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LE MAG’

« Une vague porteuse d’espoir » pour les jeunes surfeuses sénégalaises

3 Déc. 2024

© Julien Laborda

Sur la plage de Yoff (Sénégal), l’association Malika Surf propose aux jeunes de la région d’apprendre à dompter les remous de l’Atlantique. Mais parce que ce sport n’est pas réservé qu’aux hommes, Malika Surf a donné naissance il y a quatre ans à Surfkids Shredding Sénégal, une fondation qui permet aux jeunes femmes de développer également leur pratique. Nous avons rencontré Julien Laborda, engagé en tant que service civique sur ce projet.

« Quand j’ai décidé de créer ce surf camp en 2010, j’ai reçu l’aide de très bons amis : quelqu’un m’a offert quelques combinaisons, une planche, un leash ou une combinaison en lycra. Personnellement, je crois que c’est comme un cercle : si quelqu’un me donne quelque chose, je dois donner quelque chose à quelqu’un d’autre en retour », explique Marta, créatrice avec son époux Aziz du Malika Surf Camp de Yoff, dans les faubourgs de Dakar. Cela n’aurait pu être qu’une déclaration d’intention, mais la passionnée ne s’est effectivement pas arrêtée là. En 2020 est ainsi né Surfkids Shredding Sénégal, un programme, soutenu par l’Agence française de développement, dont l’objectif est de permettre à un maximum de jeunes de bénéficier de l’apprentissage du surf, mais également de pousser les filles à pratiquer ce sport.

Il y a quelques mois, Julien Laborda, envoyé par La Guildes’est engagé dans une mission de service civique international pour mettre en œuvre ce programme. Les 2 et 3 octobre derniers, lors des Journées du volontariat français (JVF) organisées par France Volontaires à Saint-Louis, il a présenté le projet « Une vague porteuse d’espoir ». Porté par Surfkids Shredding Sénégal et accompagné financièrement par l’ambassade de France au Sénégal, celui-ci entend encourager les jeunes filles à explorer ce sport comme vecteur de confiance, favoriser leur émancipation à travers des formations professionnelles et lutter contre les stéréotypes de genre.

Pourquoi avoir choisi de t’engager au sein du programme Surfkids Shredding Senegal ?

Le programme m’a tout de suite attiré. J’ai toujours aimé l’océan et lorsque j’ai vu la mission de Malika Surf, j’ai trouvé que cela avait du sens. Utiliser le sport, et en particulier le surf, comme levier pour l’émancipation des filles me parlait énormément. Ce projet m’a permis de combiner mon intérêt pour le sport et mon désir de contribuer à une cause sociale, notamment en matière d’égalité de genre et d’inclusion.

Peux-tu nous en dire plus sur le projet "Une vague porteuse d’espoir" ?

Le but du projet est de faciliter l’émancipation de jeunes filles à travers la pratique du surf, tout en créant une véritable communauté solidaire et engagée. Nous voulons former vingt jeunes filles des villages de Yoff et Ngor, leur offrir les outils nécessaires pour qu’elles deviennent des leaders dans leur communauté. C’est pourquoi nous organisons des rencontres avec des athlètes féminines qui ont réussi dans des sports comme le surf. Ces femmes, qui ont su s’imposer, servent de modèles et montrent aux jeunes filles qu’elles aussi peuvent réussir et s’épanouir dans des environnements traditionnellement dominés par les hommes. Ces rencontres sont particulièrement importantes, car elles permettent aux jeunes filles de se projeter et de se voir comme des leaders dans leur propre communauté.

Julien Laborda sur la plage de Yoff. © DR

Le surf peut donc aussi jouer un rôle dans leur développement professionnel…

Oui, en plus de la pratique sportive, nous nous engageons à les soutenir dans leur développement personnel et professionnel. L’un de nos objectifs majeurs est de former trois jeunes filles aux métiers du surf pour qu’elles deviennent coach, juge de compétition ou maître-nageur. Cela leur permettrait de montrer que des femmes peuvent occuper des rôles influents dans lesquels elles ne s’étaient pas forcément projetées.

Au-delà, nous aimerions aussi atteindre 50 % de filles au sein de l’association, pour garantir une véritable égalité de participation et de représentation dans toutes les activités proposées. Le surf, avec ses hauts et ses bas, son environnement changeant, est une sorte de métaphore de la vie. Nous voulons montrer aux jeunes filles qu’elles peuvent, tout comme dans ce sport, s’adapter, évoluer et surmonter les obstacles qu’elles rencontrent.

."Le surf (...) est une sorte de métaphore de la vie. Nous voulons montrer aux jeunes filles qu’elles peuvent, tout comme dans ce sport, s’adapter, évoluer et surmonter les obstacles qu’elles rencontrent."

Au-delà du sport, la fondation entend-elle jouer un rôle social pour les jeunes femmes sénégalaises ?

Effectivement, le projet repose également sur des activités de sensibilisation. Nous organisons par exemple des cercles de parole où les filles peuvent discuter de sujets essentiels comme la santé reproductive et l’hygiène menstruelle. Ce sont des thèmes parfois négligés dans certaines communautés, mais qui sont essentiels pour le bien-être et l’autonomie des filles. 

As-tu observé des changements dans la communauté grâce à cette mission ?

En fait, c’est assez frappant. Je ne vois pas de regard négatif de la part des garçons vis-à-vis du fait que les filles pratiquent le surf. Au contraire, ils ont tendance à les encourager à se lancer. J’ai également remarqué un véritable effet boule de neige : les jeunes qui participent au programme incitent leurs frères et sœurs à rejoindre l’association. Cela crée une dynamique familiale.

Le surf aide donc à changer les mentalités ?

Oui, et d’ailleurs à ce sujet, il y a une histoire qui m’a particulièrement marqué. C’est celle d’un jeune de quinze ans qui a perdu sa mère et dont le père est parti migrer par voie maritime. Il s’est retrouvé seul avec sa sœur et sa grand-mère. Ce garçon avait un mauvais comportement au départ, mais grâce au surf, il a trouvé un cadre et il est devenu très impliqué. Je l’accompagne en lui donnant des cours de français. On l’encourage, et c’est gratifiant de voir qu’il progresse. J’ai l’impression parfois d’avoir un rôle de grand frère pour lui, et ça me touche de pouvoir contribuer à l’aider à trouver son chemin.

En 2026, le Sénégal accueille les Jeux Olympiques de la jeunesse : cela constitue-t-il un objectif ?

Oui, à titre personnel, j’aimerais vraiment poursuivre mon engagement ici, notamment en tant que volontaire de solidarité internationale (VSI) à l’occasion de ce grand événement sportif. Après cela, je compte m’engager dans des projets de développement autour du sport dans ma ville d’origine, à Toulouse. J’aimerais y contribuer à long terme en développant des projets sportifs qui aident des jeunes qui ne trouvent pas forcément leur place dans la société.

Bio express

Julien Laborda est diplômé de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris, où il a obtenu un master 2 de Manager de programmes internationaux, ainsi que de l'Institut préparatoire à l'administration générale (Ipag), où il a obtenu un master 2 d’Administration générale. Il est actuellement en mission à Dakar au sein de la fondation Surfkids Shredding Sénégal dans le cadre d'un Service civique international. À terme, il souhaite continuer à développer ses compétences dans la conduite de projets en utilisant le sport comme outil au service de la jeunesse et du développement.
Julien Laborda
Service civique interntional

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