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LE MAG’

Une pépinière pour sauver le « bambou africain »

9 Mai. 2025

© Ato Aikins /Unsplash

Plante emblématique des zones humides de l’ouest camerounais, le raphia vinifera — surnommé le « bambou africain » — structure les écosystèmes autant qu’il nourrit les traditions. Menacé par la déforestation et la surexploitation, il est aujourd’hui au cœur d’un projet de sauvegarde porté par l’association OCDD. Deux volontaires français, envoyés par Planète Urgence, se mobilisent pour sa survie..

Sur les terres verdoyantes de Bandrefam, petit village du Nord-Ouest du Cameroun, les tiges massives du raphia vinifera se dressent comme les piliers d’une cathédrale végétale. Le palmier géant aux larges feuilles n’est pas qu’un décor : il façonne l’habitat d’oiseaux, d’insectes et de mammifères, régule le cycle de l’eau, stabilise les sols, et, surtout, nourrit un lien séculaire entre les hommes et la forêt.

Planter 50 000 arbres d’ici 2026

Mais ce lien est fragile. Entre la déforestation galopante, les coupes non régulées et le dérèglement climatique, les populations de raphia sont en chute libre. Face à cette urgence, l’Organisation camerounaise pour le développement durable (OCDD), une ONG locale, a lancé un projet ambitieux de préservation de l’espèce. Parmi les divers projets mis en œuvre, une pépinière a ainsi vu le jour à Bandrefam.

Deux volontaires en service civique international, Anaïs Charpin et Benjamin Royer, ont rejoint les rangs de l’OCDD via l’ONG française Planète Urgence. Leur engagement s’inscrit à la fois dans la reforestation concrète et dans une stratégie plus large de sensibilisation et de structuration, conformément aux objectifs de l’Agenda 2030 des Nations Unies.

« Dans le cadre de ma mission je suis chargée de la communication, notamment l’animation des réseaux sociaux et la création de supports. J’aide à développer les partenariats, à sensibiliser dans les établissements scolaires sur les enjeux climatiques, à encadrer des bénévoles et à contribuer à un projet touristique. J’apporte également mon soutien à la pépinière lorsque je suis au village, dans le cadre du projet de reboisement et de sensibilisation autour du Raphia Vinifera », explique Anaïs, en mission depuis plusieurs mois. Elle a notamment initié un circuit écotouristique au cœur même de la pépinière. Objectif : éduquer les visiteurs tout en finançant le projet.

La pépinière n’est pas qu’une vitrine, mais un centre névralgique de résilience. « Le projet consiste à reboiser le Raphia Vinifera (bambou africain). Nous sommes déjà à 20 000 graines plantées et 5 000 autres plants de raphia sont prêts à être mis en terre dans leur emplacement définitif. Le but est de planter 50 000 arbres d’ici 2026 », poursuit-elle. À mesure que les semis grandissent, c’est tout un écosystème qui se reconstruit, petit à petit.

Sensibiliser les populations locales à l’importance du raphia vinifera

Benjamin, quant à lui, crée une base de données sur le raphia vinifera : « J’ai monté une étude socio-économique pour recueillir des données de fonds sur la compréhension du raphia et le niveau de sensibilisation à sa destruction. J’ai aussi participé au développement de la pépinière à Bandrefam, qui permet la germination des graines de Raphia et ensuite leur stockage pour les planter définitivement lors de la saison des pluies ».

Mais tout n’est pas si simple lorsqu’on tente de changer les mentalités. « J’ai éprouvé des difficultés lors de mes interviews pour mon enquête. J’ai dû faire face à la méfiance de personnes qui ne comprenaient pas l’objectif du projet, ni la pertinence de mes questions. J’ai essuyé beaucoup de refus d’interviews », confie-t-il. Cette incompréhension illustre le fossé entre urgence écologique et réalité quotidienne, où la survie prime parfois sur la conservation.

© OCDD

Anaïs, elle, a dû affronter d’autres obstacles. « J’ai été confrontée aux différences linguistiques ; le vocabulaire diffère. Certains mots n’ont pas la même signification qu’en France, ce qui peut compliquer la communication. J’ai également appris à faire face à l’imprévu… J’ajouterai également qu’en tant que femme, j’ai régulièrement dû m’imposer pour être écoutée dans le milieu professionnel, ce qui n’est pas toujours évident. »

Et pourtant, la dynamique est en marche. Dans un monde où des espèces déclinent souvent dans l’indifférence, le raphia vinifera bénéficie à Bandrefam d’une attention soutenue. Grâce aux efforts conjoints de l’OCDD, des volontaires et des habitants, sa préservation progresse lentement mais sûrement. Le chemin reste long, mais les premières graines — au sens propre comme au figuré — ont été plantées.

Le raphia vinifera, qu'est ce que c'est ?

Le palmier- raphia est une plante de la famille des arecacées que l’on rencontre dans les milieux marécageux et le long des fleuves, les environs des sources, les marées plus ou moins permanents. C’est une plante dont le robuste tronc est recouvert sur sa base par des vieilles palmes. Il forme aussi des forêts galeries le long de certains grands fleuves et des lagunes. En l’absence des données officielles sur cette plante multifonctionnelle, il convient de noter que Les raphières non exploitées il y a plus d’une décennie, en raison de l’impact de l’exode rural, sont des associations végétales stables. Elles entretiennent l’humidité, enrichissent le sol et participent à la protection de la couche d’ozone. Par exemple, un palmier adulte absorbe environ 25 kg de dioxyde de carbone (CO2) par an. De plus, le palmier-raphia du fait de ses multiples usages génère d’importants revenus pour les habitants des villages. Il constitue une véritable providence pour ces populations car il est à la base de leur économie. (source : association OCDD)

Bio express

Anaïs Charpin est diplômée de l’École internationale du management responsable, elle est titulaire d’un Bachelor en coordination de projets de développement. Après, entre autres, une expérience au pair en Grande-Bretagne et un stage en animation de tiers-lieu en Auvergne, elle est depuis octobre 2024 en service civique international au Cameroun. En fin de mission, elle souhaite réaliser une alternance dans le domaine de l’économie sociale et solidaire (ESS) ou la responsabilité sociale des entreprises (RSE) afin de poursuivre son cursus en mastère ESS à Lyon.
Anaïs Charpin
Service civique international

Bio express

Benjamin Royer est titulaire d’une Licence de biodiversité avec option Biologie Écologie Évolution (BEE) à l’université de Tours. Il est depuis octobre 2024 en service civique international au Cameroun. A son retour de mission, il entend poursuivre son cursus universitaire dans le cadre d’un Master sur les Insectes afin de compléter cette expérience pratique en SCI avec les connaissances théoriques pour travailler en gestion de projet de protection de la biodiversité.
Benjamin Royer
Service civique international

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