Le sergent Ahmadou Badji, responsable de la politique forestière de la base de la GMV à Widou, en discussion avec des femmes de la communauté. © Marion Quintin / France Volontaires
Le village de Widou abrite l’une des principales bases de la Grande Muraille verte (GMV), ce mur végétal qui doit à terme traverser l’Afrique pour restaurer les écosystèmes sahéliens. Objectif : transformer les terres arides en un terreau fertile pour les populations. France Volontaires Sénégal s’est rendue sur place pour rencontrer les acteurs du projet.
Dans le nord-ouest du Sénégal, à quelques encablures de la frontière avec la Mauritanie, se trouve le village de Widou, où le temps semble s’être arrêté au milieu d’un désert de sable dominé par une chaleur intense. Ici comme dans d’autres zones du Sahel, les conditions de vie sont marquées par la rareté des ressources naturelles et la difficulté à exploiter les sols.
Pourtant, grâce au projet de la GMV, initiative qui traverse le continent d’ouest en est de Dakar à Djibouti, un espoir renaît. Le projet se traduit concrètement par un corridor de reboisement et se veut un bouclier contre la désertification, tout en offrant des solutions économiques durables aux populations locales. Le village de Widou abrite l’une des principales bases de la Grande Muraille verte au Sénégal.
Une parcelle en phase de rebisement dans le village de Widou, au nord-ouest du pays. © Marion Quintin
L’installation des parcelles de reboisement a débuté il y a quelques années déjà dans la région. Mais au-delà des plantations, il a fallu convaincre les habitants de l’importance du projet. Un long travail de sensibilisation a été mené pour encourager l’implication des communautés locales. Les autorités et les associations ont donc œuvré pour que chacun prenne conscience de la valeur écologique et économique de ces arbres.
Le soump, un arbre résistant dans le désert
À Widou, l’un des symboles de cette reforestation est le balanites aegyptiaca, un arbre local plus communément appelé « soump » au Sénégal (dattier du désert), connu pour sa résistance à la sécheresse. Ce dernier fournit une ressource précieuse : son huile est utilisée pour la cuisson et il peut servir à la fabrication de savons, de sirop, de soins pour les cheveux, de nourriture pour les poissons et même comme biocharbon. Ces dérivés permettent non seulement de diversifier les sources de revenus pour les familles, mais aussi de promouvoir des pratiques agricoles durables qui respectent l’environnement.
Le sergent Ahmadou Badji est chef du triage forestier et responsable de la politique forestière dans la zone: « Nous proposons aux particuliers de reboiser leurs terrains en leur fournissant des arbres et en les accompagnant tout au long du processus de plantation », explique-t-il. En plus de ses responsabilités forestières, il coordonne toutes les actions autour de la base opérationnelle de la Grande Muraille verte.
"Nous proposons aux particuliers de reboiser leurs terrains en leur fournissant des arbres et en les accompagnant tout au long du processus de plantation"
Ahmadou Badji, chef du triage forestier et responsable de la politique forestière de la base de la GMV à WIdou
L’arrivée de volontaires est un élément clé de la réussite de ce projet. Ces derniers jouent en effet un rôle essentiel en soutenant les initiatives locales et en apportant des compétences et de la visibilité au projet. Joël Ewolo, volontaire de solidarité internationale (VSI), a été envoyé sur place par France Volontaires pour soutenir le projet de la GMV avec pour mission de participer à la promotion des produits forestiers autres que le bois (gibier, fruits, graines…).
Son rôle est déterminant, notamment dans la valorisation des produits dérivés du soump. Originaire du Cameroun, il fait partie de la cohorte des volontaires « sud-sud » qui a choisi le volontariat afin de contribuer à quelque chose de concret et utile sur son continent.
Des femmes au cœur du projet de la Grande Muraille verte
Dès son arrivée, Joël a su s’intégrer pleinement au projet en s’impliquant à 100 % dans ses activités. Il a vécu au plus près des populations touchées par la désertification et s’est assuré que le projet ait un impact positif sur les habitants. Selon lui, « il faut vivre ici pour comprendre ». Cette expérience a été un véritable modèle de résilience, un processus où le présent prépare l’avenir des générations futures. « Il est important de faire de la sensibilisation car en agissant correctement aujourd’hui, les efforts auront un impact significatif et durable » plaide-t-il.
Grâce à son expérience, Joël a appris à comprendre et à appréhender les défis spécifiques des différentes populations locales. Pour lui, le plus grand enseignement de ce projet a été la résilience. Bien que la barrière de la langue, l’éducation différente et les croyances variées aient été parfois des obstacles, il a été accueilli comme un membre à part entière de la communauté.
Le serent Badji (avec la casquette), Joël (les bras croisés devant un soump), Oumy et Goumal, deux femmes impliquées dans la communauté. © Marion Quintin
Oumy, une bénéficiaire active du projet, témoigne de l’impact positif que ce dernier a eu sur sa vie. « C’est une chance d’avoir accès à cette aide et de participer aux formations. Le changement est visible, non seulement sur la terre, mais aussi dans les mentalités et les pratiques des habitants de Widou », explique-t-elle. Pour elle, l’accompagnement autour de la GMV est bien plus qu’une simple aide matérielle : il s’agit d’un levier de changement durable pour la communauté.
Cependant, au début, tout n’a pas été facile. Goumal raconte ainsi comment elle a commencé à participer au projet sans en parler à son époux, sceptique quant à son utilité. « Les agents et le sergent Badji m’ont soutenue dans mon projet de commerce et ont même parlé avec mon mari. Grâce à leur accompagnement, j’ai pu accéder à toutes les ressources nécessaires pour développer mon activité », témoigne-t-elle.
"Il est important de faire de la sensibilisation car en agissant correctement aujourd’hui, les efforts auront un impact significatif et durable "
Joël Ewolo, volontaire de solidarité internationale (VSI) dans le cadre de la GMV
Le soutien des équipes locales a été un facteur déterminant pour surmonter les obstacles sociaux et culturels. Ce projet de reboisement, au-delà de la dimension écologique, a permis à des femmes comme Oumy et Goumal de prendre en main leur avenir économique, tout en contribuant à la régénération de la terre. Le sergent Badji souligne d’ailleurs l’importance des volontaires féminines dans les échanges. « Cela a favorisé le dialogue avec les femmes de la communauté, et cela a constitué une véritable aide pour organiser les tâches et soutenir le développement du projet », précise-t-il.
À Widou, comme dans bien d’autres villages du Sahel, la mission de la Grande Muraille verte est bien plus qu’un simple projet de reboisement. Elle représente un espoir de renaissance pour des communautés confrontées à la désertification, tout en offrant des solutions concrètes sur le long terme. Grâce à l’implication des volontaires, des bénéficiaires et des autorités locales, la Grande Muraille verte est devenue un symbole de la lutte pour la préservation de l’environnement et du développement durable.
© Marion Quintin