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LE MAG’

Sport et insertion : Visions Mêlées compte sur Manoa pour créer du collectif

22 Avr. 2025

Manoa a mis en place des séances d’entraînement pour monter une équipe de basket pour des jeunes de la banlieue bordelaise. © France Volontaires

À Pessac, dans la banlieue de Bordeaux, un entraînement de basket pas comme les autres a lieu chaque lundi. Aux commandes, Manoa, jeune Fidjien en service civique international, incarne la philosophie de l’association Visions Mêlées : croiser les parcours, bousculer les cases, et marquer des points dans la vie.

Sur le terrain de basket du complexe sportif de Bellegrave, à Pessac (Gironde), ils sont une demi-douzaine, filles et garçons, à s’être donné rendez-vous sous le panier du terrain de basket en plein air. Un ciel d’encre flotte au-dessus des têtes. Il est 14h en ce lundi de mars, et la ville semble en veille. Mais sur l’asphalte, on commence à s’activer. En survêtements et baskets, pour certains avec un chasuble jaune canari sur le dos, on enchaîne les passes, les dribbles, les encouragements. Et au milieu d’eux, une voix résonne, qui mêle anglais des îles Pacifique et français balbutiant: « Vas-y, good job ! Encore ! Allez, encore un shoot ! » C’est Manoa, tout sourire, qui mène la séance.

 Sydney Djiropo (de dos), fondateur de l’association Visions Mêlées, en présence de l’équipe de basket pour laquelle Manoa assure les séances d’entraînement à Pessac, dans la banlieue bordelaise. © France Volontaires

Manoa vient des Fidji. Il a 22 ans, un rire franc, et une passion pour le basket qui a traversé les océans. Il est arrivé à Bordeaux il y a quelques semaines dans le cadre d’un service civique international de sept mois au sein de l’association Visions Mêlées, via Cool’eurs du monde. Ce lundi, c’est lui qui est aux commandes d’un atelier pas tout à fait comme les autres. Car ici, on ne vient pas seulement apprendre à shooter ou à défendre. On vient respirer. Reprendre confiance. Retrouver le goût du collectif.

Le sport comme langage universel

« Manoa, on ne lui a pas dit quoi faire. On l’a formé à la méthodologie de projets mais on lui a laissé de la place », explique Sydney Djiropo, fondateur de Visions Mêlées, qui observe la séance au bord du terrain. Cet ancien rugbyman semi-pro a monté son association il y a huit ans. L’idée, à l’origine, c’était d’aider les sportifs à préparer leur reconversion. Puis le projet a pris de l’ampleur : artistes précaires, étrangers, jeunes en décrochage… tous ceux que les dispositifs classiques peinent à atteindre trouvent chez Visions Mêlées un tremplin. « L’objectif, ce n’est pas de te demander ton CV. C’est de le construire avec toi », défend cet ex-ailier de l’Union Bordeaux-Bègles.

Sur le bitume, Manoa enchaîne les exercices. Échauffement, petits jeux, mise en situation. Un ballon passe de main en main, les rires éclatent, quelques regards d’abord timides s’ouvrent peu à peu. « On travaille avec des jeunes éloignés de l’emploi ou des étrangers en apprentissage du français, explique Sydney. Le sport, c’est un langage universel. Et le basket, c’est parfait pour ça. T’as besoin de l’autre. Tu ne peux pas jouer seul. »

"Ce qui fonctionne vraiment, avant tout, c’est la relation, l’écoute... Et c’est là que les volontaires comme Manoa ont un rôle déterminant. Ils sont sur le terrain, au contact. Ils apportent leur regard."

Sydney Djiropo, fondateur de l’association Visions Mêlées

C’est exactement ce que cherche Visions Mêlées : créer des passerelles. Pour Sydney, les ateliers sont autant de prétextes à la rencontre. « On mêle les publics. Ils font du sport ensemble, ils apprennent le français ensemble. C’est comme ça que les choses se passent. » Parfois aussi, ils apprennent la cuisine ensemble. Grâce à Food Ruck (un clin d’œil au ruck du rugby), un camion coloré qui sillonne les quartiers, mais pas pour vendre des frites ou des pizzas. À son bord, des jeunes en insertion, encadrés par des pros de la cuisine et de l’accompagnement social. Ici, on apprend à cuisiner, à gérer les commandes, à tenir une caisse. « C’est un outil pédagogique, mais aussi un vrai tremplin vers l’emploi », explique Sydney. « Grâce au Food Ruck, ils acquièrent des compétences concrètes, découvrent le travail en équipe, reprennent confiance. » Le camion se pose régulièrement dans les quartiers, où il offre des goûters gratuits aux gamins qui participent aux ateliers sportifs ou culturels proposés par Visions Mêlées ou ses partenaires. Une façon aussi d’aller à la rencontre des familles, des petits frères…

Un tremplin vers l’emploi

« Visions Mêlées, c’est une équipe de professionnels : il y a des éducateurs spécialisés, des juristes, des profs de FLE (français langue étrangère)… mais tu te rends compte que ce qui fonctionne vraiment, avant tout, c’est la relation, l’écoute, les petites choses concrètes. Et c’est là que les volontaires comme Manoa ont un rôle déterminant. Ils sont sur le terrain, au contact. Ils apportent leur regard », plaide Sydney.

Le soleil perce finalement entre les nuages. L’entraînement touche à sa fin. Les jeunes s’assoient quelques minutes, respirent fort, sourient. Manoa les remercie, prend quelques nouvelles, demande qui revient le lundi suivant. La plupart lèvent la main.

Avant de ranger les ballons, il lève les yeux vers le panier. « J’attends beaucoup de cette mission et du travail que je mène avec Visions Mêlées. Nous avons quelque chose de similaire chez moi, qui s’appelle Bula Hoops, un programme destiné aux jeunes enfants de 5 à 14 ans. Même si à Bordeaux, mon public cible est plus âgé – je ne savais pas qu’après 16 ans, il n’était plus obligatoire d’aller à l’école – j’espère que je serai en mesure de ramener tout ce que j’ai appris à faire aux Fidji. » Il sourit, et le panier au-dessus de lui, un peu cabossé, semble lui rendre son clin d’œil.

Quatre volontaires fidjiens en France grâce au FEF-R

Outre Manoa, déployé pour sept mois chez Visions Mêlées, trois autres volontaires fidjiens sont arrivés en France au mois de janvier dernier : Makarita Nakavulevu , en mission chez Drop de Béton (également dans l’agglomération bordelaise), Henry Hiramatsu, au sein de l’association Scoope à Saumur (Maine) et enfin Joshua Yee, mobilisé auprès du du coach de tennis de table de Hennebont (Morbihan).

Leur déploiement a été financé par le Fonds Équipe France (FEF)-R, l’un des outils de coopération bilatérale du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Ce dispositif permet aux ambassades de soutenir des projets de coopération : dans le cas des Fidji, accompagner plusieurs axes stratégiques dans le domaine sportif comme l’accès aux infrastructures, le soutien à des politiques d’inclusion, ou de lutte contre les discriminations et de réinsertion par le sport.

L’arrivée des quatre volontaires s’inscrit dans le cadre du principe de réciprocité, qui permet à des jeunes de pays partenaires de réaliser en France des missions de solidarité internationale dans des structures à but non lucratif ou des collectivités locales.

Bio express

Manoa Keteca a 20 ans. Il est actuellement étudiant en économie à l'Université du Pacifique-Sud à Suva, la capitale des îles Fidji. Il réalise sa mission de solidarité internationale en réciprocité dans le cadre d'un Service civique international porté par l'association Cool'eurs du monde (membre de France Volontaires), du 13 janvier au 13 août 2025. Objectif : faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes demandeuses d'asile, migrantes ou des jeunes éloignés de l’emploi par la pratique du sport, l'accès à des évènements culturels et l'accompagnement professionnel.
Manoa Keteca
Service Civique international

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