Dans le studio d’enregistrement du Rocher de Palmer, Emmanuella (à droite), gère une séance d’enregistrement de lecture par une classe de CM2 de Cenon. © France Volontaires
Au Rocher de Palmer, en Gironde, des ateliers culturels mêlant art, lecture et enregistrement en studio sont proposés aux enfants des écoles de la ville. Une expérience immersive qui donne voix à une centaine d’élèves de classes de cours moyen… et du sens à l’engagement d’Emmanuella, volontaire haïtienne en mission de service civique international.
Il est à peine 10 heures ce lundi matin quand une petite troupe d’enfants de CM2 pousse la porte du studio d’enregistrement du Rocher de Palmer, à Cenon. Dans un silence ponctué de chuchotements excités, chacun serre dans ses mains un livre qu’il a soigneusement sélectionné. Le moment est venu de le lire… dans un véritable studio professionnel aux murs calfeutrés, casque sur les oreilles…
Un musée pas comme les autres
Avant de passer derrière le micro, les élèves ont eu droit à une séance d’initiation aux arts plastiques, en partant à la découverte d’une demi-douzaine de tableaux, en lien avec leurs lectures. C’est Émilie, médiatrice culturelle, qui les leur présente sur grand écran, ou via les tablettes mises à leur disposition, dans ce musée numérique de nouvelle génération, né en 2017 au niveau national et baptisé Micro-folie. « Le musée numérique, c’est le cœur de toutes les Micro-folies en France et à l’étranger », explique Émilie la jeune femme avec enthousiasme. « On y retrouve plusieurs milliers d’œuvres — des tableaux, mais aussi des sculptures, de l’architecture, etc. L’idée, c’est de faire un premier pas dans l’univers de l’art, sans forcément entrer dans des détails techniques. Juste ouvrir une porte. »
Pour ce groupe, l’expérience a été pensée comme un va-et-vient entre textes littéraires et œuvres artistiques. Chaque passage lu par les enfants a été mis en relation avec une œuvre issue du musée numérique. Une manière de relier l’imaginaire des histoires aux formes et aux couleurs de l’art. Et surtout, de leur donner envie de s’exprimer.
Voici l’un des projets que suit Emmanuella, volontaire en service civique international et venue d’Haïti grâce au programme Tanbou coordonné par l’Institut français : elle supervise la séance du musée numérique et accompagne les enfants dans les entrailles du Rocher de Palmer, célèbre lieu dédié au spectacle vivant de l’agglomération bordelaise. Car il faut parcourir un véritable labyrinthe avant d’arriver en studio. Une fois sur place, elle ajuste un micro, rassure un élève un peu stressé, encourage une autre à bien articuler. « L’enregistrement, c’est une manière de valoriser la parole des enfants », explique Émilie. « Ils ont travaillé leur lecture, sélectionné un passage, et ici, ils peuvent l’enregistrer dans des conditions professionnelles. »
"On est ravis de l’accueillir, Emmanuella est quelqu’un de brillant, elle écrit très bien et elle est polyvalente"
Patrick Duval, directeur du Rocher de Palmer
Emmanuella drive chaque enfant, casque sur les oreilles, bienveillante et concentrée. Elle connaît bien le déroulé. Depuis son arrivée, elle assiste les équipes du Rocher de Palmer sur tous les volets de médiation. Ce projet-là, elle le connaît particulièrement bien. Et pour cause : il cristallise tout ce qu’elle est venue chercher dans cette mission de service civique. « Ce qui me touche, c’est la manière dont on laisse la parole aux enfants ici en France », confie-t-elle. « En Haïti, l’école est plus verticale, on écoute beaucoup, on parle peu. Ici, on encourage les enfants à exprimer ce qu’ils ressentent.»
Le travail de lecture ne s’arrête pas au moment où les micros s’éteignent. Chaque enregistrement sera intégré à une exposition prévue en fin d’année scolaire. « On va afficher les œuvres qui ont été découvertes avec les extraits de lecture, et des QR codes permettront d’écouter les enregistrements réalisés en studio », précise Émilie. « Les enfants auront aussi produit des créations plastiques en classe. C’est un projet complet, qui croise les disciplines. »
Du studio à l’exposition
Dans cette logique de croisement des mondes, le Rocher de Palmer joue un rôle de pont entre les enfants, l’art et le son. Et Emmanuella, dans ce grand puzzle culturel, est une pièce précieuse. Camille, chargée de la médiation au Rocher de Palmer, en témoigne : « Elle nous accompagne aussi sur les parcours scolaires liés aux spectacles jeune public, comme celui qu’on a mené avec le collège Montaigne ou encore à Sainte-Foy-la-Grande, avec le slameur Souleymane Diamanka. Elle suit les ateliers, fait des comptes rendus, prend des photos, et surtout, elle apporte un autre regard. »
Un regard extérieur qui permet de documenter, valoriser et améliorer les actions du Rocher. « On est ravis de l’accueillir, c’est quelqu’un de brillant, elle écrit très bien, et elle est polyvalente, puisqu’elle est affectée à la fois au sein du service communication et à celui de la médiation » glisse Patrick Duval, le directeur des lieux, qui est venu passer une tête pour voir si tout se déroule bien ce matin.
Pour les enfants, c’est une première immersion dans l’univers de la création. Pour Emmanuella, une étape de plus dans son propre parcours. Car après sa mission, elle compte bien poursuivre dans le champ culturel. Ce que lui permet son volontariat au Rocher de Palmer, ce n’est pas seulement d’accompagner des projets, mais aussi de s’envisager un avenir professionnel.
Le programme Tanbou
Porté par l’Institut français en partenariat avec France Volontaires et sur financement de l’AFD, le programme Tanbou prévoit l’accueil de jeunes Haïtiens en mission de service civique au sein d’opérateurs culturels partout en France. Production, administration, médiation : les domaines sont nombreux, à l’image des profils de volontaires mobilisés.
Bio express
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