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« J’ai coordonné la caravane des droits au Congo »

© Jonnathan Tshibangu / Unsplash

[Retour sur mission] Pendant un peu plus d’un an, du printemps 2021 à l’été 2022, Morgane Séger a œuvré au renforcement des droits des peuples autochtones en République du Congo. Envoyée par l’IFAID Aquitaine, elle s’était engagée au sein de l’ONG Initiative Développement en volontariat de solidarité internationale (VSI). Elle a ainsi partagé son temps entre Brazzaville, la capitale du pays, et la ville d’Enyellé, à l’extrême nord du pays. Témoignage.

J’ai travaillé en tant qu’assistante technique sur le programme NZELA ("la route" en lingala).

C’est un programme de développement local promouvant les droits des populations autochtones dans le district d’Enyellé, au Nord du pays. Mon rôle spécifique était de coordonner le volet droit humains. J’étais en charge d’un certains nombre d’activités : de la  sensibilisation et de la formation, assurer les srelation avec les autorités et les partenaires pour la promotion des droits et la remontée des cas de violations, superviser des études contextuelles sur la relation entre les bantous et les akas, mettre en œuvre des événements de plaidoyer comme la Journée internationale des populations autochtones , etc.

Étant donné mon parcours, je souhaitais œuvrer sur le terrain, au plus proche des communautés et des bénéficiaires afin de mieux comprendre les enjeux et la réalité très concrète de la mise en œuvre des projets. Le projet NZELA est un projet qu’on peut qualifier de « pilote », du fait qu’il cherche à répondre aux enjeux de développement local en intégrant les problématiques sociales, quasi-anthropologiques, de la relation de tutelle dominatrice exercée par les bantous sur les autochtones, laquelle engendre des tensions entre les communautés de la zone. Ce qui le rend très intéressant de mon point de vue, c’est justement cette orientation : le fait que ces problématiques complexes constituent en quelque sorte le noyau du projet, ce qui pousse à réfléchir autrement la mise en œuvre des activités à tous les niveaux.

Dans ce cadre, j’ai par exemple beaucoup aimé coordonner la caravane des droits, une sensibilisation itinérante dans les villages pour laquelle nous avions monté différentes activités comme un théâtre-forum sur les droits humains, des jeux pour promouvoir le vivre-ensemble et une projection vidéo le soir. C’était un vrai travail en équipe et on a eu des retours très positifs des communautés avec un public mixte et très large. C’était un plaisir de mettre en œuvre ces activités avec les communautés des villages plus excentrés qui ont tendance à être plus difficiles à faire participer, du fait de leur éloignement.

Au final, cette mission m’a globalement apporté une bonne compréhension du contexte, des codes culturels et des enjeux liés au développement et à la coopération au Congo, notamment ceux relatifs aux zones forestières. L’avantage est qu’en navigant entre Brazzaville et Enyellé, j’ai pu voir des facettes très différentes et complémentaires du pays ce que j’ai trouvé très formateur, aussi bien sur le plan professionnel que personnel. Evoluer sur le terrain, m’a vraiment permis d’appréhender la réalité de la mise en œuvre des projets, mais aussi le quotidien et le vivre-ensemble « à la congolaise »

Bio express

Morgane Séger a 28 ans. Après un parcours en économie du développement, initialement orienté sur les questions d’aménagement du territoire, elle a mené plusieurs expériences de volontariats à l’étranger dans des petites organisations. Elle a également travaillé en tant qu’évaluatrice sur des projets associatifs au Sénégal mais également au sein de l’Agence française de développement (AFD) et de l’ONG Santé Sud. Après son volontariat en tant que VSI, elle a continué de travailler au Congo, où elle est encore actuellement, en charge pour l’AFD du suivi des projets ONG et du portefeuille forêt, agriculture et environnement.
Morgane Séger
Volontaire chez Initiative développement

L'organisme d'accueil

Initiative Développement est une ONG française qui participe depuis plus de 25 ans au renforcement de l’autonomie des acteurs pour qu’ils construisent par eux-mêmes des réponses aux défis sociaux, environnementaux et économiques de leurs territoires. Présente au Congo depuis 2014, l’ONG œuvre sur des projets promouvant l’accompagnement des acteurs publics et de la société civile pour un développement local plus inclusif et participatif et le renforcement de l’accès aux droits, l’hygiène, l’assainissement ainsi que la gestion des ressources naturelles.

La Maison Yanapanaku tisse des liens entre le Nord et l’Amérique latine

© DR

Depuis 2017, la Maison de la culture Yanapanaku fait se rencontrer les passionnés de cultures latinos autour d’ateliers créatifs, de cours de langues ou d’actions de solidarité menées sur le terrain en Amérique du Sud. Les volontaires du Programme EnLazando participent activement à toutes ces activités. Un seul fil rouge : le « buen vivir », cette philosophie des peuples indigènes des Andes qui promeut le partage et l’échange entre les hommes et la nature.

Il suffit de prononcer le mot « yanapanaku » et l’on a déjà un peu l’impression de voyager par-delà les océans. Et pour cause : en quechua (la langue des peuples qui vivent dans la Cordillère des Andes), le terme signifie « Entr’aide ». Il n’a évidemment pas été choisi par hasard. C’est Pamela Visconti qui l’a retenu quand elle a créé son association il y a huit ans, alors qu’elle était étudiante en économie sociale et solidaire à Valenciennes, dans les Hauts-de-France : « Je suis chilienne et je souhaitais alors mettre en place une structure de solidarité internationale en lien avec mon pays d’origine.  J’avais déjà été bénévole dans une association en Equateur, c’était dans la continuité de ce que j’avais déjà engagé là-bas ».
Elle propose alors une réunion d’information à l’attention de la communauté latino dans un petit bar de la petite ville du Nord. Surprise : plus d’une trentaine de personnes originaires de Colombie, d’Argentine ou du Chili, comme elle, répondent présent. « Certaines voulaient donner de leur temps pour développer des projets d’aide à l’Amérique latine, d’autres proposaient des ateliers d’initiation autour des cultures latinos, comme l’utilisation d’un métier à tisser traditionnel par exemple… Nous avons coconstruit ensemble le projet de l’association ».

Cours d'espagnol ou de percussions

Dans un premier temps, elle commence par financer des actions au Chili, comme l’achat de matériel de couture pour des personnes âgées ou la construction d’une bibliothèque et d’un centre culturel en Équateur (la Fondation Clara Luna dans la ville de Puerto Lopez). Au fil du temps, le projet se consolide autour d’autres animations : la Maison Yanapanaku propose également des cours de langue, du français pour les membres de la communauté latino du Nord-Pas de Calais, de l’espagnol pour les locaux qui souhaitent découvrir ou approfondir cette langue étrangère. « Il peut s’agir de retraités qui ont du temps pour apprendre, mais on a aussi des gens qui parlent déjà espagnol et entendent renforcer leurs connaissances pour préparer un voyage ou une expatriation à l’étranger » détaille Pamela.
Surtout, Yanapanaku consacre une grande partie de son temps et de son énergie au développement d’actions d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (Ecsi) qui sont menées dans les écoles, collèges et lycées de la région. Concrètement, il peut s’agir d’échanges par courrier entre élèves, mais aussi de jeux ou de cours de percussion, par exemple.

« Quand je rentrerai à Bogota, cette expérience me servira dans l’association dans laquelle je suis bénévole »

Estefania Gualtero, volontaire colombienne à la Maison Yanapanaku

Sur ce volet, l’association est accompagnée par une cohorte de volontaires, comme Estefania Gualtero. Cette jeune journaliste colombienne de 22 ans est arrivée en France via le programme EnLAzando mis en place par France Volontaires, en partenariat avec La Guilde : « Venir en France est pour moi l’occasion de partager mes connaissances avec des jeunes d’ici. Cette interculturalité est très importante », explique-t-elle dans sa langue natale, bien qu’elle parle déjà un très bon français. « Quand je rentrerai à Bogota, cette expérience me servira aussi dans l’association dans laquelle je suis bénévole, qui travaille avec des personnes des communautés indigènes. J’espère pouvoir répliquer la méthodologie qu’on applique ici pour la mettre en œuvre chez moi » complète-t-elle avec enthousiasme. 

Des volontaires formés et accompagnés

Le volontariat s’avère une véritable richesse pour la Maison Yanapanaku. Outre les volontaires originaires d’Amérique latine qui gonflent régulièrement les rangs d’une structure composée uniquement de bénévoles, d’autres partent aussi pour donner un coup de main sur le terrain, principalement en Equateur. « Nous en avons déjà envoyé huit là-bas en service civique, entre autres pour promouvoir la lecture en mettant en place des petites bibliothèques mobiles » expose Pamela Visconti. « Ils ont plus de disponibilités que les bénévoles, généralement ils disent oui à tout ! Blague à part, ils sont surtout formés, bien préparés et super accompagnés. On ne pourrait pas développer autant de projets sans eux ».

Des ateliers créatifs (tissage, jeux, collages…) autour des cultures latino-américaines.

Le programme EnLAzando

Ce programme, mené depuis 2020 par France Volontaires, vise à mettre en œuvre une coopération durable entre la France et six pays d’Amérique du sud : la Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Paraguay, le Pérou et, depuis 2022, l’Argentine. EnLAzando a pour objectif principal d’appuyer la structuration de réseaux et d’acteurs (organisations, volontaires, entreprises, universités, États, etc.) pour construire une vision commune du volontariat et créer les conditions d’un volontariat responsable et solidaire en Amérique du Sud.

Regarder le reportage réalisé par la Maison Yanapanaku

Bio express

Estefania Gualtero a 22 ans. Cette jeune journaliste colombienne, fraîchement diplômée, a candidaté au programme EnLAzando de France Volontaires et réalise sa mission au sein de la Maison de la Culture Yanapanaku pour une durée d'un an.
Estefania Gualtero
Volontaire à la Maison Yanapanaku

5 questions à la présidente d’Afdi, Agriculteurs français et développement international

© AFDI. Champs école à Madagascar.

Grand temps fort de l’actualité française, le salon de l’agriculture a ouvert ses portes samedi 24 février dernier à Paris. L’occasion pour France Volontaires de mettre en lumière les nombreuses actions menées sur le terrain par les acteurs de la solidarité internationale dans le domaine de l’agriculture. Rencontre avec Sophie Fonquernie, présidente d’Afdi, membre de France Volontaires depuis 2009.

 

Quelles sont les principales missions d'AFDI ?

@Afdi. Sophie Fonquernie, présidente.
Agriculteurs français et développement international (Afdi) est une association de solidarité internationale créée par les organisations professionnelles agricoles françaises (APCA, CNMCCA, FNSEA, JA.), qui accompagne environ soixante organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale, d’Afrique de l’Est, de Madagascar et d’Asie du Sud-Est. À travers ses partenariats, Afdi vise à renforcer la sécurité alimentaire et la durabilité des agricultures, par le soutien aux exploitations agricoles familiales et le renforcement de partenariats stratégiques et de solidarité Nord/Sud. L’autre mission d’Afdi est la mobilisation, en France, des jeunes acteurs et actrices de l’agriculture et du développement pour favoriser les solidarités, mettre en évidence les enjeux du développement agricole et le rôle des agricultures familiales.

Changement climatique et agriculture familiale : quelle place pour le volontariat dans votre stratégie ?

Nous nous sommes dotés en 2023 d’une stratégie sur le changement climatique donnant une place importante à l’agroécologie comme approche d’adaptation. Les objectifs de cette stratégie sont d’accompagner les organisations paysannes dans l’identification et la mise en place d’actions d’adaptation et d’atténuation, le renforcement de leurs actions de plaidoyer pour une meilleure prise en compte de l’agriculture familiale dans les politiques climat, mais aussi l’amélioration de la prise en compte du genre et des jeunes dans les projets en lien avec le changement climatique. Le volontariat est une voie d’action dans ce cadre.

 

@AFDI. Parcelles témoin agroécologie Cambodge. Formation de responsables d’OP en Af de l’Ouest. Champs école Madagascar. Tunisie_Orbata_agriculture bio. Cameroun_Conaprocam_cacao

Vous intervenez dans dix-huit pays : quels sont les enjeux de ces partenariats internationaux ?

La faim et l’insécurité alimentaire dans le monde restent à un niveau très élevé, après une période de plusieurs années de baisse, et paradoxalement, la faim et la pauvreté touchent principalement les populations rurales et les agriculteurs et agricultrices familiaux, producteurs d’aliments.

En Afrique subsaharienne, ce constat intervient dans un contexte de croissance démographique marquée, avec une perspective de doublement de la population à l’horizon 2050. Les équilibres entre les villes et les campagnes sont déterminants, notamment en matière de production agricole et d’accès à l’alimentation. Ce constat rend fondamentales les questions relatives à l’accès à l’emploi et à l’inclusion des jeunes mais aussi des femmes, en Afrique, Madagascar ou en Asie.

Enfin, la crise écologique et climatique est plus que jamais prégnante et s’exprime par la dégradation des terres et des ressources. C’est dans ce contexte qu’Afdi inscrit son approche, en accompagnant les agriculteurs familiaux, regroupés au sein des organisations paysannes. Nos partenariats visent à renforcer les capacités des organisations paysannes afin qu’elles jouent un rôle incontournable dans la gouvernance, la stabilisation et la résilience des territoires, en facilitant la transition agroécologique et la cohésion sociale.

Où en est la création du réseau international des jeunes agriculteurs depuis le Sommet de Kigali en octobre 2022 ?

Le 20 septembre 2023, la première réunion virtuelle du Réseau international des jeunes agriculteurs s’est tenue, après le Sommet international des jeunes agriculteurs (Sija) de 2022 à Kigali et en prévision du Sommet international de 2024 au Québec. À l’initiative de cette première réunion, Jeunes Agriculteurs (JA), avec Afdi, a animé la séance en commençant par un échange sur les réalités vécues par les jeunes dans chacun de leur pays, qui se sont tous retrouvés confrontés à des aléas climatiques très forts cette année : sécheresse au sud de l’Amérique du Sud, inondations au Tchad, mauvaise répartition des pluies en Espagne… Le deuxième point saillant qui a marqué l’année agricole est l’inflation forte, en particulier concernant les intrants, l’énergie, et l’augmentation des taux d’intérêts dans certains pays, qui ne s’est pas répercutée, ou insuffisamment, sur les prix de vente des productions agricoles. Enfin, la question du manque de visibilité du travail des femmes rurales et de leur accès aux moyens de production a été souligné.

Après un échange sur leurs réalités respectives, les jeunes ont balisé l’organisation des prochaines réunions en ligne, dont deux sont prévues en 2024, échangé sur la tenue du Sommet international de 2024, et travaillé sur un plan de communication pour lancer la première Journée internationale des jeunes agriculteurs, le 29 octobre 2023. Celle-ci a été relayée sur les réseaux sociaux, en particulier en France.

Quel rôle pour les volontaires internationaux dans les exploitations françaises ?

Dans sa mission d’information et de sensibilisation du monde agricole français, et en particulier des apprenants de l’enseignement agricole, Afdi intervient régulièrement dans les réseaux des organisations agricoles, les lycées, etc. pour mettre en évidence les enjeux internationaux de l’agriculture et mobiliser les engagements pour des partenariats internationaux permettant aux agriculteurs de vivre dignement de leur métier. Dans ce contexte, le volontariat international, notamment le volontariat de solidarité international en réciprocité, peut jouer un rôle.

Afdi en bref

Association de solidarité internationale, Afdi soutient les agriculteurs familiaux dans leur volonté de vivre dignement de leur métier et d’assurer la pérennité des exploitations agricoles. Ancrée dans le territoire français, Afdi s’engage en faveur des agricultures familiales, soutient les initiatives des organisations paysannes (OP) partenaires des pays du Sud, et sensibilise les (futurs) professionnels du monde agricole et rural français à la solidarité et à la citoyenneté. Afdi est partenaire d'organisations paysannes dans 15 pays d'Afrique et d'Asie.

« L’agroforesterie, c’est l’agriculture de demain »

La parcelle d’agroforesterie d’Anthony Bracke à Madagascar © Anthony Bracke

Anthony Bracke s’est installé à Madagascar en 2015 où son association, Opti’Pousse Haie, mène des projets autour de la protection des milieux naturels. Après son volontariat de solidarité internationale (VSI), il s’est s’engagé dans un projet de développement de l’agroforesterie, une technique agricole qui mêle plantation d’arbres et de cultures sur la même parcelle. Interview.

C’est un passionné d’environnement qui bourlingue depuis près de dix ans entre la Réunion et Madagascar, ces deux îles voisines de l’océan Indien. Originaire de la petite île française, Anthony Bracke est diplômé d’écologie tropicale : dès la fin de ses études, il s’est engagé dans des associations de protection de l’environnement sur le territoire malgache, d’abord comme bénévole puis dans le cadre d’un Volontariat de Solidarité Internationale (VSI) entre 2018 et 2021.

Avec son association Opti’pousse Haie, il développe de multiples projets autour de la reforestation et de la protection de la mangrove, et mène en parallèle un projet d’agroforesterie, qu’il aimerait développer avec l’appui de futurs volontaires.

Comment vous êtes-vous engagé dans une démarche d’agroforesterie à Madagascar ?

J’ai commencé à développer l’agroforesterie à titre individuel sur une parcelle de terrain de cinq hectares que j’exploite avec ma femme et un ami. Le reboisement de la parcelle doit se faire avec l’objectif de recréer un écosystème plus intégré dans le paysage. On y produit du sésame, des cacahuètes, du moringa, de l’indigo, de l’hibiscus rouge également (du bissap), que ma femme transforme ensuite : confitures, jus, tisanes et même des fleurs cristallisées, un produit très demandé par certaines épiceries de luxe. Tout cela se fait grâce à l’énergie solaire. Notre idée est de sublimer les produits de Madagascar afin de mettre en avant un terroir, ce qui se fait très peu sur l’île car la matière première est directement exportée vers l’étranger.

La livraison des plants de moringa par “deux Lamborghini” comme s’en amuse Anthony Bracke. © Anthony Bracke

«L'agroforesterie permet une collaboration entre les espèces d’arbres et les cultures. »

Quel est l’intérêt de l’agroforesterie ?

Cela permet une collaboration entre les espèces d’arbres et les cultures. Par exemple on va utiliser les racines de certains arbres pour véhiculer de l’azote au niveau du sous-sol, ce qui constitue un engrais naturel pour les plantes alentours. Pour d’autres espèces, on va compter sur le fait que les feuilles tombent par terre pour faire de l’humus ou permettre un paillage naturel. Enfin la présence d’arbres permet aussi de casser le vent. C’est très utile dans une zone côtière comme la nôtre, cela protège les espèces fruitières qui produisent d’abord des fleurs.
Les arbres constituent enfin un habitat naturel pour de nombreux oiseaux et insectes. On va évidemment perdre une partie de la récolte, mais on produit des fruits et légumes sains : l’agroforesterie, c’est aussi une façon de sortir de l’agriculture chimique. C’est l’agriculture de demain.

Cela participe aussi au reverdissement de l’île, qui est un projet-phare des autorités du pays…

Oui, mais c’est un sujet complexe à Madagascar, car certaines entreprises ou associations ont tendance à planter des acacias : cela permet un reverdissement rapide de l’ile, mais c’est une espèce exotique et invasive qui détruit l’habitat de certains animaux comme les serpents ou les oiseaux, et l’acacia a aussi de grands besoins en eau. Donc on reverdit très facilement car c’est facile à planter, mais une bonne reforestation passe plutôt par des espèces endémiques et autochtones. Il y en a plus de 400 ici. L’objectif de notre association est de mettre en place un processus de reboisement pérenne, respectueux de l’écosystème de l’île, afin de transmettre le projet à une plus grosse ONG qui ait les moyens de généraliser ce mode de fonctionnement.

Bio express

Anthony Bracke a été coordinateur de projets pour l’association Analalava Tia Fandrosoana dans le nord-ouest de Madagascar de 2018 à 2021. Recruté par l'antenne de France Volontaires à La Réunion, engagé pour l'environnement et la préservation de la biodiversité, il a fait partie de la délégation de France Volontaires qui a participé au One Forest Youth Forum et au One Forest Summit à Libreville, au Gabon, en février 2023.

Zoom sur trois missions de volontariat dans l’agriculture

©  Travis Leery / Unsplash

Le Salon de l’agriculture, qui se tient à Paris du 24 février au 3 mars 2024, est l’occasion de mettre en lumière les productions agricoles françaises. Toute l’année, de nombreux volontaires venus du monde entier viennent en France pour partager leur savoir-faire, tandis que d’autres volontaires français partent à l’international pour participer à des projets agricoles dans des pays partenaires.

Valentin, un Argentin à la découverte de la bière artisanale à Arras

Valentin (à gauche) et Francisco, tous deux volontaires au lycée agricole de Douai

Le récent engouement pour la bière artisanale a relancé ce secteur économique dans une zone géographique qui est considérée comme la principale région brassicole du pays. À Douai, dans les Hauts de France, le lycée agricole Biotech abrite aujourd’hui une micro-brasserie professionnelle, qui commercialise la boisson houblonnée sous la marque L’Escréboise. Valentin, jeune Argentin de 21 ans, suit des études pour devenir ingénieur agronome à Buenos Aires. Il est arrivé au début du mois de décembre pour passer six mois dans l’établissement, dans le cadre du programme de volontariat EnLazando entre la France et l’Amérique latine.

Je suis venu ici pour travailler dans la brasserie artisanale du lycée.

En Argentine, je suis un cursus généraliste autour de l’agriculture extensive, de la production de vin… Je termine ma troisième année d’enseignement supérieur, venir ici était une occasion de me spécialiser. J’avais une petite idée de la façon dont est produite la bière, mais je ne maîtrisais pas le processus artisanal que l’on m’enseigne ici, les caractéristiques chimiques de transformation des céréales en bière, etc. Cela me permettra de revenir dans mon pays avec un véritable savoir-faire.

Hugo et Louise, l’innovation agricole en Côte d’Ivoire

Hugo et Louise sont les premiers volontaires en Service Civique à avoir été envoyés au sein de l’Institut national de formation professionnel agricole (INFPA) d’Abidjan (Côte d’Ivoire) par le lycée Nature de la Roche-sur-Yon. Durant sept mois, ils se sont investis dans de nombreux projets afin de sensibiliser les jeunes à la protection de l’environnement et aux nouvelles techniques d’agriculture.

Louise et Hugo en Côte d’Ivoire

Nous sommes chargés de sensibiliser les jeunes à l’environnement,

au développement durable et à l’alimentation. Pour remplir cette mission, nous avons créé diverses activités et animations sur l’environnement, la pollution ou la biodiversité afin de sensibiliser les élèves (que ce soient des primaires ou des élèves en BTS) sur ces différentes thématiques. Nous sommes également en charge de la création et l’entretien d’une parcelle pédagogique qui met en valeur des techniques agricoles innovantes : agriculture verticale, utilisation du bio, permaculture… ainsi que de l’aménagement d’une forêt vierge : c’est un espace vert ouvert avec un potager pluriculturel et un sentier d’interprétation en sous-bois afin de pouvoir y accueillir du public et le sensibiliser sur le fonctionnement de cet écosystème.

Stéphanie Legey accueille des volontaires anglophones en Corse

À Sartène, le Campus AgriCorsica regroupe un lycée, deux centres de formation professionnelle et une exploitation agricole. L’objectif de l’établissement ? Enseigner et produire autrement. Depuis trois ans, celui-ci accueille des jeunes en service civique venus de pays partenaires afin de leur permettre de participer à la vie de ce campus agricole pas comme les autres. Stéphanie Legey, professeur d’anglais, coordonne l’accueil des jeunes volontaires étrangers sur l’île.

Adelaide, actuellement volontaire ghanéenne au Campus AgriCorsica de Sartène.

Cette année nous accueillons Adélaïde, en provenance du Ghana, elle est la troisième volontaire à réaliser un service civique ici,

après Meghna et Tarek, qui étaient eux originaires d’Inde et du Liban. Ce sont des volontaires anglophones, l’idée est qu’ils puissent enseigner la langue anglaise à nos apprenants en les sensibilisant aux questions d’agro-écologie et de développement durable. Deux jours par semaine, ils participent aussi à la fabrication du fromage et de la charcuterie corse dans notre exploitation. Leur présence doit aussi susciter des envies de mobilité pour nos étudiants : nous vivons sur une île, il faut lutter contre une certaine forme d’isolement. La présence de ces volontaires est une réponse positive pour des jeunes qui sont en quête de soi, en quête de l’Autre et en quête d’ailleurs.

À Yaoundé, une exposition sur les cultures du nord du Cameroun

© DR

À l’été 2024, le Musée national de Yaoundé s’associe au Musée d’Angoulême pour proposer une exposition artistique, ethnographique et historique, qui regroupera une collection inédite d’objets issus des régions du nord du Cameroun. Une grande première pour le pays et une belle occasion pour Gabriella, volontaire chargée de coordination du projet, de mettre à profit toutes ses compétences.

Des bijoux, des instruments de musique, des outils, de la sculpture, de la vaisselle d’apparat… le musée national de Yaoundé, au Cameroun, va prochainement accueillir dans ses vitrines une sélection de pièces originaires du nord du pays qui n’ont encore jamais été montrées nulle part. Un projet d’ampleur mené en partenariat avec le Musée d’Angoulême (Charente), qui développe déjà depuis plusieurs années une réelle coopération culturelle avec son homologue de la capitale camerounaise. « Cette exposition abordera des cultures variées et des périodes de l’histoire très ouvertes » explique Emilie Salaberry, conservatrice du Musée d’Angoulême, partenaire de l’événement. « Comme souvent pour les arts africains, il y aura pas mal de pièces du XXe siècle, mais aussi d’autres plus récentes, l’idée étant de s’ouvrir aux dynamiques contemporaines. Surtout, elle concernera des régions du pays qui ne sont habituellement pas mises à l’honneur. Cela donnera de la visibilité à un territoire qui n’est pas assez reconnu sur le plan de la création ».

Une logistique importante pour l'exposition

Le projet est le fruit d’un travail de longue haleine effectué main dans la main par les deux institutions avec les acteurs de terrain : des comités scientifiques, répartis sur tout le territoire concerné par l’exposition, sont ainsi à l’œuvre depuis plusieurs semaines. Ils mobilisent des chefs politiques, des leaders communautaires, des représentants de sociétés savantes ou de musées régionaux, mais aussi des universitaires et des chercheurs. Un panel très complémentaire qui est donc chargé de définir la liste des objets à exposer, en provenance directe des régions concernées. La tâche est complexe. Il va ainsi falloir organiser une importante logistique afin d’acheminer les pièces vers la capitale, alors que les conditions de transport ne sont pas toujours aisées dans certaines zones du pays.

Une volontaire pour coordonner le projet culturel

Pour coordonner ce conséquent projet, le Musée national du Cameroun peut compter sur Gabriella, qui s’est engagée auprès de l’institution dans le cadre de son volontariat de solidarité internationale depuis le mois d’août 2023. Diplômée de l’Ecole du Louvre en muséologie, elle apporte tout son savoir-faire et ses connaissances pour faciliter la mise en œuvre de l’exposition. « C’est le maillon fort de tout ce projet », assure Emilie Salaberry : « Elle a de vraies compétences et elle fait le lien entre moi et les équipes sur place à Yaoundé. Sa présence in situ est essentielle ». La jeune volontaire ne dit pas le contraire : « Mon rôle consiste à faire la liaison entre les nombreux acteurs du projet, plus d’une vingtaine pour la seule phase de conception : les personnes qui réfléchissent au contenu, à l’histoire racontée. Je veille à ce que les informations soient partagées et les délais respectés. J’organise les réunions, rédige les comptes-rendus… La gestion de projet culturel c’est une première pour moi, mais j’aime beaucoup cet aspect de mon quotidien » conclut-elle.

Exemples de pièces présentées lors de l’exposition : pagnes antérieurs tipesu, avant 1970, Fali du Tinguelin, n°1 et N°2 / Pagnes postérieurs diota, avant 1970, n°9 et N°11. Portés noués pour éviter qu’ils ne s’envolent au vent. Les broderies sont uniquement décoratives. Collection du Musée d’Angoulême.

Regarder le témoignage de Johan et Davina, collègues de Gabriella au Musée national du Cameroun

Bio express

Gabriella a 26 ans. Son parcours est marqué par une sensibilité artistique : après un bac en design, elle a exploré le domaine de la joaillerie avant de se réorienter vers une licence en histoire de l’art. Elle est aujourd’hui diplômée de l’École du Louvre en muséologie. Cliquez pour lire sur notre site le témoignage complet sur son expérience de volontariat.

5 idées reçues sur le Volontariat international d’échange et de solidarité

Des volontaires au Togo. © DR

Vous pensez que le volontariat n’est pas de votre âge, n’est pas pour vous ou que vous n’avez rien à partager ? Vous imaginez que vous n’en avez pas les moyens, ni le temps ? Âge, compétence(s), disponibilité, tarif… on lève le voile sur cinq idées reçues qui vous aideront à franchir le pas de la solidarité internationale !

Le VIES offre aux volontaires l’opportunité de vivre une expérience enrichissante sur le plan personnel et professionnel, de découvrir de nouvelles cultures, d’acquérir des compétences utiles, et de contribuer de manière concrète à des projets d’intérêt général à l’échelle internationale. Et pourtant, certaines idées reçues persistent…

Je n'ai pas l'âge pour partir en volontariat

Première idée reçue : l’âge. On connaît bien le Service Civique à l’international à destination des jeunes de 16 à 25 ans (30 pour les jeunes en situation de handicap). Mais dans les faits, le VIES est ouvert à toute personne en désir d’engagement à partir de 16 ans, sans limite d’âge. Par exemple, le dispositif de Volontariat de solidarité internationale (VSI) n’est pas limité à une tranche d’âge spécifique. De nombreuses organisations accueillent des volontaires de tous les âges, offrant ainsi une diversité d’expériences, de compétences et de perspectives. À noter que le Volontariat d’échanges et de compétences (VEC) regroupe les personnes en activité ou à la retraite qui se mobilisent pour des missions d’expertise sur des périodes plus ou moins courtes, tels que le congé de solidarité et le volontariat senior.

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Le volontariat est une forme de tourisme déguisé

Les missions du volontariat de solidarité internationale reposent sur des projets concrets, construits en partenariat avec les structures des pays d’accueil, et qui répondent à des enjeux locaux clairement définis en amont de la mission. Même si une mission de volontariat est l’occasion de découvrir le monde et de partir à la rencontre de l’Autre, les volontaires s’impliquent activement dans des activités utiles pour la communauté, ce qui les distingue du simple touriste.

S’engager c’est bien ; bien s’engager c’est mieux ! Attention à ne pas tomber dans le piège du « volontourisme », forme de marchandisation du volontariat exploité par des structures malveillantes. Les offres de « voyage solidaire », « tourisme humanitaire » ou encore « missions solidaires » pullulent et certaines organisations à but lucratif exploitent le filon dans une logique commerciale, souvent au détriment des populations.

Les structures agréées

Cliquez et découvrez quelle sont les associations agréées par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Je n'ai pas les moyens de m'engager dans un volontariat

Les coûts associés au volontariat peuvent varier en fonction des structures et du type de mission. Dans le cadre de missions courtes, les billets d’avion doivent être pris en charge par le volontaire, et parfois une contribution aux frais d’hébergement doit être payée.

Mais dans le cadre de missions plus longues comme le VSI ou le service civique à l’international, les volontaires perçoivent une indemnité et bénéficient d’une protection sociale et sanitaire qui permet de vivre correctement dans le pays d’accueil.

France Volontaires recommande de faire preuve de vigilance face à certains organismes qui demandent le financement intégral de la mission par les volontaires, parfois à des coûts élevés, et pour des missions dont le caractère éthique et responsable, et le manque de lien avec l’intérêt général, interrogent.

Je n'ai pas les compétences pour devenir volontaire

Contrairement à cette idée reçue, de nombreuses missions de volontariat international ne requièrent pas spécialement d’expertise particulière. Quelle que soit son expérience et ses compétences, il existe un dispositif de volontariat qui permet à chacun de s’engager pour un monde plus solidaire ! Pour les plus jeunes, le volontariat d’initiation et d’échange est parfait si l’on s’engage pour la première fois dans la solidarité internationale. C’est souvent sur une courte durée, notamment via les chantiers de solidarité internationale ou le service civique. Ces dispositifs ne nécessitent pas de compétences particulières, mais une motivation sans faille et un fort attachement à la solidarité, comme en témoigne Emma, jeune volontaire en Service Civique !

Le volontariat est une rupture dans mon parcours pro

Certaines missions de volontariat international requièrent des compétences bien spécifiques. C’est le cas pour certains dispositifs comme le congé de solidarité, le VSI ou le volontariat sénior où les volontaires sont sollicités pour venir en appui à des projets plus spécialisés, sur des durées pouvant aller de quelques semaines à plusieurs années. Ces missions nécessitent souvent une expertise spécifique pour répondre aux besoins locaux de manière efficace et durable. Elles s’inscrivent en toute logique dans un parcours professionnel, grâce à une expérience sur le terrain qui s’avère parfois être un tremplin pour la suite de sa carrière ! Pour Éléa Delsaux, déployée aux Philippines en janvier 2023 pour protéger le Binturong en voie de disparition, nul doute que sa mission s’inscrit parfaitement dans son parcours professionnel ! Jeune biologiste de la faune sauvage, titulaire d’un master en éthologie et écologie, Éléa s’est engagée dans une mission « en parfaite harmonie avec (s)es objectifs professionnels, (s)a vocation étant de travailler dans le domaine de la préservation de la faune sauvage, plus précisément dans le cadre de la recherche scientifique ».

Remettre en question ces idées reçues, c’est mieux comprendre la multitude des dispositifs et s’offrir la possibilité de vivre une expérience structurante pour soi, et pour les autres !

En volontariat dans un hôpital de brousse

Un médecin en consultation dans un dispensaire. © cdc / Unsplash

[Paroles d’anciens volontaires] De septembre 2007 à décembre 2009, Max Schaffer s’est engagé avec sa compagne Julie dans une mission de volontariat au Cameroun. Objectif : aider à la gestion d’un hôpital de brousse. Avec quelques années de recul, il revient pour nous sur cette expérience et en dresse le bilan.

Avec chacune 2,8 millions d’habitants, les villes de Yaoundé, capitale située dans le centre du pays, et Douala, située sur le bord de l’Atlantique, constituent les deux grandes métropoles du Cameroun. Entre les deux : la brousse. Des kilomètres de forêt dense et humide (celle-ci recouvre 42% du territoire national) dans lesquelles les conditions de vie sont particulièrement difficiles. Dispersés sur un vaste territoire, les villages sont reliés par des pistes dans un état aléatoire, ce qui rend les déplacements lents et parfois difficiles.

Dans ce contexte, la présence d’hôpitaux de brousse doit permettre de faciliter les soins au plus près de populations rurales qui subissent diverses pathologies : insuffisances alimentaires et malnutrition, virus…  C’est dans cette optique que la Délégation catholique pour la coopération (DCC) envoie régulièrement des volontaires pour appuyer les équipes sur place. Max et Julie Schaffer faisaient partie de ceux-là. Entre 2007 et 2009, le couple s’est rendu sur place dans hôpital de brousse pour aider à la gestion administrative et financière de l’établissement. Max Schaffer revient avec nous sur cette mission.

Pour quelles raisons vous étiez-vous engagé dans un volontariat de solidarité internationale ?

Pour me mettre au service de projets de développement, aller vivre et partager le quotidien de citoyens d’une autre culture, mieux percevoir les complexités du monde aussi, et également pour tester ma conviction que la coopération est riche pour ceux qui la vivent et pour ce qu’elle produit.


Concrètement, on quoi consistait votre mission ?

Nous sommes partis en pays Bassa, en forêt, afin de participer à la gestion d’un hôpital de brousse qui comprenait une centaine de lits, différents services, une quarantaine de salariés et qui avait une vocation sociale forte : même si les soins sont payants au Cameroun et que l’équilibre économique de l’hôpital en dépendait, les malades indigents étaient également soignés. Ma mission consistait à assurer cet équilibre social et économique dans des conditions climatiques (chaleur, humidité, orage) qui dégradaient beaucoup les infrastructures.

C’est-à-dire ?

Il fallait tous les jours remettre en état des parties de l’hôpital, réparer le forage pour alimenter l’eau potable, assurer la production d’électricité, approvisionner les médicaments et le matériel… Mais il y avait également un aspect plus humain avec l’accueil des malades, la nécessité de rendre l’hôpital beau, propre et apaisant pour tous, et aussi celle d’accompagner les salariés pour assurer un service de qualité. Enfin, il était indispensable de faire la promotion de l’établissement, afin d’en augmenter la fréquentation. En fait nous agissions à tous les niveaux pour garantir la robustesse et la durabilité de cet accès aux soins.

« Je me suis engagé à mon retour dans une association qui développe des fermes écologiques et sociales. »

En quoi l’apport de volontaires vous a-t-il semblé utile dans le cadre des missions de cet hôpital de brousse ?

D’un point de vue général, le volontariat permet l’échange culturel et apporte souvent des solutions issues d’un croisement de chaque culture. Mais aucune culture ne s’impose à l’autre. Les actions mises en place sont échangées et débattues, souvent testées avant d’être réellement lancées. La présence d’un volontaire sur le temps long permet de mieux percevoir la vie locale, les habitudes, de sentir le climat afin de faire des propositions adaptées et coconstruites. Je me souviens par exemple qu’en brousse, il n’y avait pas de gestion collective des déchets mais après plusieurs mois de travail avec le personnel de l’hôpital nous avions mis en place un tri et une collecte de déchets pour le personnel et les patients hospitalisés.

Le retour avait-il été difficile ?

J’ai effectivement été marqué par une expérience où je n’avais pas tout le temps accès ni à l’eau ni à l’électricité, où je devais cohabiter avec une incroyable faune, où tout le monde cultive pour se nourrir… Mais j’avais aussi vécu et observé les aberrations écologiques et économiques des importations de produits transformés et des exportations de monocultures, de la déforestation… j’ai réalisé que notre mode de développement devait et pouvait changer en France pour prendre en compte les enjeux écologiques et de justice économique. Je me suis engagé à mon retour dans une association qui développe des fermes écologiques et sociales.

Quel doit être le rôle de ces associations, selon vous ?

Les associations sont une part essentielle de la démocratie sociétale, leurs actions doivent être fortement soutenues car elles permettent aux citoyens de comprendre ce qui se passe et de s’y engager. Elles sont une réponse très forte aux enjeux environnementaux car elles proposent et mettent en œuvre des actions écologiques mais aussi sociales. Leur parole n’est pas suffisamment entendue, leurs actions pas assez soutenues. Elles ne doivent pas être cantonnées à un rôle de correction mais elles peuvent construire des nouveaux modèles économiques de développement.

La brousse au Cameroun. © Edouard Tamba / Unsplash

« Des solutions concrètes pour protéger la forêt amazonienne »

© Dieny Portinanni / Unsplash

Alors que le « Poumon de la Terre » est soumis à de multiples dangers, l’association française Envol Vert déploie plusieurs projets pour tenter d’en limiter les effets. Charlène Lainé s’est engagée auprès d’eux en tant que volontaire de solidarité internationale (VSI) dès 2016. Lors de la COP 28, qui s’est déroulée à Dubaï au mois de décembre 2023, nous l’avons interrogée sur sa vision du volontariat dans le cadre de missions de protection de l’environnement.

C’est la plus grande forêt du monde : avec près de 400 milliards d’arbres, l’Amazonie abrite 13% des arbres de toute la planète. Pour autant, cet immense réservoir de biodiversité, qui s’étend sur neuf pays d’Amérique du Sud, est l’objet de très fortes menaces. Depuis le début de ce siècle, elle a ainsi été victime de trois fortes sécheresses, provoquant incendies et perturbation des cycles de l’eau.
Le réchauffement climatique est quant à lui en train de profondément modifier l’écosystème. C’est pour tenter de limiter les effets de ces menaces que l’association française Envol Vert, avec de nombreux autres acteurs locaux, tente de mettre en place sur le terrain des actions concrètes de protection de la forêt, avec le soutien de ses volontaires.

Pour quelles raisons vous êtes-vous engagée auprès d’Envol Vert ?

Pour me sentir utile face aux grands défis de notre temps, particulièrement en matière d’environnement. Pour mettre mes compétences au service d’une cause juste et noble. M’engager pour demain et pas simplement pour exercer mon métier et toucher un salaire! Je suis donc partie au Pérou, par l’intermédiaire du Service de Coopération au Développement (SCD), avec Envol Vert pour lutter contre la déforestation en Amazonie en soutenant des projets locaux innovants qui proposent des solutions concrètes et efficaces en faveur de la protection de la forêt.
Nous travaillons sur beaucoup de sujets différents : la reforestation en agroforesterie café et cacao, l’appui aux réserves naturelles, le développement de filières alternatives, le renforcement communautaire, la sensibilisation du grand public à l’Empreinte Forêts (une méthodologie développée par Envol Vert pour mesurer l’impact de notre consommation sur la déforestation). Beaucoup de sujets qui m’ont passionnée et poussée à poursuivre ma mission depuis plus de six ans.

"L'énergie des volontaires fait bouger des montagnes"

En quoi le volontariat vous semble-t-il utile dans le cadre d’actions dans le domaine de l’environnement ? ?

Le volontariat est indispensable à la survie de certaines associations pour leur développement ainsi que pour leur dynamisme. Les volontaires s’engagent aussi pour mettre en pratique leurs compétences et gagner en expérience tout en se dédiant à une cause d’intérêt général. En retour l’association bénéficie de leur force d’engagement, de leur énergie mais aussi de leur créativité. L’énergie des volontaires est précieuse, elle peut faire bouger des montagnes lorsqu’un encadrement approprié lui est apporté. Par ailleurs, les volontaires sont souvent critiques et obligent à une remise en question continue des modes d’intervention. Ils permettent à l’association de rester en lien avec les nouvelles générations. Enfin, la rencontre interculturelle apporte une richesse supplémentaire dans l’échange avec les participants locaux des projets.

Quel doit être le rôle des associations et ONG parmi l’ensemble des acteurs des politiques environnementales? Leur parole vous semble-t-elle suffisamment entendue?

Les ONG et les associations sont aujourd’hui indispensables à la lutte contre le changement climatique ou la destruction même du vivant. Alors même si nous n’avons pas encore gagné la guerre du climat, les associations militantes sont indispensables pour porter un regard averti sur le monde et le bien-être de l’Humanité.

Si vous aviez une mesure prioritaire à proposer en termes d’environnement, quelle serait-elle ?

Stopper les projets climaticides quels qu’ils soient et sortir concrètement des énergies fossiles ! Si la majorité des réfugiés aujourd’hui sont des victimes du changement climatique, cela n’est pas un hasard, et si nous ne traitons pas de cette question rapidement c’est tout un problème de bien être sociétal que nous devrons affronter. En tant que volontaire nous espérons constituer une partie de la réponse, même si l’engagement a souvent un prix.

Regarder le témoignage de Charlène

Bio express

Charlène Lainé, 34 ans, est diplômée d’un Master en gestion de projets spécialité développement durable et local des territoires. Elle accorde beaucoup d’importance aux valeurs de protection environnementale ainsi qu’aux spécificités qui constituent les terroirs et les patrimoines. Avant d’être volontaire au Pérou, elle avait effectué un service civique en Île-de-France. Elle est par ailleurs bénévole depuis l’âge de 15 ans.
Charlène Lainé
Volontaire chez L'Envol Vert

L'organisme d'accueil

Envol Vert est une association pour la préservation de la forêt et de la biodiversité. Elle est quasi-exclusivement composée de bénévoles et de volontaires, dans une volonté de consacrer la plus grande part de son budget aux interventions locales. Elle agit en France et en Amérique latine (principalement au Pérou et en Colombie) avec la volonté de créer des liens forts avec les populations locales afin de participer à un développement durable soutenable.

À la rescousse du « chat-ours »

© Emmanuel Baril 

Chassé pour sa fourrure ou sa viande, le « chat-ours » (également appelé binturong) est aujourd’hui une espèce menacée dans sa zone d’habitat naturel en Asie du sud-est. Aux Philippines, ABConservation agit pour la protection de ce mammifère qui contribue, par son mode de vie, à la régénération des forêts dans lesquelles il évolue. Rencontre avec Éléa Delsaux, volontaire au sein de l’association.

C’est un petit animal qui n’a pas l’air commode, avec sa mâchoire bien acérée et son épais pelage sombre. Pourtant, le binturong est souvent capturé pour devenir un animal de compagnie. Pire, il continue d’être chassé pour sa fourrure ou pour sa chair, qui est encore utilisée dans certaines médecines traditionnelles asiatiques. Présent en Inde, en Thaïlande, au Vietnam ou en Malaisie, on le croise aussi dans certaines forêts philippines. De moins en moins toutefois, puisque la déforestation et le trafic illégal ont progressivement réduit sa population.

Pourtant, le binturong est primordial pour l’équilibre de l’écosystème dans lequel il vit : bien que classé comme carnivore, il se nourrit principalement de fruits et contribue ainsi à la dispersion des graines et à la régénération de la forêt. Éléa Delsaux a été envoyée sur place par La Guilde pour apporter son expertise à l’association ABConservation dans le cadre d’un volontariat de solidarité internationale (VSI).

Connaissiez-vous le binturong avant votre arrivée aux Philippines ?

Oui, je connaissais déjà le binturong avant mon départ. J’ai en fait découvert ce mystérieux animal en 2019 lors de ma première expérience dans l’association ABConservation en tant que stagiaire.

Qu’est-ce qui vous a motivée à vous engager dans cette mission en tant que volontaire de solidarité internationale (VSI) ?

La mission est en parfaite harmonie avec mes objectifs professionnels, ma vocation étant de travailler dans le domaine de la préservation de la faune sauvage, plus précisément dans le cadre de la recherche scientifique. Lors de ma première expérience en tant que stagiaire, j’ai vraiment pris à cœur de travailler pour protéger et étudier cette espèce. Je me suis très vite attachée à l’association et à l’île de Palawan en me disant que je finirai par revenir. Alors quand on m’a proposé de le faire début 2023 pour gérer le programme de recherche, j’ai naturellement accepté!

"Les connaissances sur le comportement du chat-ours sont très pauvres"

Pour quelles raisons faut-il s’intéresser au binturong ?

Les données sur les populations sauvages sont peu nombreuses et les connaissances sur l’écologie ou le comportement de l’espèce sont très pauvres, il faut donc améliorer ces connaissances : mieux comprendre c’est mieux protéger ! Le but est donc avant tout de transmettre ces informations à la communauté scientifique en publiant nos résultats, en les présentant lors de conférences nationales ou internationales, etc.

Le binturong est très peu connu du grand public, en quoi est-ce important de promouvoir sa protection ?

Effectivement, on se doit de rendre les données scientifiques accessibles au plus grand nombre. Des actions de sensibilisation à l’importance de sa protection sont mises en place que ce soit en France, en Angleterre ou aux Philippines. Ici, le binturong n’est présent que sur l’île de Palawan. Il y a donc un fort enjeu de transmission de connaissances aux communautés locales. L’idée est aussi de transmettre notre passion et notre expertise aux nouvelles générations, en accueillant régulièrement de nouveaux stagiaires, volontaires, ou bénévoles.

"On travaille dans la forêt afin de collecter des données pour nos études scientifiques"

ABConservation intervient également pour assurer le bien-être des animaux…

Oui, l’association constitue une référence pour les différents parcs zoologiques ayant des binturongs en captivité. Nous sommes toujours disponibles pour répondre à leurs questions et assurer le bien-être de leurs individus. À Palawan, nous avons un partenariat avec le centre de sauvetage et de conservation de la faune sauvage. Plusieurs binturongs issus du trafic illégal d’animaux sauvages s’y trouvent. Notre rôle est d’aider le centre à avoir de meilleures capacités d’accueil, notamment pour rénover des enclos afin qu’ils correspondent aux besoins écologiques de chaque espèce.

Comment se déroule une journée type pour vous ?

En tant que responsable du programme de recherche, mes journées sont très variables ! Une journée sur le terrain débute autour de 7h du matin. On travaille dans la forêt pour collecter des données pour nos études scientifiques : pose de pièges-photos, exploration des différentes zones du site d’étude (cartographie, marquage d’arbres intéressants pour les binturongs, repérage de traces), etc.
On revient au camp pour 17h, la nuit tombant à 18h, et on dort dans la forêt puisqu’on y reste toujours plusieurs jours d’affilée. Lors d’une journée au bureau, je vais réaliser des tâches administratives, analyser des données, rédiger des protocoles, préparer la prochaine session de travail sur le terrain, contacter des partenaires, etc. De quoi bien rester occupée ! (rires) Je travaille en duo avec mon assistante, donc c’est aussi du temps à travailler en commun.

Quel bilan faites vous de ces premiers mois de mission ?

Je suis très épanouie car passionnée par tout cela. Je me rends compte du travail que demande la recherche dans le domaine de la conservation de la faune sauvage, c’est très enrichissant. Et s’il y a encore beaucoup à faire, cela ne rend mon engagement que plus fort. J’apprends beaucoup et le temps passe très vite, ma mission ici est une cause qui me tient vraiment à cœur, je compte bien donner le meilleur de moi-même tout au long de mon volontariat.

Bio express

Éléa Delsaux (25 ans) est une jeune biologiste de la faune sauvage. Elle est titulaire d’une licence en biologie et écologie et d’un master en éthologie (étude du comportement animal dans son milieu naturel) et écologie. Elle est arrivée aux Philippines en janvier 2023 pour une mission de deux ans dans le cadre d’un volontariat de solidarité internationale. Elle a été envoyée sur place par La Guilde (membre de France Volontaires) pour rejoindre l’association ABConservation.
Éléa Delsaux
Volontaire chez ABConservation

La structure d'accueil

ABConservation est une association dédiée à la protection de cette espèce endémique de l’Asie du Sud-Est dont la survie est gravement menacée par la disparition des forêts primaires et les conséquences de nos modes de vie. Née, en 2014, c’est une ONG de notoriété mondiale qui porte des programmes d’envergure internationale pour améliorer les connaissances sur l’écologie du binturong et pour sensibiliser à sa protection.