. »
Et c’est peut-être là que réside le cœur du projet : dans cette idée simple mais exigeante que la protection des océans ne peut se faire sans les habitants, sans les acteurs du territoire. Pas de solution hors-sol, mais une intelligence collective à construire, entre deux rives, au plus près des récifs : « Il y a une conscience environnementale chez certains acteurs, mais beaucoup de populations locales estiment que ce sont des problématiques occidentales. Notre défi, c’est aussi de rendre ces enjeux concrets, vitaux, pour toutes et tous », plaide Gaël, qui a rejoint l’Université Paris-Saclay, où il poursuit son engagement dans la coopération internationale.
S’il a quitté San José, il reste convaincu de l’utilité de ce type de partenariat entre collectivités. « La coopération entre la Région Sud et le Costa Rica montre que les échanges entre territoires peuvent faire avancer concrètement la protection de l’environnement. C’est un travail de long terme, mais il est nécessaire. » Une dynamique puissante et structurante, qui s’appuie sur la continuité des relations, l’implication locale et le croisement des expertises. De quoi poser les bases d’une solidarité climatique à l’échelle internationale.
Playa Grande, dans la province de Guanacaste au Costa Rica. © Luis Diego Aguilar / Unsplash