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Apprendre en lisant grâce à la bibliothèque de l’île de Gorée

© Rémi Belot / France Volontaires

Longtemps dédiée à la traite négrière, l’île de Gorée au large de Dakar (Sénégal) est devenue un lieu de mémoire qui rappelle à ses milliers de touristes ce que fut la condition des esclaves pendant près de 400 ans. Elle continue toutefois d’abriter une population d’environ 2000 habitants. Amélie Fouassier-Tall, bibliothécaire, y a monté l’association Livre en liberté : avec l’aide de son équipe de volontaires, elle met en place des activités pédagogiques autour de la lecture pour les enfants du village et ceux de Dakar.

Une nuée d’enfants galopent dans la cour de la vieille bâtisse en pierre basaltique noire. Construit en 1777, le majestueux bâtiment a traversé les âges : jadis propriété du directeur de la Compagnie des Indes puis abandonné et laissé en ruines pendant des années, il a finalement été restauré et fait désormais office de centre socio-culturel sur l’île de Gorée.

Au rez-de-chaussée, sous l’imposant escalier en pierre qui mène aux coursives du premier étage, se trouve une petite pièce aux murs recouverts de livres : c’est la bibliothèque municipale, vers laquelle les bambins convergent finalement. Car il est 15h30 en cet après-midi de début janvier et les locaux viennent d’ouvrir leurs portes. C’est Grégoire qui est en charge de l’animation du jour : ce jeune français, volontaire en service civique international, donne de son temps, de son énergie et de son savoir aux enfants du village.

1500 livres pour les enfants de Gorée et Dakar

Si la bibliothèque a été mise en place en 2015 par la municipalité de Gorée, c’est bien l’association Livre en Liberté qui en assure la gestion au quotidien. La structure a été créée par Amélie Foussier-Tall. Ancienne bibliothécaire, puis engagée au sein de l’ONG Livres sans frontières, elle gère désormais cette petite structure dont l’objectif est de développer des activités pédagogiques en lien avec la lecture : « Nous disposons de plus de 1500 ouvrages ici, qui nous ont été offerts par l’ONG Biblionef ».

De fait, les rayons sont bien garnis. Il y en a pour tous les âges, de la petite enfance jusqu’à l’adolescence, et dans tous les styles : des romans, de la BD, des documentaires, afin d’aiguiser la curiosité de tous les jeunes qui vivent sur ce petit rocher qui émerge au large de Dakar.

La bibliothèque de l’île de Gorée, dans les locaux du centre socioculturel Joseph-Ndiaye.

Une bibliothèque dans les sacs à dos

Pour autant, l’activité de l’association ne se limite pas qu’à la seule île de Gorée : plusieurs fois par semaine, Amélie et ses volontaires remplissent leurs sacs à dos et vont apporter de la lecture dans dix écoles de la capitale sénégalaise, qu’on peut rejoindre après environ 30 minutes de traversée sur l’océan Atlantique : « C’est le même principe qu’un bibliobus », détaille Amélie « sauf que nous n’avons pas les moyens de nous payer un véhicule. Nous espérons y parvenir un jour, mais dans l’attente nous amenons nous même les ouvrages sur place ».

Pour animer cette bibliothèque mobile, elle peut compter sur l’aide de son équipe de volontaires. Cette année, ils sont au nombre de quatre : Grégoire, donc, mais aussi Pierre, Léna et Kawtar, tous trois en volontariat de solidarité internationale (VSI). « Cela fait la troisième année que nous accueillons des volontaires. Ils ont un rôle assez important pour nous car nous sommes une petite équipe et leur présence renforce nos projets » justifie Amélie.

Grégoire, titulaire d’une licence en langues étrangères appliquées, voit dans sa mission une occasion « d’engranger une expérience professionnelle à l’étranger. J’étais motivé par le fait de sortir de ma zone de confort, découvrir une nouvelle culture et un nouveau mode de vie. Je me suis tout de suite senti concerné par l’envie de cette association de promouvoir les arts, les sciences, la littérature et de créer un espace inclusif qui répondrait au besoin du plus grand nombre ». Grâce au dynamisme d’Amélie et de ses volontaires, à Gorée comme à Dakar, les livres n’ont pas fini d’évoluer en liberté.

© Rémi Belot / France Volontaires

Bio express

Grégoire Neau a 23 ans, il est titulaire d’une licence en langues étrangères appliquées spécialisation commerce international et d’un BTS Tourisme. Il est originaire de Surgères en Charente-Maritime.
Grégoire Neau
Volontaire chez Livre en Liberté

« Cela stimule les élèves de sortir du cadre scolaire »

© DR / France Volontaires

[Retour sur mission] Fanny Pons a réalisé six mois de volontariat au cours de l’année 2023 dans une école communautaire à Ashaiman, une zone défavorisée de la région du Grand Accra (Ghana), pour une mission d’enseignement formel et informel du français autour du sport et des jeux. Elle s’était engagée dans le cadre d’un Service Civique international.

J’ai effectué mon volontariat chez Floating Crystals Academy, c’est une école communautaire fondée il y a une dizaine d’année par la fondation Hope and Service.

Son but est de permettre aux enfants les plus défavorisés de la communauté de pourvoir avoir accès à l’enseignement à moindre frais. Elle scolarise 150 enfants de la crèche jusqu’à la fin du cycle primaire.

Je suis intervenue pour l’enseignement formel et informel du français, autour du sport et des jeux. Par exemple, pour apprendre les nombres : je donnais le nombre en français, et les élèves devaient courir toucher sur le mur les nombres qui forment ce chiffre. Le plus rapide avait gagné ! Cela stimule les élèves de sortir du cadre strictement scolaire et d’apprendre dans la bonne humeur. Pour les couleurs, je leur en donnais une et les élèves devaient être les plus rapides à toucher un objet de cette couleur présent dans la cour de récréation. Je partageais aussi avec eux des éléments sur la culture française et, lors des récréations, je menais des discussions de pratique orale en français avec les élèves.

J’espérais acquérir une meilleure maîtrise de l’anglais et je voulais m’inscrire dans une plus longue période à l’étranger. J’étais déjà allée au Burkina Faso avant, mais je voulais pouvoir mettre en avant le fait que j’aie passé six mois dans le cadre de ce type de missions. C’était aussi un test pour savoir si je réussirais à rester aussi longtemps loin de chez moi, de mes amis, de ma famille et de ma ville. Je me suis rendue compte qu’effectivement je me sens bien en voyage et ça me donne envie de continuer !

Du point de vue de la langue, au niveau de l’anglais, je ne suis pas bilingue, mais j’ai un peu progressé. Par ailleurs, je pense avoir pu contribuer à déconstruire l’image des personnes du Nord qu’ont parfois les membres de la communauté dans laquelle je suis. Nous avons discuté des nombreux clichés sur l’Afrique et l’Europe que chacun véhicule de part et d’autre. Par exemple, tout le monde était étonné que je cuisine, que je fasse mes lessives ou que je me déplace sans chauffeur. Les membres de la communauté avaient pour seule représentation des européens, les expatriés qui bénéficient de personnel de maison. Elles étaient étonnées de savoir que ce n’est pas du tout la norme dans mon pays !

Bio express

Fanny Pons a 26 ans. Elle est titulaire d’un master 2 en relations internationales et politique de sécurité et de défense à l’Université de Toulouse Capitole. Outre son engagement dans le cadre de ce Service civique international, elle a aussi participé à des missions au Burkina Faso au sein de l’association Terra, dont elle a assuré la présidence, et qui intervient dans ce pays pour y organiser des formations aux premiers secours.
Fanny Pons
Volontaire chez Hope and Service

L'organisme d'accueil

Hope and Service est une fondation ghanéenne dont l’objectif est de soutenir et aider les personnes démunies et les enfants vulnérables sans soutien familial en leur donnant les compétences nécessaires pour qu'ils puissent participer à des activités visant à la réduction de la pauvreté dans leurs communautés rurales (apiculture, élevage, création de petites entreprises, etc.).

Au soutien des personnes en situation de handicap mental

© Nathan Anderson / Unsplash

À Ambleteuse (Pas-de-Calais), l’Arche Les Trois Fontaines accueille des personnes en situation de handicap mental. L’établissement compte sur l’aide d’une importante cohorte de volontaires (actuels et anciens) qui accompagnent les bénévoles et salariés dans l’ensemble des tâches de l’établissement.

Créée dans les années 1960, l’Arche est une fédération de communautés qui accueillent les personnes en situation de handicap mental dans des lieux de vie et de travail, où elles résident avec des bénévoles ou volontaires. Au nombre de 39, elles sont réparties sur tout le territoire national et regroupent en tout 4000 personnes dont 1750 ayant un handicap mental. L’Arche Les Trois fontaines est l’une de celles-ci. Basée à Ambleteuse, entre Calais et Boulogne-sur-mer, elle dispose de quatre structures médico-sociales : un foyer d’hébergement, un foyer de vie, un établissement hébergeant des personnes handicapées âgées (EHPAH) et un établissement et service d’aide par le travail (ESAT).

Des volontaires "pépites"

Stéphane fait partie des forces vives de l’équipe de l’Arche. Chaque jour depuis son arrivée à l’automne dernier, ce jeune tchadien en volontariat de solidarité internationale (VSI) donne un coup de main pour faciliter le quotidien des résidents des lieux : « Je passe mes journées au foyer, je suis là pour les assister dans leurs activités. Je les guide, je les fais sortir, je les encadre quand ils jouent au foot ou quand ils se promènent, je signale les points de danger, je leur rappelle de bien s’hydrater quand il fait trop chaud… » détaille-t-il avec précision. Des tâches complexes, face à des personnes en manque d’autonomie qui nécessitent parfois un accompagnement conséquent.

« C’est fatigant, et cela peut mettre les volontaires face à leurs limites ou leurs fragilités. Ce n’est pas toujours tout rose », complète Lucie Druart, responsable des ressources humaines de l’établissement, avant d’enchaîner : « Mais ces volontaires assurent une aide concrète et cela donne plus de temps aux salariés pour mettre en œuvre leurs missions tout en permettant d’être au rythme des personnes handicapées. Ce sont des pépites pour nos équipes de salariés » s’enthousiasme-t-elle.

« Beaucoup de salariés sont arrivés ici par la voie du volontariat »

Lucie Druart, responsable RH et ancienne volontaire

Il faut dire qu’elle est elle-même bien placée pour connaître les avantages du dispositif : avant d’arriver à l’Arche Les Trois Fontaines, elle avait ainsi assuré une première mission de volontariat au Rwanda avec les Scouts de France, avant de repartir quelques mois plus tard pour une nouvelle mission, en Équateur cette fois et avec son mari, via la Délégation catholique pour la coopération (DCC). Quant à Nicolas Nys, directeur de la structure, il était quant à lui VSI en Côte d’Ivoire il y a quelques années. « Beaucoup de salariés sont arrivés ici par la voie du volontariat », commente Lucie Druart : « Cela permet de comprendre réellement ce qu’est le travail social et de conforter un choix de carrière ». En somme, l’Arche développe une véritable culture du volontariat.

Stéphane, de son côté, n’a pas prévu de continuer dans ce secteur pour la suite. Pas par manque d’intérêt pour les missions qu’il assure, mais il a d’autres projets : « Je veux rentrer au pays avec cette expérience : j’ai une association de volontaires au Tchad, j’ai besoin de rentrer pour m’en occuper ». Pas avant le mois de septembre prochain toutefois, puisque sa mission doit durer un an. Encore quelques mois pour continuer d’œuvrer dans sa « famille », comme il le dit affectueusement : « J’ai été accueilli dans mon foyer comme un prince, je compte bien le leur rendre jusqu’au bout ».

Stéphane Boyahré, volontaire de solidarité internationale envoyé la Délégation catholique pour la coopération à l’Arche Les Trois Fontaines.

Bio express

Stéphane Boyahré a été envoyé à l’Arche les Trois Fontaines par la Délégation catholique pour la coopération (DCC), pour une mission de volontariat de solidarité internationale (VSI). Il est titulaire d’un diplôme en sciences de l’éducation et en psychologie obtenu lors de son cursus universitaire au Cameroun. À son retour au Tchad, il a été bénévole puis volontaire national dans son pays.
Stéphane Boyahré
Volontaire à l'Arche les Trois Fontaines

Regarder le témoignage de Martin, ancien service civique à l'Arche Strasbourg

Quelles différences entre une action humanitaire d’urgence, une mission de volontariat et du bénévolat ? 

© Kyle Glenn / Unsplash

Bénévoles, humanitaires ou volontaires, tous sont guidés dans leur mission par un fort désir de mettre à profit leur temps ou leur compétence au service de l’intérêt général.  Si les motivations de ces engagements ont des racines communes (solidarité, altruisme, don de soi), il existe cependant quelques nuances entre ces statuts. Tour d’horizon des différences à connaître pour s’engager dans la bonne direction !

Qu'est-ce qu'une action humanitaire d'urgence ?

Une action humanitaire d’urgence est un déplacement effectué dans le but de fournir une assistance humanitaire à des populations dans le besoin, généralement dans des régions touchées par des crises ou des catastrophes naturelles, des conflits armés, ou encore des situations de pauvreté extrême. 

Les activités menées en cas d’urgence humanitaire peuvent inclure la distribution de nourriture, d’eau potable, de médicaments et d’autres fournitures de première nécessité, ainsi que la mise en place de programmes éducatifs, sanitaires ou de reconstruction. L’objectif principal est d’apporter une aide immédiate aux populations vulnérables et de contribuer à soulager leurs souffrances.

Les volontaires internationaux d’échange et de solidarité ne s’engagent pas dans des missions d’urgence humanitaire. Ils sont déployés dans le cadre de dispositifs réglementés par l’État français et ils sont soumis au respect des recommandations sécuritaires formulées par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Dans une zone sinistrée où les humanitaires pourraient être missionnés, les volontaires seraient quant à eux rapatriés pour des raisons de sécurité.

Quelles différences entre volontariat et bénévolat ?

Le statut

Le bénévolat à l’international est un engagement libre, sans condition d’âge ni de diplôme. C’est un engagement moral qui peut être ponctuel ou régulier, mais n’est jamais une activité à temps plein. À ce titre, un bénévole n’a pas de contrat de travail (même s’il doit respecter le règlement de l’organisme et ses règles de sécurité). Le bénévole est libre de mettre un terme à son engagement sans procédure ni dédommagement. Le volontariat est un engagement contractuel et exclusif. Le statut de volontaire se situe entre celui du salarié et celui du bénévole. Un volontaire n’est pas salarié parce qu’il consacre une partie de son temps à une mission d’intérêt général. Il n’est pas non plus bénévole parce que soumis au respect d’un contrat et d’une exclusivité. En outre, il doit respecter un préavis.

La compensation financière

Un bénévole n’est pas payé. Il ne reçoit donc aucune compensation financière, qu’elle soit en espèce ou en nature. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques essentielles du bénévolat. Certains dispositifs de volontariat, comme le VSI et le service civique, permettent au volontaire de percevoir mensuellement une indemnité de subsistance. Ce n’est pas le cas en revanche pour d’autres types de volontariat comme les chantiers internationaux.

La durée de l'engagement

Si le bénévolat peut s’envisager « à la carte », à court ou à long terme, il n'y a généralement pas d'exigences strictes en termes de durée d'engagement. En revanche, plusieurs dispositifs comme le volontariat de solidarité internationale implique souvent un engagement à long terme, généralement de plusieurs mois à plusieurs années, pour permettre une contribution significative et durable aux projets.

La formation et le support pendant la mission

Le bénévolat ne nécessite pas nécessairement de formation préalable spécifique ou de support continu, bien que cela puisse varier selon le contexte. En revanche, les missions plus longues de volontariat à l’international nécessitent une formation obligatoire avant le départ et bénéficient d’un soutien continu pendant la mission. Les Espaces Volontariats de France Volontaires proposent des formations, des outils, des espaces d’échange mais aussi des contacts utiles tout au long de la mission.

Les objectifs

Le bénévolat peut être réalisé dans divers contextes, y compris au niveau local, national ou international, mais n'est pas toujours axé sur des missions spécifiques de solidarité internationale. Le VIES se concentre spécifiquement sur des missions de développement et d'appui aux acteurs locaux, dans le cadre de projets concrets, portés et gérés par des structures spécialisées.

Bonne nouvelle !

Un engagement bénévole peut tout à fait être prolongé par une période de volontariat et inversement ! S’il existe quelques différences entre les deux statuts, il n’y a aucune incompatibilité entre eux. Au contraire, ils s’inscrivent souvent dans un véritable parcours d’engagement, sous différentes formes, à différents moments de sa vie.  De bon augure pour celles et ceux qui cherchent leur chemin dans la solidarité internationale.

La Mauritanie et la Région Centre main dans la main au service de la formation agricole

© Thomas Limousin / France Volontaires

Initiée il y a plus de vingt ans, la coopération décentralisée entre les régions Centre-Val-de-Loire et Gorgol, dans le sud de la Mauritanie, continue de se renforcer. Benoît Dagbert, volontaire de solidarité internationale (VSI), anime ce partenariat sur place : une présence qui facilite les liens et permet de concrétiser les projets. La venue d’une délégation française en mars a permis de faire éclore l’espoir d’un partenariat entre deux écoles de formation agricole, un enjeu pour les deux régions.

S ous un soleil de plomb, le regard au loin, les mains dans le dos, Sid El Kheir Cheikh El Bou, directeur de l’École nationale de formation et de vulgarisation agricole de Kaédi (ENFVA) ne tient plus en place. Dans quelques minutes, une délégation de la Région Centre-Val-de-Loire arrivera dans son établissement, en visite dans la capitale de cette région du sud du pays, située à la frontière avec le Sénégal. Depuis plusieurs mois, il travaille avec Benoît Dagbert, VSI chargé d’animer la coopération décentralisée, sur un projet de partenariat avec l’école horticole de la Mouillère, basée à Orléans. « J’attends beaucoup de cette délégation » explique-t-il, impatient, « j’ai hâte de faire avancer le projet ».
Depuis 2002, les deux régions nouent une relation étroite et collaborent sur des projets d’amélioration d’accès à l’eau potable, de formation agricole ou de renforcement institutionnel. Cette visite française dans le Gorgol est un moyen de renforcer ces liens et de créer de nouvelles perspectives. Organisée en grande partie par Benoît, c’est un temps fort pour la coopération. 

Une centaine d’hectares dédiés à l’expérimentation dans l’agriculture

La délégation arrive enfin. Elle est composée du président de la Région Centre, de la vice-présidente déléguée à la coopération internationale, ses conseillers techniques, de Benoît, ainsi que de Jean-Philippe Audrain, directeur de l’école de la Mouillère. Dans la grande salle de réunion décorée pour l’occasion, le directeur de l’ENFVA fait une présentation de son établissement. L’école accueille 300 élèves pour des formations allant du CAP au BTS. Il expose également ses limites : seulement sept formateurs permanents et un manque d’experts sur certains domaines. Une visite est ensuite organisée, la centaine d’hectares dont dispose l’école est dédiée à la formation et à l’expérimentation dans l’agriculture et dans l’élevage

La visite de la délégation de la Région Centre en mars 2024 en Mauritanie. 

La délégation doit repartir. Seuls restent Benoît et le directeur de l’école orléanaise. Le temps politique passé, les engagements pris, il est l’heure d’aborder les aspects techniques et opérationnels. « J’aimerais que de façon réciproque, on puisse s’apporter des expériences et une montée en compétences des formateurs » explique Jean-Philippe Audrain, « Également, que les jeunes de France puissent ouvrir les yeux sur ce qu’il peut se passer ailleurs. Je crois en la coopération et plus largement en la mobilité internationale ». Les deux directeurs sont sur la même longueur d’onde. « Il ne reste plus qu’à mettre en place un protocole d’accord » résume l’un d’eux.

Le volontariat, un gain de temps dans la gestion de la coopération

Rien n’aurait pu se faire sans la présence de Benoît. Envoyé par la région Centre-Val-de-Loire dans le Gorgol il y a dix mois, sa présence permet d’entretenir et de vitaliser la coopération. « Je me vois comme étant un facilitateur d’échanges, de relations. Je mets en liens les acteurs institutionnels, mais également tous les partenaires intéressés par la coopération ». Un rôle essentiel, salué par le directeur de l’école de la Mouillère : « Pour moi, la présence de Benoît est indispensable. Les visios, c’est bien, mais ce n’est jamais suffisant. Ça nous prendrait un temps dingue d’apprendre, de comprendre comment ça fonctionne ici. Ça résout la moitié des problèmes avant qu’ils ne se posent ». Les deux directeurs se serrent la main. Dans quelques mois, une nouvelle délégation se rendra en Mauritanie pour sceller l’accord entre les deux établissements. De son côté, Benoît continue d’animer la relation entre les régions. La coopération décentralisée, levier de solidarité et d’enrichissement mutuel, a encore de beaux jours devant elle.

Bio express

Benoît Dagbert a 32 ans. Après des études et une vie dans le théâtre, il décide de se tourner vers la science politique à l'université Paris 8 - Saint-Denis. Intéressé par le marché de l'art et ses enjeux contemporain de restitution des œuvres africaines, il s'engage dans un Service Civique au Bénin dans un centre culturel. Grand amoureux du Brésil et des voyages, la Mauritanie lui ouvre ses bras et il anime désormais la coopération décentralisée avec la région du Gorgol.
Benoît Dagbert
Volontaire pour la Région Centre-Val-de-Loire en Mauritanie

Quand Léna accompagne les élèves en difficulté à Nouakchott

© Thomas Limousin / France Volontaires

Volontaire en Service Civique au lycée français de Nouakchott, Lena accompagne des élèves en difficulté scolaire. Véritable pédagogue, cette expérience lui sert à faire un premier pas dans le domaine de l’éducation et lui permet d’affirmer ses choix professionnels. Portrait d’une jeune baroudeuse pour qui l’instruction est une vocation.

Il est 11h30 dans le CDI du lycée Théodore Monod de Nouakchott, le calme règne. Certains élèves, studieux, révisent pour les examens à venir, d’autres feuillètent des bandes dessinées. Ryme, en 4ème, se dirige quant à elle vers une petite salle climatisée. Lena l’y attend pour une séance de soutien individuel. Aujourd’hui, c’est aide au devoir de géographie, un cours sur les mobilités transnationales. Il faut décrire une image et rédiger un paragraphe sur l’évolution des migrations. Après quelques explications, la jeune fille se lance dans sa dissertation.

Mais cela n’est pas toujours aussi facile. Dans cet établissement où les cours sont dispensés en français, certains élèves mauritaniens accumulent du retard. « Même si tous comprennent le français, quelques-uns ont de grandes difficultés en compréhension et production écrite, ça les handicape, il faut consolider les bases » explique Léna. « On se voit pendant toute la semaine, pour des séances d’une heure, parfois deux, on est en tête-à-tête, c’est plus simple pour eux de garder leur concentration ».

Club de lecture et ateliers débats avec les élèves

La jeune française est en Service Civique dans l’établissement depuis décembre 2022. Diplômée d’une licence de lettres, elle a décidé de réaliser une pause dans ses études pour avoir une première expérience dans le monde de l’éducation. « Lena est une bonne professeure » souligne Ryme, toute souriante, « avec elle, je n’ai pas l’impression d’être en classe, j’ai plus de liberté pour poser des questions. Le tutorat m’aide à apprendre, j’ai vraiment l’impression de progresser ».
Le lycée lui offre une certaine souplesse. Elle anime un club de lecture et a l’intention de mener un atelier débat où chacun pourra prendre la parole librement. « Ce sont des projets que j’ai monté, c’est gratifiant de voir que ça plaît » se réjouit Lena.

« Le voyage, ça m’anime. C’est dur parfois, mais ça apporte tellement. Tu acquiers des compétences pour la vie »

Léna, en service civique en Mauritanie

La jeune volontaire est une véritable baroudeuse. À 17 ans, elle arpentait déjà seule l’Indonésie. Ces nombreux voyages à travers le monde lui ont donné la fièvre de la découverte et l’envie d’enseigner. « Le voyage, ça m’anime, c’est dur parfois, mais ça m’apporte tellement. Tu acquiers des compétences pour la vie », résume-t-elleElle se voit devenir professeure de français langue étrangère. Pour le moment, elle fait ses armes au lycée français de Nouakchott, pour le plus grand plaisir des jeunes élèves.

© Thomas Limousin / France Volontaires

Bio express

Léna Longère, 24 ans, a effectué son service civique pour une mission d'accompagnement des élèves en difficultés auprès du lycée français Théodore-Monod à Nouakchott, en Mauritanie, entre janvier et juin 2023.
Léna Longère
Volontaire en service civique

« J’ai coordonné la caravane des droits au Congo »

© Jonnathan Tshibangu / Unsplash

[Retour sur mission] Pendant un peu plus d’un an, du printemps 2021 à l’été 2022, Morgane Séger a œuvré au renforcement des droits des peuples autochtones en République du Congo. Envoyée par l’IFAID Aquitaine, elle s’était engagée au sein de l’ONG Initiative Développement en volontariat de solidarité internationale (VSI). Elle a ainsi partagé son temps entre Brazzaville, la capitale du pays, et la ville d’Enyellé, à l’extrême nord du pays. Témoignage.

J’ai travaillé en tant qu’assistante technique sur le programme NZELA ("la route" en lingala).

C’est un programme de développement local promouvant les droits des populations autochtones dans le district d’Enyellé, au Nord du pays. Mon rôle spécifique était de coordonner le volet droit humains. J’étais en charge d’un certains nombre d’activités : de la  sensibilisation et de la formation, assurer les srelation avec les autorités et les partenaires pour la promotion des droits et la remontée des cas de violations, superviser des études contextuelles sur la relation entre les bantous et les akas, mettre en œuvre des événements de plaidoyer comme la Journée internationale des populations autochtones , etc.

Étant donné mon parcours, je souhaitais œuvrer sur le terrain, au plus proche des communautés et des bénéficiaires afin de mieux comprendre les enjeux et la réalité très concrète de la mise en œuvre des projets. Le projet NZELA est un projet qu’on peut qualifier de « pilote », du fait qu’il cherche à répondre aux enjeux de développement local en intégrant les problématiques sociales, quasi-anthropologiques, de la relation de tutelle dominatrice exercée par les bantous sur les autochtones, laquelle engendre des tensions entre les communautés de la zone. Ce qui le rend très intéressant de mon point de vue, c’est justement cette orientation : le fait que ces problématiques complexes constituent en quelque sorte le noyau du projet, ce qui pousse à réfléchir autrement la mise en œuvre des activités à tous les niveaux.

Dans ce cadre, j’ai par exemple beaucoup aimé coordonner la caravane des droits, une sensibilisation itinérante dans les villages pour laquelle nous avions monté différentes activités comme un théâtre-forum sur les droits humains, des jeux pour promouvoir le vivre-ensemble et une projection vidéo le soir. C’était un vrai travail en équipe et on a eu des retours très positifs des communautés avec un public mixte et très large. C’était un plaisir de mettre en œuvre ces activités avec les communautés des villages plus excentrés qui ont tendance à être plus difficiles à faire participer, du fait de leur éloignement.

Au final, cette mission m’a globalement apporté une bonne compréhension du contexte, des codes culturels et des enjeux liés au développement et à la coopération au Congo, notamment ceux relatifs aux zones forestières. L’avantage est qu’en navigant entre Brazzaville et Enyellé, j’ai pu voir des facettes très différentes et complémentaires du pays ce que j’ai trouvé très formateur, aussi bien sur le plan professionnel que personnel. Evoluer sur le terrain, m’a vraiment permis d’appréhender la réalité de la mise en œuvre des projets, mais aussi le quotidien et le vivre-ensemble « à la congolaise »

Bio express

Morgane Séger a 28 ans. Après un parcours en économie du développement, initialement orienté sur les questions d’aménagement du territoire, elle a mené plusieurs expériences de volontariats à l’étranger dans des petites organisations. Elle a également travaillé en tant qu’évaluatrice sur des projets associatifs au Sénégal mais également au sein de l’Agence française de développement (AFD) et de l’ONG Santé Sud. Après son volontariat en tant que VSI, elle a continué de travailler au Congo, où elle est encore actuellement, en charge pour l’AFD du suivi des projets ONG et du portefeuille forêt, agriculture et environnement.
Morgane Séger
Volontaire chez Initiative développement

L'organisme d'accueil

Initiative Développement est une ONG française qui participe depuis plus de 25 ans au renforcement de l’autonomie des acteurs pour qu’ils construisent par eux-mêmes des réponses aux défis sociaux, environnementaux et économiques de leurs territoires. Présente au Congo depuis 2014, l’ONG œuvre sur des projets promouvant l’accompagnement des acteurs publics et de la société civile pour un développement local plus inclusif et participatif et le renforcement de l’accès aux droits, l’hygiène, l’assainissement ainsi que la gestion des ressources naturelles.

La Maison Yanapanaku tisse des liens entre le Nord et l’Amérique latine

© DR

Depuis 2017, la Maison de la culture Yanapanaku fait se rencontrer les passionnés de cultures latinos autour d’ateliers créatifs, de cours de langues ou d’actions de solidarité menées sur le terrain en Amérique du Sud. Les volontaires du Programme EnLazando participent activement à toutes ces activités. Un seul fil rouge : le « buen vivir », cette philosophie des peuples indigènes des Andes qui promeut le partage et l’échange entre les hommes et la nature.

Il suffit de prononcer le mot « yanapanaku » et l’on a déjà un peu l’impression de voyager par-delà les océans. Et pour cause : en quechua (la langue des peuples qui vivent dans la Cordillère des Andes), le terme signifie « Entr’aide ». Il n’a évidemment pas été choisi par hasard. C’est Pamela Visconti qui l’a retenu quand elle a créé son association il y a huit ans, alors qu’elle était étudiante en économie sociale et solidaire à Valenciennes, dans les Hauts-de-France : « Je suis chilienne et je souhaitais alors mettre en place une structure de solidarité internationale en lien avec mon pays d’origine.  J’avais déjà été bénévole dans une association en Equateur, c’était dans la continuité de ce que j’avais déjà engagé là-bas ».
Elle propose alors une réunion d’information à l’attention de la communauté latino dans un petit bar de la petite ville du Nord. Surprise : plus d’une trentaine de personnes originaires de Colombie, d’Argentine ou du Chili, comme elle, répondent présent. « Certaines voulaient donner de leur temps pour développer des projets d’aide à l’Amérique latine, d’autres proposaient des ateliers d’initiation autour des cultures latinos, comme l’utilisation d’un métier à tisser traditionnel par exemple… Nous avons coconstruit ensemble le projet de l’association ».

Cours d'espagnol ou de percussions

Dans un premier temps, elle commence par financer des actions au Chili, comme l’achat de matériel de couture pour des personnes âgées ou la construction d’une bibliothèque et d’un centre culturel en Équateur (la Fondation Clara Luna dans la ville de Puerto Lopez). Au fil du temps, le projet se consolide autour d’autres animations : la Maison Yanapanaku propose également des cours de langue, du français pour les membres de la communauté latino du Nord-Pas de Calais, de l’espagnol pour les locaux qui souhaitent découvrir ou approfondir cette langue étrangère. « Il peut s’agir de retraités qui ont du temps pour apprendre, mais on a aussi des gens qui parlent déjà espagnol et entendent renforcer leurs connaissances pour préparer un voyage ou une expatriation à l’étranger » détaille Pamela.
Surtout, Yanapanaku consacre une grande partie de son temps et de son énergie au développement d’actions d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (Ecsi) qui sont menées dans les écoles, collèges et lycées de la région. Concrètement, il peut s’agir d’échanges par courrier entre élèves, mais aussi de jeux ou de cours de percussion, par exemple.

« Quand je rentrerai à Bogota, cette expérience me servira dans l’association dans laquelle je suis bénévole »

Estefania Gualtero, volontaire colombienne à la Maison Yanapanaku

Sur ce volet, l’association est accompagnée par une cohorte de volontaires, comme Estefania Gualtero. Cette jeune journaliste colombienne de 22 ans est arrivée en France via le programme EnLAzando mis en place par France Volontaires, en partenariat avec La Guilde : « Venir en France est pour moi l’occasion de partager mes connaissances avec des jeunes d’ici. Cette interculturalité est très importante », explique-t-elle dans sa langue natale, bien qu’elle parle déjà un très bon français. « Quand je rentrerai à Bogota, cette expérience me servira aussi dans l’association dans laquelle je suis bénévole, qui travaille avec des personnes des communautés indigènes. J’espère pouvoir répliquer la méthodologie qu’on applique ici pour la mettre en œuvre chez moi » complète-t-elle avec enthousiasme. 

Des volontaires formés et accompagnés

Le volontariat s’avère une véritable richesse pour la Maison Yanapanaku. Outre les volontaires originaires d’Amérique latine qui gonflent régulièrement les rangs d’une structure composée uniquement de bénévoles, d’autres partent aussi pour donner un coup de main sur le terrain, principalement en Equateur. « Nous en avons déjà envoyé huit là-bas en service civique, entre autres pour promouvoir la lecture en mettant en place des petites bibliothèques mobiles » expose Pamela Visconti. « Ils ont plus de disponibilités que les bénévoles, généralement ils disent oui à tout ! Blague à part, ils sont surtout formés, bien préparés et super accompagnés. On ne pourrait pas développer autant de projets sans eux ».

Des ateliers créatifs (tissage, jeux, collages…) autour des cultures latino-américaines.

Le programme EnLAzando

Ce programme, mené depuis 2020 par France Volontaires, vise à mettre en œuvre une coopération durable entre la France et six pays d’Amérique du sud : la Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Paraguay, le Pérou et, depuis 2022, l’Argentine. EnLAzando a pour objectif principal d’appuyer la structuration de réseaux et d’acteurs (organisations, volontaires, entreprises, universités, États, etc.) pour construire une vision commune du volontariat et créer les conditions d’un volontariat responsable et solidaire en Amérique du Sud.

Regarder le reportage réalisé par la Maison Yanapanaku

Bio express

Estefania Gualtero a 22 ans. Cette jeune journaliste colombienne, fraîchement diplômée, a candidaté au programme EnLAzando de France Volontaires et réalise sa mission au sein de la Maison de la Culture Yanapanaku pour une durée d'un an.
Estefania Gualtero
Volontaire à la Maison Yanapanaku

5 questions à la présidente d’Afdi, Agriculteurs français et développement international

© AFDI. Champs école à Madagascar.

Grand temps fort de l’actualité française, le salon de l’agriculture a ouvert ses portes samedi 24 février dernier à Paris. L’occasion pour France Volontaires de mettre en lumière les nombreuses actions menées sur le terrain par les acteurs de la solidarité internationale dans le domaine de l’agriculture. Rencontre avec Sophie Fonquernie, présidente d’Afdi, membre de France Volontaires depuis 2009.

 

Quelles sont les principales missions d'AFDI ?

@Afdi. Sophie Fonquernie, présidente.
Agriculteurs français et développement international (Afdi) est une association de solidarité internationale créée par les organisations professionnelles agricoles françaises (APCA, CNMCCA, FNSEA, JA.), qui accompagne environ soixante organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale, d’Afrique de l’Est, de Madagascar et d’Asie du Sud-Est. À travers ses partenariats, Afdi vise à renforcer la sécurité alimentaire et la durabilité des agricultures, par le soutien aux exploitations agricoles familiales et le renforcement de partenariats stratégiques et de solidarité Nord/Sud. L’autre mission d’Afdi est la mobilisation, en France, des jeunes acteurs et actrices de l’agriculture et du développement pour favoriser les solidarités, mettre en évidence les enjeux du développement agricole et le rôle des agricultures familiales.

Changement climatique et agriculture familiale : quelle place pour le volontariat dans votre stratégie ?

Nous nous sommes dotés en 2023 d’une stratégie sur le changement climatique donnant une place importante à l’agroécologie comme approche d’adaptation. Les objectifs de cette stratégie sont d’accompagner les organisations paysannes dans l’identification et la mise en place d’actions d’adaptation et d’atténuation, le renforcement de leurs actions de plaidoyer pour une meilleure prise en compte de l’agriculture familiale dans les politiques climat, mais aussi l’amélioration de la prise en compte du genre et des jeunes dans les projets en lien avec le changement climatique. Le volontariat est une voie d’action dans ce cadre.

 

@AFDI. Parcelles témoin agroécologie Cambodge. Formation de responsables d’OP en Af de l’Ouest. Champs école Madagascar. Tunisie_Orbata_agriculture bio. Cameroun_Conaprocam_cacao

Vous intervenez dans dix-huit pays : quels sont les enjeux de ces partenariats internationaux ?

La faim et l’insécurité alimentaire dans le monde restent à un niveau très élevé, après une période de plusieurs années de baisse, et paradoxalement, la faim et la pauvreté touchent principalement les populations rurales et les agriculteurs et agricultrices familiaux, producteurs d’aliments.

En Afrique subsaharienne, ce constat intervient dans un contexte de croissance démographique marquée, avec une perspective de doublement de la population à l’horizon 2050. Les équilibres entre les villes et les campagnes sont déterminants, notamment en matière de production agricole et d’accès à l’alimentation. Ce constat rend fondamentales les questions relatives à l’accès à l’emploi et à l’inclusion des jeunes mais aussi des femmes, en Afrique, Madagascar ou en Asie.

Enfin, la crise écologique et climatique est plus que jamais prégnante et s’exprime par la dégradation des terres et des ressources. C’est dans ce contexte qu’Afdi inscrit son approche, en accompagnant les agriculteurs familiaux, regroupés au sein des organisations paysannes. Nos partenariats visent à renforcer les capacités des organisations paysannes afin qu’elles jouent un rôle incontournable dans la gouvernance, la stabilisation et la résilience des territoires, en facilitant la transition agroécologique et la cohésion sociale.

Où en est la création du réseau international des jeunes agriculteurs depuis le Sommet de Kigali en octobre 2022 ?

Le 20 septembre 2023, la première réunion virtuelle du Réseau international des jeunes agriculteurs s’est tenue, après le Sommet international des jeunes agriculteurs (Sija) de 2022 à Kigali et en prévision du Sommet international de 2024 au Québec. À l’initiative de cette première réunion, Jeunes Agriculteurs (JA), avec Afdi, a animé la séance en commençant par un échange sur les réalités vécues par les jeunes dans chacun de leur pays, qui se sont tous retrouvés confrontés à des aléas climatiques très forts cette année : sécheresse au sud de l’Amérique du Sud, inondations au Tchad, mauvaise répartition des pluies en Espagne… Le deuxième point saillant qui a marqué l’année agricole est l’inflation forte, en particulier concernant les intrants, l’énergie, et l’augmentation des taux d’intérêts dans certains pays, qui ne s’est pas répercutée, ou insuffisamment, sur les prix de vente des productions agricoles. Enfin, la question du manque de visibilité du travail des femmes rurales et de leur accès aux moyens de production a été souligné.

Après un échange sur leurs réalités respectives, les jeunes ont balisé l’organisation des prochaines réunions en ligne, dont deux sont prévues en 2024, échangé sur la tenue du Sommet international de 2024, et travaillé sur un plan de communication pour lancer la première Journée internationale des jeunes agriculteurs, le 29 octobre 2023. Celle-ci a été relayée sur les réseaux sociaux, en particulier en France.

Quel rôle pour les volontaires internationaux dans les exploitations françaises ?

Dans sa mission d’information et de sensibilisation du monde agricole français, et en particulier des apprenants de l’enseignement agricole, Afdi intervient régulièrement dans les réseaux des organisations agricoles, les lycées, etc. pour mettre en évidence les enjeux internationaux de l’agriculture et mobiliser les engagements pour des partenariats internationaux permettant aux agriculteurs de vivre dignement de leur métier. Dans ce contexte, le volontariat international, notamment le volontariat de solidarité international en réciprocité, peut jouer un rôle.

Afdi en bref

Association de solidarité internationale, Afdi soutient les agriculteurs familiaux dans leur volonté de vivre dignement de leur métier et d’assurer la pérennité des exploitations agricoles. Ancrée dans le territoire français, Afdi s’engage en faveur des agricultures familiales, soutient les initiatives des organisations paysannes (OP) partenaires des pays du Sud, et sensibilise les (futurs) professionnels du monde agricole et rural français à la solidarité et à la citoyenneté. Afdi est partenaire d'organisations paysannes dans 15 pays d'Afrique et d'Asie.

« L’agroforesterie, c’est l’agriculture de demain »

La parcelle d’agroforesterie d’Anthony Bracke à Madagascar © Anthony Bracke

Anthony Bracke s’est installé à Madagascar en 2015 où son association, Opti’Pousse Haie, mène des projets autour de la protection des milieux naturels. Après son volontariat de solidarité internationale (VSI), il s’est s’engagé dans un projet de développement de l’agroforesterie, une technique agricole qui mêle plantation d’arbres et de cultures sur la même parcelle. Interview.

C’est un passionné d’environnement qui bourlingue depuis près de dix ans entre la Réunion et Madagascar, ces deux îles voisines de l’océan Indien. Originaire de la petite île française, Anthony Bracke est diplômé d’écologie tropicale : dès la fin de ses études, il s’est engagé dans des associations de protection de l’environnement sur le territoire malgache, d’abord comme bénévole puis dans le cadre d’un Volontariat de Solidarité Internationale (VSI) entre 2018 et 2021.

Avec son association Opti’pousse Haie, il développe de multiples projets autour de la reforestation et de la protection de la mangrove, et mène en parallèle un projet d’agroforesterie, qu’il aimerait développer avec l’appui de futurs volontaires.

Comment vous êtes-vous engagé dans une démarche d’agroforesterie à Madagascar ?

J’ai commencé à développer l’agroforesterie à titre individuel sur une parcelle de terrain de cinq hectares que j’exploite avec ma femme et un ami. Le reboisement de la parcelle doit se faire avec l’objectif de recréer un écosystème plus intégré dans le paysage. On y produit du sésame, des cacahuètes, du moringa, de l’indigo, de l’hibiscus rouge également (du bissap), que ma femme transforme ensuite : confitures, jus, tisanes et même des fleurs cristallisées, un produit très demandé par certaines épiceries de luxe. Tout cela se fait grâce à l’énergie solaire. Notre idée est de sublimer les produits de Madagascar afin de mettre en avant un terroir, ce qui se fait très peu sur l’île car la matière première est directement exportée vers l’étranger.

La livraison des plants de moringa par “deux Lamborghini” comme s’en amuse Anthony Bracke. © Anthony Bracke

«L'agroforesterie permet une collaboration entre les espèces d’arbres et les cultures. »

Quel est l’intérêt de l’agroforesterie ?

Cela permet une collaboration entre les espèces d’arbres et les cultures. Par exemple on va utiliser les racines de certains arbres pour véhiculer de l’azote au niveau du sous-sol, ce qui constitue un engrais naturel pour les plantes alentours. Pour d’autres espèces, on va compter sur le fait que les feuilles tombent par terre pour faire de l’humus ou permettre un paillage naturel. Enfin la présence d’arbres permet aussi de casser le vent. C’est très utile dans une zone côtière comme la nôtre, cela protège les espèces fruitières qui produisent d’abord des fleurs.
Les arbres constituent enfin un habitat naturel pour de nombreux oiseaux et insectes. On va évidemment perdre une partie de la récolte, mais on produit des fruits et légumes sains : l’agroforesterie, c’est aussi une façon de sortir de l’agriculture chimique. C’est l’agriculture de demain.

Cela participe aussi au reverdissement de l’île, qui est un projet-phare des autorités du pays…

Oui, mais c’est un sujet complexe à Madagascar, car certaines entreprises ou associations ont tendance à planter des acacias : cela permet un reverdissement rapide de l’ile, mais c’est une espèce exotique et invasive qui détruit l’habitat de certains animaux comme les serpents ou les oiseaux, et l’acacia a aussi de grands besoins en eau. Donc on reverdit très facilement car c’est facile à planter, mais une bonne reforestation passe plutôt par des espèces endémiques et autochtones. Il y en a plus de 400 ici. L’objectif de notre association est de mettre en place un processus de reboisement pérenne, respectueux de l’écosystème de l’île, afin de transmettre le projet à une plus grosse ONG qui ait les moyens de généraliser ce mode de fonctionnement.

Bio express

Anthony Bracke a été coordinateur de projets pour l’association Analalava Tia Fandrosoana dans le nord-ouest de Madagascar de 2018 à 2021. Recruté par l'antenne de France Volontaires à La Réunion, engagé pour l'environnement et la préservation de la biodiversité, il a fait partie de la délégation de France Volontaires qui a participé au One Forest Youth Forum et au One Forest Summit à Libreville, au Gabon, en février 2023.