Un pêcheur de retour au port sur l’île de Kerkennah © Skander Zarrad / Wikimédia Commons
À 19 ans, Maël Mezzour a trouvé dans le service civique international une façon de rebondir après un parcours scolaire hésitant. Parti en mission sur l’archipel de Kerkennah, en Tunisie, il raconte comment ce volontariat dans la préservation des écosystèmes lui a permis de redonner du sens à son engagement, de reprendre confiance et d’envisager l’avenir autrement.
À l’approche de ses 19 ans, Maël Mezzour a choisi de mettre entre parenthèses ses études pour partir en mission de service civique en Tunisie, sur l’archipel de Kerkennah. Né d’une mère française et d’un père marocain, il a grandi entre Arles et Marseille. Après le bac, le moment de choisir une voie sur Parcoursup est problématique pour lui. Il tente d’abord une prépa littéraire au lycée militaire d’Aix-en-Provence, mais l’expérience tourne court : au bout d’une semaine, il quitte un univers qui n’est pas le sien. Cap ensuite sur une licence d’anthropologie, sans plus de succès.
En janvier 2025, un mois passé au Maroc avec son père lui permet de souffler et de réfléchir. À son retour, il prend une décision : partir en volontariat. Voyager, s’engager dans un projet concret, donner du sens à sa vie dans cette période incertaine. En avril, il rejoint l’association Kantara, qui agit pour la préservation de l’environnement à Kerkennah. Une manière de se recentrer, mais aussi de se confronter à une autre réalité, loin des hésitations de ses années lycée.
Pourquoi avoir choisi de partir en mission de volontariat international en Tunisie?
Je ne voulais pas rester sans rien faire trop longtemps pendant ma pause d’études. J’avais besoin de bouger, de ne pas juste passer du temps à attendre. J’avais aussi envie de voyager seul, de vivre une vraie expérience à moi, et le Service civique international me permettait ça. En plus, il y avait une indemnité́, donc je pouvais le faire sans trop stresser pour l’argent.
C’était aussi l’occasion de découvrir un domaine qui m’attirait, celui de la nature, pour tester et voir si ça me plaisait vraiment. Et puis, vivre dans un pays maghrébin, c’était quelque chose que j’avais toujours eu envie de faire, pas juste y passer des vacances comme j’en avais l’habitude, mais m’y installer un minimum, m’imprégner du quotidien.
Maël est accueilli par Kantara, une association locale qui vise à préserver l’environnement de Kerkennah et à développer une conscience écologique auprès de la population, surtout les jeunes © France Volontaires
Ta mission est de participer à la préservation des écosystèmes marins : peux-tu nous en parler plus concrètement ?
Ma mission a la particularité d’être assez large, dans le sens où je n’ai pas une seule tâche fixe qui m’est attribuée, mais j’ai plutôt pour mission de participer à la vie de la structure et à la dynamique de préservation des écosystèmes marins sur l’archipel. Mon organisme d’accueil principal, c’est Kantara, une association locale qui vise à préserver l’environnement de Kerkennah et à développer une conscience écologique auprès de la population, surtout les jeunes. Par exemple, on a récemment organisé un camping d’été pour enfants, où nous, les jeunes volontaires, étions en soutien de l’organisation.
À côté de ça, je suis aussi impliqué avec l’association Kraten, qui s’occupe de la cogestion de l’aire marine et côtière protégée des îlots Nord de Kerkennah. Leur but, c’est la préservation de l’écosystème et le soutien aux communautés locales. Avec eux, je participe à des actions de sensibilisation, mais aussi parfois à des activités de recherche scientifique en lien avec le milieu marin.
C’est donc une mission très variée, avec des activités qui changent beaucoup. Ça peut être un peu déroutant au début, mais personnellement, c’est justement ce côté polyvalent qui m’a plu dès le départ.
Peux-tu nous parler de ton expérience de vie en Tunisie ?
Dès les premiers instants, j’ai apprécié le mode de vie en Tunisie. Il m’a semblé bien plus humain, notamment parce qu’il est beaucoup moins planifié et plus spontané.
Mais ce qui rend l’expérience vraiment unique, ce sont les Tunisiens eux-mêmes. Leur accueil est chaleureux, ils ouvrent les bras et n’hésitent jamais à aider en cas de besoin. Ce qui est frappant, c’est cette facilité à engager la conversation, à parler de tout et de rien, même avec des inconnus. Les barrières sociales sont bien moins marquées, et ça crée un sentiment de proximité et de partage très agréable.
© Yesmine Z. / Wikimedia
A quelles difficultés as-tu fait face ?
Ce qui a été le plus difficile pour moi au début, c’était d’accepter que je n’allais pas tout faire parfaitement dès le départ. J’avais cette pression de vouloir être à la hauteur de l’opportunité qu’on m’avait donnée, comme s’il fallait absolument que tout soit impeccable.Puis, j’ai réalisé que ce n’était pas ce qu’on attendait de moi. Ce qu’on me demandait vraiment, c’était d’être volontaire, engagé, et, d’être de bonne humeur si possible.
Dans le même esprit, un autre défi a été d’apprendre à dire “non” parfois. Quand on a envie d’aider tout le monde, c’est difficile de refuser. Mais on se rend vite compte qu’on ne peut pas tout faire, et qu’il faut apprendre à gérer son temps et poser des limites pour rester efficace et ne pas s’épuiser.
Qu’est-ce qui t’as rendu fier ?
C’est une question compliquée, parce qu’en mission, on ne prend pas vraiment le temps de réfléchir à ça, on est surtout dans l’instant présent. Mais si je prends un peu de recul, je dirais que ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir pris la décision de partir et de tout recommencer le plus tôt possible. Ce n’est pas forcément une décision « logique », surtout quand on pense à ce que la société nous pousse à faire : finir ses études, obtenir son diplôme, assurer un certain confort, une stabilité, avant éventuellement de penser à faire ce genre de mission.
Mais moi, je ne voulais pas me lancer dans des années d’études pour peut-être finir par réaliser que ce n’était pas fait pour moi. Je savais que j’étais perdu, et je sentais que continuer dans cette voie-là n’allait rien arranger. Donc oui, je suis fier, dans un sens, d’avoir su m’écouter, de ne pas m’être obstiné dans un parcours qui ne m’aurait probablement pas rendu heureux.
J’ai eu la chance d’avoir des parents très compréhensifs et surtout, d’avoir eu cette opportunité du service civique international qui est tombée au bon moment. Dans un autre contexte, avec moins de soutien ou sans cette possibilité, je ne sais pas si j’aurais pu prendre cette décision-là
« Ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir pris la décision de partir et de tout recommencer le plus tôt possible. Ce n’est pas forcément une décision « logique », surtout quand on pense à ce que la société nous pousse à faire : finir ses études, obtenir son diplôme, assurer un certain confort »
Quelles compétences as-tu pu développer ?
Je dirais que j’ai d’abord développé des compétences assez concrètes, comme le nettoyage de vélos et un peu de bricolage. Ensuite, il y a aussi tout ce qui touche à l’organisation : gérer de grands groupes, que ce soit pour des sorties ou des événements avec les enfants, faire en sorte que chacun participe et passe un bon moment.
Et puis, de manière plus générale, j’ai appris à être polyvalent. À répondre à un besoin, même quand ce n’était pas forcément un domaine dans lequel je me sentais à l’aise au départ. J’ai compris que l’essentiel, c’est de faire de son mieux, d’être utile, et de ne pas avoir peur de se lancer pour aider.
À mon retour, j’aimerais continuer dans le domaine de l’environnement. J’ai été accepté dans plusieurs BTS Gestion et Protection de l’Environnement, c’est la formation qui m’attire le plus en ce moment. Maintenant, j’attends de voir quels établissements pourront me prendre en octobre.
Quel conseil donnerais-tu à un ami qui hésite à partir en mission ?
Si tu hésites, prends un moment pour réfléchir à ce que tu veux apprendre et vivre. Le Service Civique à l’international c’est une opportunité de te rendre utile, de te découvrir autrement, de rencontrer des personnes de tous horizons, et de te confronter à des réalités que tu ne verrais peut-être pas autrement. Tu n’as rien à perdre, mais beaucoup à gagner !
© France Volontaires
Le volontariat, une alternative pour les jeunes en décrochage scolaire
En France, le taux de décrochage scolaire — c’est-à-dire le pourcentage de jeunes de 18 à 24 ans qui quittent le système éducatif sans diplôme ni formation — est d’environ 7,6 %. Cela représente environ 100 000 jeunes chaque année concernés, sans qualification officiellement reconnue. Lorsqu’arrive le moment de s’inscrire dans l’enseignement supérieur via Parcoursup, beaucoup d’entre eux se retrouvent en difficulté : dossier peu valorisé, absence de repères clairs, réorientation mal perçue. Certaines formations restent inaccessibles pour les bacheliers non linéaires ou pour ceux dont les notes ne correspondent pas aux attentes.
Que faire si l’on ne poursuit pas immédiatement d’études ? Le volontariat, et notamment le service civique interntional, apparaît comme une voie possible : ouvert dès 18 ans, sans condition de diplôme, il permet de s’engager pour 6 à 12 mois, dans des missions très variées, tout en étant indemnisé. Une façon de reconquérir de la confiance de soi, de développer des compétences, et parfois de créer un pont vers de nouvelles orientations professionnelles.