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LE MAG’

Une archiviste en mission au Cameroun pour préserver la mémoire de la forêt

5 Nov. 2025

Pendant deux semaines, Mia Viel a animé des sessions de formation aux archives. © DR

Pendant deux semaines, Mia Viel, archiviste, a quitté son quotidien pour celui de la forêt camerounaise. Dans la réserve de faune de Santchou, elle a accompagné les équipes locales pour remettre de l’ordre dans des décennies de documents accumulés. Une mission courte mais décisive, entre adaptation culturelle, engagement professionnel et quête de sens.

Lorsqu’une amie lui envoie une petite annonce pour une mission de solidarité internationale au Cameroun, Mia Viel n’hésite pas longtemps. « Je me suis dit que c’était une occasion à ne pas laisser passer », raconte-t-elle. Archiviste depuis quatre ans, elle ne connaît alors ni le Cameroun, ni le volontariat d’échanges et de compétence (VEC), ni Planète Urgence, cette ONG qui œuvre à préserver les forêts et la biodiversité au travers d’actions de protection et de sensibilisation. Mais l’annonce (la réserve de faune de Santchou cherche un soutien pour gérer ses archives) répond à son goût de l’engagement, elle qui est depuis longtemps impliquée dans divers projets d’intérêt général.

Dans la réserve de Santchou, au cœur de la mémoire administrative

Nichée dans l’Ouest du Cameroun, la réserve de faune de Santchou (lire ci-dessous) protège un espace naturel unique, où cohabitent espèces rares et activités humaines. Et comme toute organisation administrative, elle produit des documents : rapports, inventaires, correspondances…

Mais ici, le classement reste encore à peaufiner. Sa mission : former l’équipe à structurer ces archives, papier comme numériques, pour que la bonne organisation des documents de la réserve permette d’aboutir à une gestion plus efficace. « L’objectif, c’était que les agents puissent retrouver facilement l’information et comprendre pourquoi on classe de telle manière ». Pendant deux semaines, elle anime des sessions de formation, inventorie, indexe et surtout transmet des méthodes adaptées au contexte local.

Le groupe formé pendant deux semaines aux techniques d’archivage par Mia Viel. © DR

Car l’administration camerounaise a ses propres codes. « Les techniques que j’applique en France ne pouvaient pas être reproduites telles quelles. Il fallait comprendre les règles du pays, sa loi sur les archives, son histoire », détaille-t-elle. Une adaptation d’autant plus passionnante que le Cameroun partage certains principes d’archivage avec la France : « Mon expertise n’était pas complètement décalée. Il fallait juste apprendre à naviguer autrement. »

Une leçon d’adaptation et d’humilité

Sur place, Mia découvre un quotidien qui est aussi fait de débrouille et de patience, avec des petites contraintes qui la forcent à revoir ses habitudes. « Par exemple, on a manqué de cartons d’archivage. En France, on aurait dit : là, ce n’est pas possible. Mais au Cameroun, on trouve toujours des solutions», s’amuse-t-elle.

Cette résilience, elle la partage avec les agents qu’elle forme. Ensemble, ils trient des piles de documents et échangent sur les bonnes pratiques : « Ça m’a appris à prendre du recul sur mon métier, à ne pas considérer mes méthodes comme universelles ».

L’expérience l’a aussi reconnectée à l’essence de son travail : donner du sens à la mémoire collective. Et au-delà du professionnel, l’humain prend le relais. « J’ai rencontré des personnes formidables, des collègues qui sont devenus des amis. On s’écrit encore aujourd’hui. »

"Les techniques que j’applique en France ne pouvaient pas être reproduites telles quelles. Il fallait comprendre les règles du pays, sa loi sur les archives, son histoire."

Mia Viel, volontaire d’échanges et de compétence

De retour en France, Mia ne veut pas s’arrêter là. Elle garde en tête les besoins exprimés par d’autres structures, notamment la faculté d’agronomie de Dschang, proche de Santchou. « Des étudiants sont venus assister à la formation et m’ont dit : il faut qu’on fasse pareil chez nous ». Depuis, elle prépare un nouveau projet avec l’association Archivistes sans frontières, qui l’avait déjà aidée à monter financièrement et logistiquement cette première mission.

Pour elle, les archives ne sont pas seulement un outil administratif, mais un levier d’accompagnement des politiques publiques. « On parle rarement de notre métier, alors qu’il est essentiel pour comprendre et protéger ce qui nous entoure », conclut-elle.

Écouter l'interview de Mia sur Archivistica

La réserve de faune de Santchou

Créée en 1947, la réserve de faune de Santchou s’étend sur près de 7 000 hectares dans la région de l’Ouest du Cameroun. Elle abrite une riche biodiversité : buffles, céphalophes, singes et nombreuses espèces d’oiseaux. Menacée par la déforestation et l’agriculture intensive, la réserve joue un rôle essentiel dans la préservation des écosystèmes forestiers. Ses équipes mènent aussi des actions de sensibilisation auprès des communautés locales et assurent la gestion administrative du site, indispensable à sa protection à long terme. Planète Urgence y mène depuis plusieurs mois des missions de volontariat, en appui à la gestion des ressources naturelles et au renforcement des capacités des équipes locales.

 © Wikimedia / GKNlend

Le volontariat d’échanges et de compétences (VEC)

Le volontariat d’échanges et de compétences (VEC) est un dispositif porté par France Volontaires et ses membres, notamment Planète Urgence. Il permet à des professionnels expérimentés de mettre leurs compétences au service d’organisations locales à l’étranger pendant des périodes allant de deux à quatre semaines. Ces missions contribuent au renforcement de capacités des structures partenaires et favorisent la réciprocité des savoirs entre professionnels des pays partenaires.

Bio express

Mia Viel a découvert sa vocation presque par hasard, en 2018, lors de ses études de lettres à Rennes à la lecture d’un essai feuilleté à la bibliothèque universitaire. L’année suivante, elle intègre le master archives de l’Université d’Angers, dont elle sort diplômée en 2021. Depuis l’été 2022, elle est archiviste itinérante dans un centre de gestion de la fonction publique territoriale, pour les collectivités territoriales qui la sollicitent. Curieuse et engagée, elle multiplie les projets associatifs et culturels. En 2025, elle part pour la première fois en mission de solidarité internationale, au Cameroun, dans le cadre d’un volontariat d’échanges et de compétence au sein de la réserve de faune de Santchou.
Mia Viel
Volontaire d'échanges et de compétence

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