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LE MAG’

« Tout comme on fait de la prose sans le savoir, on agit pour l’ESS sans le savoir ! »

3 Nov. 2025

C’est à Bordeaux, et pour la première fois en France, que s’est tenue la 7e édition du Forum mondial de l’économie sociale et solidaire (GSEF), temps fort international dédié aux pratiques économiques fondées sur la coopération, la solidarité et la durabilité. L’occasion pour France Volontaires de participer aux échanges, en partenariat avec ses membres et partenaires également mobilisés sur cet événement. Parmi eux, IFAID, dont les missions s’inscrivent pleinement dans les Objectifs de Développement Durable en accompagnant les acteurs qui s’engagent pour un monde plus juste et plus durable. À l’heure où les enjeux de solidarité, de transition écologique et de mobilisation des jeunes se rejoignent, France Volontaires a rencontré Ghislain Brégeot, directeur d’IFAID, qui répond à nos questions.

En amont du GSEF, France Volontaires et IFAID ont porté un vaste questionnaire auprès de 163 volontaires, qu’ils soient en mission ou rentrés récemment. L’objectif : comprendre les liens qui existent entre le volontariat international et l’ESS puisqu’à travers leurs missions, de nombreux volontaires internationaux contribuent déjà à cette dynamique, bien souvent sans en avoir conscience ! Quels étaient les principaux enjeux de cette étude ?

L’enjeu de la collaboration avec France Volontaires, c’était d’élargir le panel de volontaires auxquels cette étude était destinée. On avait l’idée de mener un travail sur « Volontariat et ESS » en prévision du GSEF. L’objectif pour nous ? Comprendre comment sont engagés les volontaires, et quelles missions ils effectuent en lien avec l’ESS. Il était important également de rappeler à ces jeunes que l’économie sociale et solidaire se définit, et n’est pas un concept franco-français mais que l’ESS est portée aussi par les Nations unies qui avait voté la résolution en avril 2023. On voulait observer les chainons manquants pour la bonne compréhension de l’ESS par les volontaires, quitte à enrichir la formation au départ, et les sensibiliser pour qu’ils repèrent si quelque chose se passe en termes d’ESS. Ce questionnaire était aussi une occasion de leur dire que l’ESS est un secteur qui embauche et qu’il peut y avoir des postes dans lesquels les valeurs du V.I.E.S se retrouvent. Le partenariat avec France Volontaires s’est imposé pour ouvrir ce questionnaire plus largement à l’ensemble des volontaires de la plateforme et ses membres.

 

Depuis 1986, IFAID forme, accompagne et conseille les professionnels des solidarités ainsi que de nombreux volontaires engagés dans des projets de développement sur les dispositifs de VSI et de congé de solidarité internationale au service de la dynamique régionale. Selon vous, comment le volontariat peut-il devenir un véritable levier pour renforcer les initiatives de l’économie sociale et solidaire, aussi bien localement qu’à l’international ?

Le volontariat international contribue depuis longtemps à une dynamique qui ne s’appelait pas encore ESS. Aujourd’hui, c’est la forme de l’économie sociale et solidaire qui est en train de se faire reconnaître et dans laquelle le volontariat joue toute sa place. Le premier enjeu pour nous, c’est de bien définir l’ESS pour ensuite communiquer en expliquant comment le volontariat y contribue. Car les volontaires ont toujours été au service des acteurs locaux pour renforcer les coopératives, les groupements, l’activité économique non lucrative. À titre d’exemple, j’ai entendu la représentante d’une association qui témoignait sur un des panels du GSEF. Elle expliquait qu’ils accueillent des volontaires sans que leur fiche de mission ne mentionne l’ESS alors même que l’activité de l’association est au cœur de l’économie sociale et solidaire. Tout comme on fait de la prose sans le savoir, on agit pour l’économie sociale et solidaire sans le savoir !

L’ESS repose sur des valeurs universelles de réciprocité, d’échange et de solidarité. Le dernier sondage de France Volontaires* met en lumière un fort intérêt des jeunes pour des formes d’engagement porteuses de sens mais vous constatez de votre côté une évolution de leurs préoccupations et de leurs attentes. Quelle stratégie IFAID met-il en œuvre pour accompagner cette génération dans la professionnalisation de leur engagement, notamment dans le champ de l’ESS et du volontariat international ?

Le contexte actuel fait que l’avenir est très flou, en particulier celui des jeunes. Et je ne parle pas des difficultés financières que rencontrent tous les acteurs du secteur associatif autant que celui de l’ESS. Donc il est vrai que les perspectives qui s’offrent aux jeunes dans ce contexte peuvent sembler peu enthousiasmantes. Mais je suis convaincu qu’il faut continuer à se former et à s’engager pour lutter contre la morosité et pour construire les bases solides d’un avenir meilleur ! C’est d’ailleurs sur cette conviction que s’est construit notre slogan « S’engager pour les solidarités de demain ». Je crois que si on s’engage aujourd’hui pour ne pas être dans ce monde de morosité, c’est un monde d’espoir qui se dessine et c’est aussi se tenir prêt quand il va falloir reconstruire le monde. S’enrichir d’une expérience solidaire construite aujourd’hui avec des personnes et des acteurs différents permet d’élargir sa vision du monde pour mieux comprendre les enjeux mondiaux.

*Sondage OpinionWay pour France Volontaires – décembres 2023

"Je suis convaincu qu’il faut continuer à se former et à s’engager pour lutter contre la morosité et pour construire les bases solides d’un avenir meilleur ! "

Ghislain Brégeot, driecteur Général d'IFAID

Diriez-vous que vous êtes fondamentalement optimiste ou que c’est un pari ?

Je suis effectivement optimiste, mais convaincu que c’est une réalité. Dans une période où tout s’effondre, notre histoire nous montre qu’arrive nécessairement un jour où tout doit se reconstruire. Autant le faire sur la base de d’expériences interculturelles riches, avec de nouveaux acteurs formés et tournés vers le monde pour bâtir un avenir fondé sur des valeurs de partage et de solidarité !

C’est tout l’enjeu du Forum de montrer que la coopération peut exister de manière transversale, notamment pour les ONG. Nous sommes dans une période où l’aide publique au développement doit changer de forme et je crois que la dynamique autour de l’ESS peut être un moyen de modifier notre approche de l’aide au développement – cette fameuse relation Nord-Sud dans laquelle on a toujours impliqué les bénéficiaires en leur demandant de participer alors que visiblement ça n’a pas suffi.

Et justement, la dynamique proposée par l’économie sociale et solidaire, y compris en l’incluant dans les ODD, est une approche de transversalité, une approche multiscalaire entre le local et l’international. Tout l’enjeu consiste à tirer des expériences riches de ce qui se passe ailleurs pour l’investir chez nous. 

L’accueil de volontaires internationaux en France – selon le principe de réciprocité, contribue en ce sens à casser la dynamique Nord-Sud, et remettre de la transversalité dans les relations entre les pays. À condition que ce soit fait dans un esprit d’ouverture pour déconstruire un ensemble de facteurs. Il est important que tous les acteurs comprennent ce qu’implique cette réciprocité. Au-delà du simple fait d’accueillir, c’est tout un système qui doit évoluer.

On peut s’engager tout au long de sa vie, quel que soit son âge, son expérience et sa disponibilité dans la cadre d’un long parcours d’engagement. Comment faire en sorte que cet engagement se transforme en une dynamique durable, au service des territoires et de l’économie sociale et solidaire, une fois les volontaires de retour ?

On accompagne les volontaires à leur retour en leur présentant toute la dynamique ESS très importante à nos yeux. Notre objectif est de les accompagner de façon globale pour qu’ils comprennent ce qu’est le secteur vers lequel ils se dirigent. Certains veulent rester dans la solidarité internationale, et y trouvent d’ailleurs des postes, d’autres se tournent vers l’ESS et d’autres encore vers les collectivités. Notre mission est de faire ressortir les compétences acquises pendant le volontariat, et de les valoriser notamment dans le cadre de notre diplôme en VAE en coordination de projet de solidarités.

Et puis, on a tout un réseau dans l’ESS ou au sein des collectivités locales régionales, qui nous permet d’accompagner efficacement nos apprenants dans leur recherche d’emploi. On les valorise dès qu’il faut témoigner sur leur parcours d’engagement. Cette notion de parcours est très intéressante car je crois que c’est aussi une des forces des dispositifs de pouvoir passer du service civique au VSI, y compris en réciprocité, pour développer cette question de l’engagement au service de la professionnalisation.

Enfin, je peux dire qu’on est ravi quand on apprend qu’un ancien volontaire poursuit son engagement dans sa structure d’accueil, mais cette fois dans un poste salarié !

IFAID en bref

IFAID joue depuis près de 40 ans un rôle clé dans la formation et l’accompagnement des acteurs du développement, en France comme à l’international. À la croisée du volontariat, de l’économie sociale et solidaire et de la coopération internationale, IFAID forme chaque année des jeunes qui s’engagent sur le terrain, au plus près des besoins des territoires.

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