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LE MAG’

Une Maison des Arts pour sceller trente ans de coopération Nantes–Rufisque

25 Août. 2025

La toute nouvelle Maison des Arts de Rufisque, au Sénégal © lequotidien.sn

Depuis plus de trente ans, les villes de Nantes et de Rufisque (Sénégal) construisent une coopération décentralisée fondée sur la réciprocité, l’échange de savoirs et l’engagement citoyen. Au cœur de ce partenariat : la jeunesse, la culture et l’éducation populaire. Julianne Meheust et Marie-Claire Thiakane, volontaires en mission croisée, incarnent cette dynamique durable, renforcée en 2025 par l’inauguration de la Maison des Arts de Rufisque.

C’est une coopération parmi les plus anciennes entre une ville française et une collectivité d’Afrique de l’Ouest. Depuis 1992, Nantes et Rufisque, ville portuaire de la banlieue de Dakar, tissent des liens autour de projets concrets dans les domaines de l’éducation, de la culture, de l’environnement ou encore de la jeunesse. En plus de trente ans, ce partenariat décentralisé a permis la mise en œuvre de nombreuses actions de terrain, allant de l’appui à l’éducation à la formation des jeunes professionnels, en passant par des échanges culturels, des projets artistiques ou des chantiers de solidarité.

Parmi les réalisations les plus emblématiques : le jumelage des CEMÉA (Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active) des deux territoires, des résidences d’artistes entre Nantes et Rufisque, ou encore la structuration d’une politique locale de gestion des déchets à Rufisque, avec un appui technique nantais. En juin 2025, un nouveau jalon est posé avec l’inauguration de la Maison des Arts de Rufisque, un espace dédié à la création, à la formation et à la valorisation des talents locaux, cofinancé par les deux municipalités et fruit d’un long processus de concertation entre acteurs culturels, associatifs et institutionnels.

C’est dans ce contexte que deux jeunes femmes s’engagent en volontariat de solidarité internationale croisé, avec le soutien de Solidarité Laïque : Julianne, Nantaise, effectue sa mission à Rufisque, tandis que Marie-Claire, originaire de Rufisque, est accueillie à Nantes. Toutes deux portent des projets complémentaires liés à la coopération, à la structuration du tissu associatif et à la valorisation de l’expression artistique. Leur témoignage illustre ce que peut produire, au quotidien, une coopération décentralisée fondée sur la réciprocité et la co-construction.

Quelle est votre mission à chacune ?

Marie-Claire : Je suis chargée d’appui à la coopération décentralisée Rufisque-Nantes. Je réalise notamment une cartographie des acteurs associatifs de la région impliqués dans cette coopération. Je dois évaluer leurs besoins et leurs attentes, et mettre en place des cadres d’échange entre eux et la ville de Nantes. Je suis un peu le « trait d’union » entre les deux. Au sein des CEMÉA, je mène des animations interculturelles et des activités de sensibilisation et de plaidoyer sur les enjeux écologiques, notamment autour de la justice climatique.
Ces activités s’inscrivent dans la continuité de mon expérience associative à Rufisque, où j’ai travaillé dans la gestion de projets durables.

Julianne : Ma mission est avant tout centrée sur le projet de la Maison des Arts de Rufisque. Après son inauguration officielle, un moment fort de ma mission, je participe maintenant à la rédaction du projet d’établissement. Je m’appuie pour cela sur une cartographie des acteurs culturels associatifs de Rufisque. C’est aussi ce qui fait le lien entre nos deux missions. Une fois le projet validé, nous pourrons nous pencher sur les questions de gouvernance, de fonctionnement et de gestion de la Maison des Arts.
Au niveau des CEMÉA, je joue aussi un rôle de pont : je tente de créer du lien entre les acteurs culturels, artistiques et associatifs pour que leurs actions convergent vers des initiatives collectives, notamment autour de la Maison des Arts, plutôt que de rester isolées et éparpillées.

Marie-Claire Thiakane et Julianne Meheust © France Volontaires

Pourquoi s’engager dans le volontariat international ?

M.-C. : C’est une chance pour moi de découvrir un autre pays, une autre ville, de m’ouvrir au monde, mais aussi de comprendre un peu plus le fonctionnement de cette coopération dont j’avais déjà entendu parler au cours de mes expériences passées. Je voulais m’engager pleinement dedans

J. : Lors de mon premier volontariat, j’avais déjà noué des contacts avec le milieu culturel. La façon dont l’écosystème culturel sénégalais fonctionne, « tous ensemble », avec une direction commune, me plait énormément. Et puis, je voulais rester au Sénégal et commencer à m’engager dans le domaine culturel. Le principe de réciprocité m’a aussi beaucoup attirée.

M.-C. : C’est vrai que la réciprocité est très importante dans cette mission et dans la coopération. Cela permet de mutualiser nos compétences et de rompre avec une posture descendante héritée du passé, où seuls des volontaires du Nord étaient envoyés. Les jeunes des pays partenaires ont, eux aussi, des savoir-faire et des expériences à partager.

"La réciprocité est très importante dans cette mission et dans la coopération. Cela permet de mutualiser nos compétences et de rompre avec une posture descendante héritée du passé"

Marie-Claire Thiakane, volontaire de solidarité internationale

Une première impression à partager sur votre arrivée dans votre pays d’accueil ? Quelque chose qui vous a surprises ?

M.-C. : J’avais beaucoup d’appréhensions, notamment concernant le racisme en France et l’accueil que je recevrais, en comparaison avec la culture de la teranga au Sénégal, où l’hospitalité est très ancrée. Mais j’ai été agréablement surprise. L’accueil à Nantes a été chaleureux, et la ville est aussi belle qu’impressionnante

J.: Moi, c’est plus sur Rufisque. Je suis très contente d’être en dehors de Dakar, c’est vraiment une autre culture. Les gens sont très francs, on apprend beaucoup sur soi, notamment à ne pas tout prendre personnellement. Je trouve que ce sont un peu les « Corses du Sénégal ».

Des difficultés rencontrées ?

J. : Étant originaire de la campagne, c’est surtout la pollution de l’air qui me dérange. J’ai toujours un peu de mal à m’y habituer.

M.-C. : Le froid, surtout au début ! Une anecdote me revient : deux jours après mon arrivée, en décembre, je n’étais pas encore habituée à porter des chaussures fermées. En voyant le soleil le matin, j’ai mis des sandales, pensant que ça irait… J’ai vraiment souffert du froid en allant aux CEMÉA. Une fois arrivée, ma référente Isabelle a été très surprise, et elle est immédiatement partie chez elle pour me ramener une paire de chaussures plus adaptées, bien que j’en avais chez moi. Ce geste m’a profondément marquée, c’était très humain.

"Lors de mon premier volontariat, j’avais déjà noué des contacts avec le milieu culturel. La façon dont l’écosystème culturel sénégalais fonctionne, « tous ensemble », avec une direction commune, me plaît énormément"

Julianne Meheust, volontaire de solidarité internationale

Qu’est-ce que vous apporte cette expérience de volontariat international ?

M.-C. : Au regard de ce que cela m’apporte en termes d’apprentissage, de formation, de compétences acquises, je serais prête à me réengager dans le volontariat ou à poursuivre mon engagement dans les domaines de la jeunesse, de la culture ou de l’environnement.
J’ai par exemple initié un projet de podcast intitulé La voix des jeunes pour le climat, dans le cadre du programme Jeunes explorateurs porté par la Mission jeunesse de la Ville de Nantes. Ce podcast donne la parole à des jeunes de Rufisque, Sfax (Tunisie) et Nantes, qui partagent leurs points de vue sur les inégalités climatiques et la justice environnementale. Cette expérience m’a beaucoup marquée et m’a donné envie de poursuivre ce projet, et de le faire plus souvent avec des publics jeunes.

J. : Le volontariat m’ouvre un vaste réseau grâce à ma mission impliquant des acteurs associatifs et institutionnels. Cela m’a permis de comprendre en très peu de temps comment cet écosystème sénégalais fonctionne.
Le volontariat permet aussi de rencontrer de nombreux autres volontaires, de pays et d’âges différents, qui partagent une ouverture d’esprit et des aspirations similaires.

La coopération entre les villes de Nantes et Rufisque : une longue histoire

Initiée en 1992 par feu Mbaye Jacques Diop (alors maire de Rufisque) et Jean-Marc Ayrault (alors maire de Nantes), la coopération entre les deux villes repose sur de multiples leviers culturels et politiques : échanges de jeunes Sénégalais et Français, projets communs entre associations, rencontres entre acteurs culturels, notamment dans le domaine du cinéma, et cofinancements, comme pour la Maison des Arts.

Bio express

Depuis décembre 2024, Julianne, Nantaise et Franco-Allemande, réalise son deuxième volontariat de solidarité internationale auprès de la ville de Rufisque et des CEMÉA (Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active) de Rufisque, après une première mission au Sénégal avec l’association SOS Sahel. Marie-Claire, originaire de Rufisque, effectue quant à elle son premier volontariat auprès de la ville de Nantes et des CEMÉA Pays de la Loire / antenne de Nantes, après des études dans le domaine des industries culturelles et créatives.
Julianne Meheust et Marie-Claire Thiakane
Volontaires de solidarité internationale

La Maison des Arts de Rufisque vient compléter l’offre d’équipements culturels de la région, au côté du Grand Théâtre national de Dakar. © France Volontaires

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