© Emmanuel Baril
Chassé pour sa fourrure ou sa viande, le « chat-ours » (également appelé binturong) est aujourd’hui une espèce menacée dans sa zone d’habitat naturel en Asie du sud-est. Aux Philippines, ABConservation agit pour la protection de ce mammifère qui contribue, par son mode de vie, à la régénération des forêts dans lesquelles il évolue. Rencontre avec Éléa Delsaux, volontaire au sein de l’association.
C’est un petit animal qui n’a pas l’air commode, avec sa mâchoire bien acérée et son épais pelage sombre. Pourtant, le binturong est souvent capturé pour devenir un animal de compagnie. Pire, il continue d’être chassé pour sa fourrure ou pour sa chair, qui est encore utilisée dans certaines médecines traditionnelles asiatiques. Présent en Inde, en Thaïlande, au Vietnam ou en Malaisie, on le croise aussi dans certaines forêts philippines. De moins en moins toutefois, puisque la déforestation et le trafic illégal ont progressivement réduit sa population.
Pourtant, le binturong est primordial pour l’équilibre de l’écosystème dans lequel il vit : bien que classé comme carnivore, il se nourrit principalement de fruits et contribue ainsi à la dispersion des graines et à la régénération de la forêt. Éléa Delsaux a été envoyée sur place par La Guilde pour apporter son expertise à l’association ABConservation dans le cadre d’un volontariat de solidarité internationale (VSI).
Connaissiez-vous le binturong avant votre arrivée aux Philippines ?
Oui, je connaissais déjà le binturong avant mon départ. J’ai en fait découvert ce mystérieux animal en 2019 lors de ma première expérience dans l’association ABConservation en tant que stagiaire.
Qu’est-ce qui vous a motivée à vous engager dans cette mission en tant que volontaire de solidarité internationale (VSI) ?
La mission est en parfaite harmonie avec mes objectifs professionnels, ma vocation étant de travailler dans le domaine de la préservation de la faune sauvage, plus précisément dans le cadre de la recherche scientifique. Lors de ma première expérience en tant que stagiaire, j’ai vraiment pris à cœur de travailler pour protéger et étudier cette espèce. Je me suis très vite attachée à l’association et à l’île de Palawan en me disant que je finirai par revenir. Alors quand on m’a proposé de le faire début 2023 pour gérer le programme de recherche, j’ai naturellement accepté!
"Les connaissances sur le comportement du chat-ours sont très pauvres"
Pour quelles raisons faut-il s’intéresser au binturong ?
Les données sur les populations sauvages sont peu nombreuses et les connaissances sur l’écologie ou le comportement de l’espèce sont très pauvres, il faut donc améliorer ces connaissances : mieux comprendre c’est mieux protéger ! Le but est donc avant tout de transmettre ces informations à la communauté scientifique en publiant nos résultats, en les présentant lors de conférences nationales ou internationales, etc.
Le binturong est très peu connu du grand public, en quoi est-ce important de promouvoir sa protection ?
Effectivement, on se doit de rendre les données scientifiques accessibles au plus grand nombre. Des actions de sensibilisation à l’importance de sa protection sont mises en place que ce soit en France, en Angleterre ou aux Philippines. Ici, le binturong n’est présent que sur l’île de Palawan. Il y a donc un fort enjeu de transmission de connaissances aux communautés locales. L’idée est aussi de transmettre notre passion et notre expertise aux nouvelles générations, en accueillant régulièrement de nouveaux stagiaires, volontaires, ou bénévoles.
"On travaille dans la forêt afin de collecter des données pour nos études scientifiques"
ABConservation intervient également pour assurer le bien-être des animaux…
Oui, l’association constitue une référence pour les différents parcs zoologiques ayant des binturongs en captivité. Nous sommes toujours disponibles pour répondre à leurs questions et assurer le bien-être de leurs individus. À Palawan, nous avons un partenariat avec le centre de sauvetage et de conservation de la faune sauvage. Plusieurs binturongs issus du trafic illégal d’animaux sauvages s’y trouvent. Notre rôle est d’aider le centre à avoir de meilleures capacités d’accueil, notamment pour rénover des enclos afin qu’ils correspondent aux besoins écologiques de chaque espèce.
Comment se déroule une journée type pour vous ?
En tant que responsable du programme de recherche, mes journées sont très variables ! Une journée sur le terrain débute autour de 7h du matin. On travaille dans la forêt pour collecter des données pour nos études scientifiques : pose de pièges-photos, exploration des différentes zones du site d’étude (cartographie, marquage d’arbres intéressants pour les binturongs, repérage de traces), etc.
On revient au camp pour 17h, la nuit tombant à 18h, et on dort dans la forêt puisqu’on y reste toujours plusieurs jours d’affilée. Lors d’une journée au bureau, je vais réaliser des tâches administratives, analyser des données, rédiger des protocoles, préparer la prochaine session de travail sur le terrain, contacter des partenaires, etc. De quoi bien rester occupée ! (rires) Je travaille en duo avec mon assistante, donc c’est aussi du temps à travailler en commun.
Quel bilan faites vous de ces premiers mois de mission ?
Je suis très épanouie car passionnée par tout cela. Je me rends compte du travail que demande la recherche dans le domaine de la conservation de la faune sauvage, c’est très enrichissant. Et s’il y a encore beaucoup à faire, cela ne rend mon engagement que plus fort. J’apprends beaucoup et le temps passe très vite, ma mission ici est une cause qui me tient vraiment à cœur, je compte bien donner le meilleur de moi-même tout au long de mon volontariat.